GRAHAM, ANDREW, agent principal de la Hudson’s Bay Company et naturaliste, né probablement au milieu des années 1730 en Écosse ; décédé le 8 septembre 1815 à Prestonpans, Écosse.
Andrew Graham était encore tout jeune quand il entra à la Hudson’s Bay Company en 1749 ; il fut d’abord assigné au plus septentrional des postes de traite de la compagnie, le fort Prince of Wales, également connu sous le nom de Churchill (Manitoba). Il était de ses fonctions, et non des moins intéressantes, de servir à bord de sloops, au cours de trois expéditions estivales de traite avec les Inuit du nord de la baie d’Hudson. En 1753, il fut nommé écrivain adjoint à York Factory (Manitoba), où, sous les ordres de l’agent principal James Isham*, il assuma des responsabilités de plus en plus grandes. De 1761 à 1774, Graham servit comme commandant au fort Severn (Fort Severn, Ontario), sauf pendant deux saisons – celles de 1765–1766 et de 1771–1772 – qu’il passa comme agent principal intérimaire à York Factory, et pendant une année de congé, en 1769–1770. De mars 1774 au mois d’août de l’année suivante, il séjourna de nouveau au fort Prince of Wales, cette fois à titre d’agent principal. Graham quitta le service de la compagnie en 1775 et vécut à Edimbourg, ou à proximité de cette ville, jusqu’à sa mort.
Depuis que les archives de la Hudson’s Bay Company ont été ouvertes, Graham est apparu à la fois comme l’un des personnages qui jouèrent un rôle clé dans l’expansion de la compagnie à l’intérieur des terres à la fin du xviiie siècle, et comme un pionnier de marque dans le domaine des sciences naturelles. C’est surtout grâce à sa remarquable série d’« Observations [...] » manuscrites, rédigées à partir de 1767, qu’il fut reconnu. Entreprises peut-être pour préciser et continuer les notes écrites par Isham dans les années 1740, ces « Observations » contiennent des descriptions de la vie dans les postes de la baie d’Hudson, des listes détaillées de nature commerciale, des observations météorologiques et astronomiques, la transcription de journaux d’explorateurs de la compagnie et le premier vocabulaire connu de la langue des Gros-Ventres et de celle des Sarcis. En réalité, ces courts vocabulaires, de même que beaucoup d’autres renseignements plutôt vagues sur les Indiens de l’intérieur, Graham les tenait d’autres employés de la compagnie, puisque lui-même ne voyagea jamais à l’intérieur des terres. Par ailleurs, les sections beaucoup mieux documentées sur les Cris proviennent de sa propre expérience à York Factory et au fort Severn, et elles comptent parmi les descriptions les plus détaillées que l’on possède sur les Indiens du littoral de la baie. D’un plus grand intérêt encore pour les anthropologues, se révèlent les commentaires de Graham sur les Inuit qu’il avait vus le long de la côte ouest de la baie d’Hudson, car les sources écrites sur leur culture, pour cette période reculée des premiers contacts avec les Blancs, sont pour ainsi dire presque inexistantes. Mais les manuscrits de Graham contiennent surtout de longues sections consacrées à l’histoire naturelle de la région de la baie d’Hudson, les plus complètes portant sur les oiseaux. Tout en écrivant ses observations, Graham’, à partir de 1770, fit des collections considérables de spécimens d’histoire naturelle (là encore, les oiseaux prédominaient), qu’il envoyait à Londres.
Les premiers envois des spécimens de Graham, de même que certaines de ses notes, furent présentés et décrits par le naturaliste Johann Reinhold Forster, dans trois communications publiées dans les Philosophical Transactions de la Royal Society, en 1772 et 1773. Graham n’avait aucune formation scientifique et commettait des erreurs élémentaires de classification ; néanmoins, ses irremplaçables observations de première main et les spécimens qu’il continuait d’envoyer en Angleterre fournirent la matière d’une bonne partie du second volume de la célèbre Arctic zoology (2 vol., Londres, 1785) de Thomas Pennant et de son Supplement (Londres, 1787) ; il en fut de même pour la partie nord-américaine du troisième volume de John Latham, A general synopsis of birds (3 vol. en 6, Londres, 1781–1785). Mais, après la parution des articles de Forster, le monde des savants cessa presque complètement de reconnaître la contribution de Graham. Sa documentation fut mise entre les mains de naturalistes en Angleterre par son vieux collègue et compagnon de ses cueillettes dans la baie, le chirurgien et naturaliste Thomas Hutchins*, qui fut secrétaire correspondant de la Hudson’s Bay Company à Londres de 1783 jusqu’à sa mort, en 1790 ; Hutchins semble s’être approprié le crédit des observations qui étaient entièrement ou principalement de Graham. Celui-ci fut d’ailleurs bel et bien plagié : plusieurs des sections les plus solides du livre d’Edward Umfreville*, The present state of Hudson’s Bay [...J (Londres, 1790), sont tirées directement des journaux manuscrits de Graham.
