DONEGANI, JOHN ANTHONY (baptisé Jean-Antoine ; à ne pas confondre avec Giuseppe Donegana, un autre hôtelier de Montréal), tavernier, homme d’affaires, membre du conseil municipal et seigneur, né le 6 août 1798 à Montréal, fils aîné de Joseph et Thérèse Donegani, décédé le 6 juillet 1868 à Montréal.
Environ 50 familles d’origine italienne vivaient à Montréal pendant le demi-siècle qui précéda la Confédération. Ces Italiens, la plupart venus du nord de l’Italie, trouvèrent de l’emploi comme épiciers, taverniers ou hôteliers. Parmi ces familles d’hôteliers, on retrouvait les Bonacina, les Delvecchio, les Rasco et les Donegani. En 1794, Giuseppe, le grand-père de John Anthony, avait quitté Moltrazio en Lombardie avec sa femme, trois fils, une fille et un neveu, Joseph Donegani, et était venu s’installer à Montréal. Il s’établit comme hôtelier mais retourna en Italie en 1802. Ses descendants demeurèrent à Montréal et prospérèrent.
En 1797, Thérèse, la fille de Giuseppe Donegani, avait épousé son cousin Joseph, âgé de 40 ans. John Anthony naquit l’année suivante ; Joseph eut deux autres fils, Joseph et Guillaume-Benjamin. Les trois garçons fréquentèrent le collège de Montréal, et Guillaume-Benjamin devint le premier médecin italien de Montréal. À la mort de son père en 1816, John Anthony prit la direction de la taverne familiale dans le faubourg des Récollets et se mit à spéculer sur les biens immobiliers. En société avec son frère Joseph, il détenait des propriétés sur l’île de Montréal, à Laprairie (La Prairie), sur la rive sud du Saint-Laurent et sur l’île Perrot. En 1829, il acheta pour £2 700 la seigneurie de Foucault (le manoir Caldwell) sur le Richelieu, près de la frontière américaine. La seigneurie, habitée en grande partie par des Loyalistes, comprenait cinq écoles, un moulin et un joli manoir. En 1842, Donegani la vendit à Joseph-Frédéric Allard de Chambly.
John Donegani était un individu batailleur qui passait beaucoup de temps en cour. En 1827, débuta devant les tribunaux une querelle particulièrement virulente entre les trois frères Donegani et leur oncle Joseph, un négociant prospère, fabricant de miroirs et propriétaire d’une taverne bien connue, les Trois Rois. Les trois frères, qui espéraient hériter de la propriété laissée par leur grand-père à Montréal, prétendaient que leur oncle, qui était étranger, ne pouvait hériter d’une propriété au Canada et qu’ils étaient les seuls héritiers légitimes de par leur naissance au Canada. L’affaire, plutôt complexe, faisait intervenir le droit civil français au Bas-Canada et les droits des étrangers en France et en Angleterre. Les tribunaux inférieurs de Montréal en 1828, les cours d’appel en 1832 et le comité judiciaire du Conseil privé en 1835 confirmèrent les droits des frères, qui furent autorisés à prendre possession de la propriété.
Les années 30 et 40 furent des années particulièrement prospères pour les hommes d’affaires de Montréal tels que John Donegani. Tandis que d’autres chefs d’entreprise tiraient profit des affaires bancaires, du commerce et de l’industrie en voie de croissance, Donegani fit fortune grâce à l’augmentation des valeurs immobilières. En 1847, il possédait au moins 65 propriétés à Montréal ; au cours d’une bonne année, au milieu des années 40, il effectua quelque 60 transactions de terrains dont bon nombre s’élevaient à des milliers de livres. Ses propriétés étaient concentrées dans le vieux quartier commercial mais il participa également au développement de l’ouest de la ville, du côté de la rue Saint-Antoine, un élégant quartier domiciliaire. La construction du chemin à rails de Montréal et de Lachine, amorcée en 1846, fit accroître davantage la valeur de ses propriétés dans l’ouest de la ville.
