FORNEL, JOACHIM, prêtre, chanoine, promoteur, puis juge de l’Officialité, né à Québec, le 17 mars 1697, fils de Jean Fornel, marchand, et d’Anne-Thérèse Levasseur, décédé en France après 1753.

Joachim, frère aîné du marchand Louis Fornel, entra au petit séminaire de Québec le 14 juillet 1712, « âgé de 15 ans », disent les annales de l’institution, et « étudiant en troisième ». Il fut tonsuré par Mgr de Saint-Vallier [La Croix*] le 4 octobre 1717 et ordonné prêtre le 18 août 1720. Nommé curé à l’Ancienne-Lorette au lendemain de son ordination, l’abbé Fornel revint à Québec en 1724 pour faire partie du chapitre, le 4 janvier, et accéder au poste de promoteur de l’Officialité diocésaine, le 14 octobre suivant.

En 1726, Mgr de Saint-Vallier qui, visiblement, appréciait ses talents, le chargea d’aller remettre de l’ordre dans la cure de Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), desservie par les récollets de la province de Bretagne [V. Bénin Le Dorz*]. Bien que Fornel fût revêtu des pouvoirs de grand vicaire, le gouverneur Saint-Ovide [Monbeton] refusa cependant de le recevoir, étant satisfait des services rendus par les récollets et jugeant les accusations portées contre eux sans fondement. Le délégué de l’évêque n’insista point, mais, au lieu de rentrer à Québec, il décida de passer en France. Au séminaire des Missions étrangères de Paris, où il descendit loger, Joachim Fornel fit une excellente impression. Aussi les supérieurs recommandèrent-ils à leurs confrères du séminaire de Québec de l’employer, ainsi que d’autres Canadiens aussi doués que lui, « pour faire les conférences spirituelles » aux séminaristes. « Il est a croire, écrivaient les directeurs de Paris, qu’ils s’en feroient un plaisir, conservant toujours un fonds d’affection et de reconnaissance pour une maison qui les a formez et elevez. »

Joachim Fornel revint en effet au séminaire de Québec en 1727, mais ce fut pour y appuyer une cabale contre le nouveau supérieur, Jean Lyon de Saint-Ferréol. Désormais, et jusqu’à son départ définitif pour la France en 1742, le pétulant chanoine sera de toutes les querelles qui vont agiter l’Église de Québec. Il avait d’ailleurs donné des signes précoces de son goût pour la chicane. En 1719, il s’était permis, quoique simple clerc minoré, d’adresser une lettre au moine janséniste Georges-François Poulet* que l’évêque avait fait expulser du diocèse l’année précédente. Il y dénonçait et raillait les jésuites, leur acharnement contre le clergé séculier – coupable, selon eux, « de ne se pas déclarer pour la constitution [Unigenitus] »  la morale « la plus abominable » dont ils toléraient l’enseignement dans leur collège de Québec et le peu de zèle que ces mêmes pères apportaient à « condamner, après le Pape, leurs superstitions chinoises ». Lors de la redistribution des districts paroissiaux en 1721, Fornel, qui venait à peine de prendre charge de l’Ancienne-Lorette, protesta dans une requête au Conseil de Marine contre les limites imposées à sa paroisse. À vrai dire, il avait quelque raison de se plaindre, et son successeur, Louis Chevalier, obtiendra une modification du règlement en 1727.