En plus de leur apport non négligeable aux sciences naturelles, les « Observations » fournissent une peinture inégalée des méthodes de traite de la compagnie au milieu du xviiie siècle. Ici, Graham se révéla plus qu’un simple compilateur de renseignements, encore qu’il faille noter que l’importance de ses remarques vient du regard pénétrant qu’il jette sur la traite privée et sur d’autres sujets que les rapports officiels n’abordaient généralement qu’avec réticence. Les deux saisons qu’il passa à York Factory à titre d’agent principal intérimaire coïncidèrent avec la pression croissante qu’exerçaient sur la Hudson’s Bay Company les trafiquants indépendants rivaux venant du Canada. Pour conjurer cette menace, Graham envoya six hommes dans des expéditions séparées à l’intérieur en 1766, afin d’enquêter sur la pénétration des Canadiens et de l’empêcher sur les routes fluviales conduisant à la baie ; mais, quand il retourna à York Factory cinq ans plus tard, il était évident que cette stratégie avait échoué. En 1772, sur le conseil de John Cole*, un déserteur canadien, non seulement ordonna-t-il à Matthew Cocking* d’entreprendre à l’intérieur des terres le voyage le plus ambitieux qu’un employé de la compagnie eût accompli depuis les explorations d’Anthony Henday*, mais en août il envoya un mémoire décisif, accompagné d’une carte, au comité de Londres, pour démontrer la nécessité d’un poste intérieur permanent à Basquia (Le Pas, Manitoba), peut-être sous le commandement de Samuel Hearne*. Depuis longtemps inquiet de la détérioration de la position de la compagnie dans la baie, le comité adopta ce plan l’année suivante et, en 1774, après avoir discuté du projet avec Graham au fort Churchill, Hearne partit pour la rivière Saskatchewan dans le but d’y établir un poste. Cette décision constituait une rupture radicale avec la politique traditionnelle de la compagnie d’attirer les Indiens jusqu’à la baie pour y trafiquer.
Andrew Graham connut une vie familiale compliquée. Il avait épousé Patricia Sherer, à Édimbourg, le 6 mai 1770. Il eut au moins deux enfants de sang-mêlé à la baie d’Hudson, qui paraissent l’avoir rejoint en Écosse après sa retraite. Et, à un certain moment, il épousa Barbara Bowie. Une fois à la retraite, Graham resta en rapport avec le comité de Londres et avec ses anciens collègues de la baie lesquels, longtemps après qu’il se fut officiellement retiré, lui envoyaient des renseignements concernant, par exemple, les raids menés contre le fort Prince of Wales et York Factory par les Français sous les ordres de Jean-François de Galaup*, comte de Lapérouse, en 1782. Il continua de réviser et de recopier ses « Observations » jusqu’en 1791, année de la dernière version connue ; l’année suivante, il envoya le reste de son journal, ainsi que quelques cartes, à la compagnie, à Londres. Malgré une demande d’aide financière, en 1801, à laquelle le comité de Londres répondit en lui accordant une légère gratification annuelle, Graham, comme l’indique son testament, jouissait à sa mort d’une certaine aisance. Longtemps avant sa mort, on avait entièrement oublié sa contribution à la connaissance, en Europe, du Nord canadien.
Sous la cote E.2/4–13, les PAM, HBCA conservent le manuscrit en dix volumes d’Andrew Graham intitulé « Observations on Hudson’s Bay : twenty-five years in the company’s service, fifteen years chief factor at Severn, York and Churchill settlements », daté de 1767 à 1791. Un manuscrit plus mince, « Remarks on Hudson’s Bay trade [...] 1769 », se trouve à la Huntington Library (San Marino, Calif.), HM 1720. Un choix de textes annotés, tirés de ces documents, parmi lesquels se trouve l’important mémoire du 26 août 1772 adressé par Graham au comité de Londres, de même qu’une esquisse biographique de Graham et une analyse complète faite par Richard Glover de Graham, naturaliste, sont contenus dans HBRS, 27 (Williams). Les PAM, HBCA conservent de plus une grande quantité de documents sur Graham, en particulier son journal tenu à York Factory pendant les années 1765–1766 et 1771–1772 (B.239/a/56 ; 66) ; les registres de lettres d’York Factory pour cette période (A.11/115) ; les journaux que Graham a tenus au fort Severn (B.198/a) et à Churchill en 1774–1775 (B.42/a/42). [g. w.]
Glyndwr Williams, « GRAHAM, ANDREW », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/graham_andrew_5F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
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