De 1833 à 1835 et de 1840 à 1843, Donegani siégea au conseil municipal de Montréal ; en 1837, la première charte municipale n’ayant pas été renouvelée, il fut nommé juge de paix. En tant que membre du premier conseil (1833–1835), il contribua avec Jacques Viger*, John Torrance, Charles-Séraphin Rodier* et d’autres représentants du monde des affaires à l’orientation du développement de la cité en pleine croissance. Ils eurent à s’occuper de trois problèmes principaux : l’extension du quartier commercial du côté des rues Saint-Paul et des Commissaires (où Donegani avait d’importantes propriétés), l’amélioration des rues, des égouts et des terrains situés sur le bord du fleuve et les mesures de protection contre les épidémies de choléra. À titre de président du comité des rues, Donegani dut apaiser la colère des résidants des rues Sainte-Catherine et Saint-Urbain qui se plaignaient de la présence d’égouts et de l’absence de trottoirs qui rendaient les rues presque impraticables.
Donegani fit connaître clairement ses opinions politiques au cours des troubles de 1837 et 1838. Il ne s’attira pas les bonnes grâces des conservateurs lorsque, en qualité de juge de paix, il conduisit le premier régiment des Royals contre le Doric Club, société secrète vouée au maintien de liens étroits avec l’Angleterre. En novembre 1838, il fut arrêté sans mandat par Robert Weir, propriétaire du Montreal Herald. Donegani fut relâché, après avoir affirmé sous serment qu’il n’avait commis aucun délit. Il patronna par la suite les activités culturelles et littéraires des Canadiens français. En janvier 1841, une réunion publique visant à la création d’un institut littéraire, scientifique et artistique fut tenue chez lui [V. Nicolas-Marie-Alexandre Vattemare]. Pendant les années 40, il ne cessa de faire pression pour la mise en place d’institutions culturelles. En 1845, il procura aux jésuites un terrain sur la rue Dorchester où ils érigèrent le collège Sainte-Marie. L’emplacement était évalué à plus de £8 000 mais Donegani le céda aux jésuites pour la somme de £2 250 à condition qu’une messe soit célébrée pour lui tous les jours jusqu’à la mort du dernier de ses enfants. En 1849, il fut un des signataires du Manifeste annexionniste.
La position sociale de Donegani évoluait au même rythme que ses succès financiers. Son premier associé en affaires avait été Joseph-Maximilien Bonacina, un associé italien de son père. En 1819, il se disait tavernier ; dix ans plus tard, il était seigneur et en 1840 on le décrivait simplement comme un « gentleman ». L’emplacement de ses bureaux et de ses résidences témoigne de l’évolution de son rang social : il aboutit finalement dans des bureaux de la rue des Commissaires et dans une maison fort luxueuse, parmi l’élite de la Côte Saint-Antoine (Westmount). En mai 1830, Donegani avait épousé Rosalie-Louise-Geneviève Plamondon, la fille de Louis Plamondon, avocat de Québec. Ils eurent un fils et une fille. À titre de propriétaire foncier, de membre du conseil municipal et de magistrat, Donegani semble avoir été accepté au sein de la classe bourgeoise canadienne-française de Montréal. Après la mort de son frère Joseph en 1837, Donegani participa à des transactions immobilières avec Antoine-Olivier Berthelet*. Lorsqu’il avait besoin de l’avis d’un homme de loi, Donegani s’adressait à George-Étienne Cartier* ; son notaire était Théodore-Benjamin Doucet.
À la fin des années 40 cependant, John Donegani connut une période difficile. Les circonstances ne sont pas tout à fait claires mais, au début des années 50, il devait à la Banque du Peuple, dont il avait été l’un des premiers administrateurs, plus de £30 000. Pour devancer ses créanciers, il céda sa propriété à des membres de sa famille et, en février 1850, il se déclara en faillite. La Banque du Peuple le traîna en cour et saisit ses biens. Après 1855, on entendit peu parler de Donegani, qui était ruiné et se faisait vieux.
Montréal se transformait, et Donegani était un homme de la période qui avait précédé la Confédération. Le vieux Montréal cédait la place au nouveau quartier commercial du centre-ville. Les tavernes et les hôtels italiens, avec leur charme et leur cuisine, avaient disparu et étaient remplacés par les nouveaux hôtels du centre-ville, qui nécessitaient d’énormes investissements et étaient axés sur le commerce ferroviaire. Devant l’industrialisation et l’augmentation des grandes entreprises dans la région de Montréal, le tavernier, le petit entrepreneur et le seigneur perdaient de l’importance. Ironie du sort, Donegani mourut justement rue Sainte-Catherine, symbole du nouveau Montréal.
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Brian J. Young, « DONEGANI, JOHN ANTHONY (baptisé Jean-Antoine) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/donegani_john_anthony_9F.html.
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Auteur de l'article: | Brian J. Young |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |