DEASE, JOHN, fonctionnaire du département des Affaires indiennes, né probablement en 1744, dans le comté de Cavan (république d’Irlande), fils de Richard Dease et d’Anne Johnson ; vers 1799, il épousa Jane French, et ils eurent huit enfants, dont Peter Warren Dease* ; décédé le 12 janvier 1801, à l’âge de 56 ans, dans le faubourg Sainte-Marie à Montréal.

John Dease fit ses études en Irlande et en France, optant pour la médecine à l’instar d’un de ses oncles et d’un de ses frères. Il s’embarqua pour New York à l’été de 1771 pour y occuper le poste de médecin personnel de son oncle, sir William Johnson*, surintendant des Affaires des Indiens du Nord. Pendant les trois années suivantes, il vécut à Johnson Hall (Johnstown), assista aux conférences avec les Indiens et veilla sur la santé déclinante de sir William. Un des exécuteurs testamentaires de Johnson, il hérita de £500 et de 2 000 acres de terre sur la rive du lac Champlain, à la mort du surintendant, en 1774.

Le 16 avril 1775, juste au moment où éclatait la Révolution américaine, Dease fut nommé, par Guy Johnson*, successeur de sir William, agent adjoint des Affaires indiennes du district de Middle (Cataraqui). De même que Christian Daniel Claus* et Alexander McKee*, il touchait un salaire moyen de £200. Les rebelles américains chassèrent bientôt le clan Johnson de la rivière Mohawk, et Dease s’en alla vivre au fort Niagara (près de Youngstown, New York) et à Montréal. On connaît mal sa carrière de 1775 à 1780, probablement parce qu’il ne fit pas grand-chose. Bien qu’en général il suscitât la sympathie et qu’il fût considéré comme un « honnête homme doué d’un bon naturel », Dease, apparemment, n’obtint aucune mission importante.

À la fin de 1780, avec l’appui de Johnson, Dease tenta d’obtenir du gouverneur Haldimand une commission de capitaine, de façon à avoir l’autorité de commander quand, en l’absence de ses supérieurs, il était responsable des Affaires indiennes, au fort Niagara. Pendant les deux années suivantes, Haldimand refusa à plusieurs reprises les requêtes de Dease pour une commission, en disant qu’une telle nomination pourrait faire des jaloux. Le gouverneur avait le sentiment que la famille Johnson avait trop de pouvoir au sein du département des Affaires indiennes, et il avait bonne opinion du lieutenant-colonel John Butler*, lequel était aussi agent adjoint au fort Niagara. Butler et Dease s’entendirent apparemment d’une façon satisfaisante, dans l’exercice de leurs fonctions, jusqu’en août 1782 ; au cours de ce mois-là, Dease laissa savoir que sa nomination lui conférait un droit d’ancienneté sur Butler ; ce dernier prit la mouche et présenta sa démission, qui ne fut pas acceptée. Johnson lui-même n’appuya pas Dease dans cette dispute. Il expliqua à Haldimand que, si la commission de Dease était antérieure à celle de Butler, il avait « toujours pensé que l’expérience de M. Butler et l’approbation que celui-ci recevait dans le Nord [lui] étaient une incitation suffisante pour l’honorer de l’ancienneté ». Butler et Dease mirent fin à leur querelle. En avril 1783, sir John Johnson*, qui était alors à la tête du département des Affaires indiennes, recommanda Dease pour le poste d’agent adjoint à Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan), peut-être dans l’intention de protéger l’emploi de Dease au moment où l’on réduisait les dépenses gouvernementales après la Révolution américaine. Cette nomination, toutefois, ne fut pas faite avant plusieurs années. À la fin de l’été de 1783, Dease accompagna Joseph Brant [Thayendanegea] et d’autres députés des Six-Nations à Detroit pour discuter d’unité avec les Indiens de l’Ouest, Creeks et Cherokees. En septembre, Dease fit son premier voyage à Michillimakinac, y apportant la nouvelle officielle de la cessation des hostilités entre les Britanniques et les Américains. Après son retour au fort Niagara, il participa à des conférences délicates avec les Six-Nations, dont les terres avaient dans les faits été remises aux Américains par les Britanniques, lors des traités de Versailles (1783). Entre-temps, au delà des lacs Supérieur, Michigan et Huron, les guerres entre tribus indiennes perturbaient sérieusement la traite des fourrures dans l’Ouest. En avril 1786, les marchands affectés par cette situation adressèrent une requête à sir John Johnson, demandant qu’on envoyât des hommes spécialement pour mettre fin aux hostilités. Le capitaine Michael Byrne, commissaire du département des Affaires indiennes à Michillimakinac, dépêcha Joseph-Louis Ainsse dans le pays des Sioux à l’été de 1786, et, le 1er octobre, sir John Johnson nomma Dease pour aller à Michillimakinac comme agent adjoint, afin d’y apaiser les troubles.