Son opposition à la supériorité de Lyon de Saint-Ferréol ainsi que certains discours tenus à des religieuses contre la bulle Unigenitus, décidément sa bête noire, attirèrent de nouveau l’attention des autorités sur le chanoine Fornel. Le gouverneur Beauharnois, que sa conduite avait fort indisposé, n’hésita pas à écrire au ministre de la Marine Maurepas qu’un tel sujet était « une peste dans un pays aussi sain que l’est celui-ci ». Tel n’était pas, toutefois, le sentiment des membres du chapitre, car, en 1728, ils lui confièrent la mission d’aller annoncer en France la mort de Mgr de Saint-Vallier et les circonstances de sa sépulture [V. Étienne Boullard* ; Claude-Thomas Dupuy* ; Eustache Chartier de Lotbinière] tout en justifiant la conduite du chapitre. De retour au Canada en 1729, Joachim Fornel se jeta derechef dans la contestation, au grand désespoir du coadjuteur, Mgr Dosquet*. On le vit tour à tour, en compagnie de son collègue Joseph-Thierry Hazeur, soutenir la cause des curés inamovibles nommés par le chapitre durant la vacance du siège de Québec et à qui l’évêque demandait de démissionner, et s’insurger contre le doyen Louis Bertrand* de Latour, qui avait surtout le tort, à ses yeux, de n’être pas Canadien. Il ne réussit cependant qu’à s’attirer de la part du ministre, en 1730, une lettre de cachet autorisant le coadjuteur à le renvoyer en France pour se justifier. La menace porta fruit et Mgr Dosquet jugea préférable de ne pas se prévaloir de l’ordre de la cour. « Je ne suis pas surpris, notait le représentant du chapitre en France, Pierre Hazeur* de L’Orme, à son frère Joseph-Thierry, que M. Fornel ne soit pas aussi vif que par le passé [...] Il prend garde à ce qu’il fait et à ce qu’il dit. Il a de l’esprit et fera toujours bien quand il voudra. » L’évêque, du reste, sur la suggestion de Maurepas, lui offrit, en 1732, de desservir la paroisse Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud (Saint-Pierre-Montmagny), et Fornel accepta. Deux ans plus tard, il desservit aussi la cure de Saint-Thomas (Montmagny). Fornel cumula ces deux postes jusqu’en 1736, non sans revenir régulièrement à Québec pour assister aux assemblées capitulaires. Ses confrères lui conservaient toujours leur estime et le nommèrent secrétaire du chapitre, le 2 septembre, et juge de l’Officialité, le 28 novembre 1740. Ils semblent aussi avoir goûté particulièrement ses dons oratoires, puisque c’est à lui qu’ils avaient demandé de prononcer l’éloge funèbre de Mgr de Saint-Vallier, en janvier 1728, et celui de Mgr de Lauberivière [Pourroy*] le 26 août 1740. Il faut avouer qu’à lire ces deux laborieux pensums, l’on est plutôt tenté, à l’instar de l’abbé de l’Isle-Dieu, de considérer leur auteur comme un « grand parleur » et comme « un homme qui écrit des volumes pour des riens ».

En 1742, les chanoines Pierre de Gannes de Falaise, Jean-Baptiste Gosselin et Joachim Fornel demandèrent au chapitre la permission de se rendre en France pour le rétablissement de leur santé. Fornel s’embarqua en octobre de l’année suivante, mais sans avoir pris congé du doyen ni obtenu son exeat de Mgr de Pontbriand [Dubreil]. Privé de sa prébende, il se vit forcé de chercher sans cesse de l’emploi. En proie au découragement, la pensée lui vint plusieurs fois de regagner le pays ; mais à chaque occasion la maladie ou la guerre l’obligèrent de différer son départ. Enfin, sur les instances de Mgr de Pontbriand, il se résigna à se démettre de son canonicat le 24 avril 1752 et fut remplacé par Pierre-Joseph Resche, contre qui Fornel avait mené la cabale, onze ans plus tôt, au sujet de la succession de la cure de Château-Richer. Il demanda en retour au chapitre de bien vouloir lui accorder le titre de chanoine honoraire « en qualité de vétéran et d’ancien chanoine de plus de vingt-cinq ans ». Les chanoines de Québec ayant agréé sa requête et décidé « qu’on le marqueroit sur le registre », Joachim Fornel les remercia de ce geste de bonté à son égard dans une lettre du 13 avril 1753. Il ne revint jamais au Canada.

Noël Baillargeon

AAQ, 12 A, Registres d’insinuations B ; 12 A, Registres d’insinuations C ; 10 B, Registre des délibérations ; 11 B, Correspondance, VIII : 42, 43 ; 1 CB, Vicaires généraux, I : 105 ; 1W, Église du Canada, I.— ASQ, Lettres, M, 52, 60 ; Lettres, T, 60 ; mss 2 ; Polygraphie, II : 24, 29 ; Registre B, 122–131 ; Séminaire, XIV 5, no 7.— BN, mss, Fr. 20 973, ff.133ss.— Lettres et mémoires de l’abbé de l’Isle-Dieu, RAPQ, 1935–1936, 330, 331, 338, 339, 340, 370.— Caron, Inventaire de documents, RAPQ, 1940–1941, 472 ; 1941–1942, passim.— P.-G. Roy, Inv. jug. et délib., 17171760, I, IV, passim.— Tanguay, Dictionnaire, I : 239.— Gosselin, LÉglise du Canada jusquà la conquête, passim.— P.-G. Roy, Toutes petites choses du régime français (2 sér., Québec, 1944), 2e sér., 58s. (P.-G. Roy écrit que Fornel est mort en France le 14 mai 1769 mais il ne donne aucune référence pour appuyer cette affirmation).— Henri Têtu, Le chapitre de la cathédrale de Québec et ses délégués en France, BRH, XIII (1907) : 301, 302, 304 ; XIV (1908) : 13, 14, 15, 19, 80, 145, 173, 174, 202 ; XV (1909) : 14, 42, 69 ; XVI (1910) : 141, 162, 324, 361.

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Noël Baillargeon, « FORNEL, JOACHIM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fornel_joachim_3F.html.

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Auteur de l'article:    Noël Baillargeon
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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
Date de consultation:    28 novembre 2024