Dease arriva au poste en juin 1787 pour y remplacer Byrne à la direction des Affaires indiennes. Presque immédiatement, il souleva l’ire des marchands locaux, qui, regroupés dans la General Company of Lake Superior and the South, étaient habitués à n’en faire qu’à leur tête. Ces derniers croyaient que, lors de son expédition de l’année précédente, Ainsse avait nui à leurs affaires en trafiquant privément les marchandises qu’on voulait offrir aux Indiens. Dease renforça leur conviction que le département des Affaires indiennes leur coupait l’herbe sous le pied : il paya lui-même une partie des salaires des employés du département, au moyen d’articles tirés des magasins, et il avança des ravitaillements à un ancien employé dont les marchandises n’étaient pas encore arrivées de Detroit. L’interdiction de semblables pratiques, qui se révélaient courantes, avait été réitérée dans les instructions données par sir John Johnson le 10 mai 1787, après qu’il eut reçu des ordres en ce sens du gouverneur, lord Dorchester [Guy Carleton]. Dease choqua davantage encore les marchands en refusant de laisser l’un d’entre eux, Charles Paterson, prendre la parole à un conseil indien, le 11 juillet. Trois semaines plus tard, à L’Arbre Croche (Cross Village, Michigan), Nissowaquet* et sa bande d’Outaouais se plaignirent amèrement de ce qu’il n’y avait qu’un comptoir de traite à Michillimakinac. Dease exprima de la sympathie pour leur situation.

Dease froissa aussi le commandant de Michillimakinac, Thomas Scott, qui demandait des listes des présents distribués aux Indiens : Dease ne répondit point à cette demande, et fit plus tard la remarque qu’il « ne trouvait rien dans ses instructions qui l’incitât à se croire responsable envers le capitaine Scott de sa gestion du département des Affaires indiennes ». En outre, et en dépit de l’opposition de Scott, il renvoya Ainsse dans l’Ouest en août, sur l’insistance des Indiens.

Le 10 août 1787, les marchands protestèrent auprès de Scott au sujet de la conduite de Dease et d’Ainsse, et, quatre jours plus tard, ils adressèrent des accusations en bonne et due forme à lord Dorchester. Celui-ci ordonna la tenue d’un conseil d’enquête, qui se réunit à Michillimakinac le 24 juin 1788, sous la présidence de Scott. Accusations et interrogatoires se prolongèrent pendant deux semaines. Dease reçut par la suite l’ordre de redescendre des pays d’en haut pour répondre aux accusations portées contre lui. Soit que cet ordre ne lui parvînt pas, soit qu’il n’en tînt aucun compte, Dease passa l’été de 1789 à négocier avec les Indiens à Michillimakinac. Enfin, le 22 août 1789, sir John Johnson exigea qu’il se rendît sur-le-champ à Montréal ; le 16 octobre, l’agent, triste et abattu, se mettait en route.

Ce n’est que le 20 avril 1790 qu’un comité du Conseil législatif commença l’audition de la cause. À la fin de mai, pendant que le comité prenait la cause en délibéré, Dease obtint la permission de retourner dans l’Ouest pour y chercher sa famille. Le 5 juin, le comité en vint à la conclusion que, dans sa gestion à Michillimakinac, Dease avait agi à l’encontre des ordres de Dorchester, et il demanda à sir John Johnson son opinion, à savoir si la dérogation de Dease aux instructions de Dorchester était inévitable. Johnson répondit en octobre qu’« aucune dérogation [...] n’était nécessaire pour effectuer sa mission ». Le comité en conclut immédiatement que la conduite de Dease était injustifiable et renvoya l’affaire à Dorchester. Dease ne se vit imposer aucune punition, apparemment, bien qu’il cessât de travailler au sein du département. Il fut, en fait, victime des problèmes du département des Affaires indiennes. Pendant la guerre, les autorités avaient été assez tolérantes au sujet des pratiques comptables quelque peu irrégulières du département et des dépenses imprévues. Dease, apparemment, recourut, pour gérer les Affaires indiennes à Michillimakinac, aux méthodes et aux attitudes avec lesquelles il s’était familiarisé à Niagara pendant la Révolution américaine, et cela mit fin à sa carrière. Mais les problèmes n’en subsistaient pas moins. Quelques mois après le départ de Dease de Michillimakinac, Charles Gautier de Verville, à qui on avait laissé la charge des Affaires indiennes, écrivait qu’il avait été forcé de ne point tenir compte du commandant et de prendre du charbon des magasins du roi pour le forgeron du département.

John Dease fut, pendant la dernière décennie de sa vie, à la demi-solde. Dans son testament, fait à sa maison « dans le faubourg Sainte-Marie, près de la [...] ville de Montréal », le 4 janvier 1801, il nommait sir John Johnson un de ses exécuteurs testamentaires. Ainsi, il restait, même dans la mort, étroitement lié avec le clan Johnson. Il laissait une succession relativement modeste, et il fut enseveli dans le cimetière Saint-Antoine de la paroisse Notre-Dame, le 19 janvier.

David A. Armour

L’auteur désire remercier J. P. Birkett des APC pour avoir rendu disponibles toutes les informations, recueillies dans ce dépôt, concernant John Dease.  [d. a. a.]

ANQ-M, CE1-51, 19 janv. 1801, 21 déc. 1802 ; CM1, John Dease, 4 janv. 1801.— AO, MU 1750.— APC, MG 11, [CO 42] Q, 24–2 : 435 ; 25 : 136–144 ; 26–2 : 364–367, 527–533.— Arch. de la Soc. hist. de Montréal, Coll. Louis-Joseph Ainsse, 98, 100 (mfm aux APC).— BL, Add. mss 21761 : 112, 205 ; 21762 : 45, 98, 138, 146, 151, 225, 227, 230, 235 ; 21763 : 18, 48, 54, 56–59, 110, 114, 152, 224, 348, 355 ; 21764 : 204 ; 21766 : 24 ; 21767 : 151, 157, 201 ; 21768 : 33, 51–53, 91s. ; 21769 : 138 ; 21775 : 10, 26, 29, 35–39, 102, 152, 213, 218, 281, 305, 311 ; 21779 : 60s., 74–76, 83–86, 91, 96s., 109, 123–127, 143 ; 21876 : 18, 22.— Johnson papers (Sullivan et al.), 8 : 263, 313, 438, 497, 845s., 914s., 964, 984, 1048, 1063, 1109, 1163 ; 12 : 962, 1010s., 1013, 1030s., 1043s., 1071s., 1075s., 1122 ; 13 : 634s.-Mich. Pioneer Coll., 11 (1887) 322, 388, 483–620 ; 12 (1887) : 12s., 20 ; 13 (1888) 81–89, 106–108 ; 20 (1892) : 163s., 171, 174, 304, 362 ; 23 (1893) : 603–680 ; 25 (1896) : 108 ; 32 (1902) : 339.— Wis., State Hist. Soc., Coll., 9 (1882) : 467 ; 12 (1892) : 83s., 89–96.— Calendar of the Sir William Johnson manuscripts in the New York State Library, R. E. Day, compil. (Albany, N.Y., 1909), 493, 527.— B. L. Dunnigan, King’s men at Mackinac : the British garrisons, 1780–1796 (Lansing, Mich., 1973).— Barbara Graymont, The Iroquois in the American revolution (Syracuse, N.Y., 1972), 282–284.— M. W. Hamilton, Sir William Johnson, colonial American, 1715–1763 (Port Washington, N.Y., et Londres, 1976), 79, 334.— R. S. Allen, « The British Indian Department and the frontier in North America, 1755–1830 », Lieux hist. canadiens, no 14 (1975) : 5–125.

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David A. Armour, « DEASE, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dease_john_5F.html.

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Auteur de l'article:    David A. Armour
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    28 novembre 2024