ROBERTSON, DANIEL, officier, propriétaire foncier, colonisateur et fonctionnaire, né vers 1733 à Dunkeld, Écosse ; décédé le 5 avril 1810 à Montréal.
Daniel Robertson avait dû recevoir quelque formation médicale en Écosse avant qu’on le nomme aide-chirurgien du 42e d’infanterie, en avril 1754. Son régiment fut affecté en Amérique du Nord en juin 1756 et posté à Albany, dans la colonie de New York ; en juillet, Robertson reçut le grade d’enseigne. En 1760, il participa à la prise de Montréal. Cette année-là, ou la suivante, il épousa Marie-Louise Réaume, âgée de 19 ans, veuve de Joseph Fournerie de Vézon ; par ce mariage, Robertson entrait dans l’une des familles canadiennes aisées de la colonie. Les hasards de la guerre éloignèrent vite Robertson de sa nouvelle épouse : son régiment participa à la prise de la Martinique, où il acheta une lieutenance le 29 avril 1762. Après la prise de La Havane, à Cuba, on renvoya le 42e d’infanterie en Amérique du Nord, et Robertson prit part en 1763 aux efforts du colonel Henry Bouquet pour étouffer le soulèvement de Pondiac*, dans l’ouest de la Pennsylvanie. Après la réduction des effectifs de l’armée britannique, à la suite du traité de Paris, Robertson retourna à Montréal.
Entre 1763 et 1773, les Robertson eurent six enfants ; deux moururent en bas âge et Marie-Louise elle-même s’éteignit le 17 octobre 1773. Dans l’intervalle, en 1767, en société avec Benjamin Price*, Robertson semble déjà avoir acquis des terres aux environs du lac Champlain. En 1768, il était membre du jury d’accusation à Montréal et, en avril, dans un avis public de remerciements, les autres jurés l’honoraient pour « [sa] conduite équitable et enthousiaste comme magistrat et pour [l’]infatigable soin [qu’il mettait] à faire comparaître les délinquants ». En 1773 et 1774, il signa des pétitions en faveur d’une chambre d’assemblée. Au début de la Révolution américaine, Robertson fut nommé major de la milice de Montréal et, le 14 juin 1775, lieutenant-capitaine du 1er bataillon des Royal Highland Emigrants. Il enrôla alors des compatriotes écossais dont le nombre équivalait à peu près à l’effectif d’une compagnie et fut désigné pour aider à la défense du fort Saint-Jean, sur le Richelieu, contre l’envahisseur américain [V. Richard Montgomery*]. Par suite de la capitulation du fort assiégé, le 3 novembre, Robertson, découragé, fut emmené comme prisonnier au Connecticut. Échangé, il retourna à son régiment au début de 1777.
En septembre 1779, on nomma Robertson commandant du petit poste d’Oswegatchie (Ogdensburg, New York). Il y dirigeait les attaques des Indiens contre les Américains, dans la vallée de la rivière Mohawk ; en juin 1782, il conduisit personnellement une incursion qui mena à la destruction de deux moulins et de cinq maisons d’un établissement sur la rivière Mohawk. Par suite de ce succès, il obtint la nomination de son fils au poste d’enseigne sous ses ordres. De plus, le général Haldimand donna secrètement à Robertson l’ordre de prendre la direction du poste agité de Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan), où un compatriote écossais, le lieutenant-gouverneur Patrick Sinclair, avait de sérieux ennuis financiers. Le 13 août, Robertson partit pour Michillimakinac, accompagné de son fils et des trois membres d’un comité d’enquête ; le 18 septembre, il commandait le poste.
Même si on avait donné la permission à Robertson de poursuivre la construction du fort déjà érigé en partie, il avait reçu des ordres précis quant à la réduction des dépenses au sein du département des Affaires indiennes ; Robertson trouva presque aussi difficile que Sinclair de diminuer les dépenses. Au cours de son séjour à Michillimakinac, les affaires indiennes allaient avoir la grande priorité. À la fin d’avril 1783, il envoya George McBeath et Charles Mouet de Langlade pour avertir les Indiens aux alentours de Prairie du Chien (Wisconsin) que la paix avec les colonies américaines était toute proche et pour les inciter à cesser leurs luttes intertribales. Un mois plus tard, on annonça la paix. Robertson était dans une position difficile : il devait mettre fin aux conflits internes parmi les alliés indiens des Britanniques et dissuader ces mêmes Indiens de venir à Michillimakinac où il serait obligé de les nourrir et de subvenir à leurs besoins. En septembre, il dut envoyer Jean-Baptiste Cadot et Madjeckewiss à la baie Chequamegon (Wisconsin) pour faire arrêter les hostilités opposant les Sauteux aux Renards et aux Sioux ; les émissaires échouèrent.
La dépêche annonçant la paix indiquait aussi que l’île Mackinac allait faire partie des États-Unis. Soucieux d’avoir peut-être à évacuer le fort, Robertson, accompagné de McBeath, inspecta soigneusement la rive nord du lac Supérieur en 1784 et choisit pour l’établissement possible d’un nouveau poste un emplacement situé là où se trouve aujourd’hui Thessalon, en Ontario. Après avoir fait valoir à Haldimand les avantages de cet emplacement, il lui demanda d’engager son gendre, le marchand montréalais Daniel Sutherland*, afin de pourvoir à certains besoins en construction. Robertson avait manifestement l’intention d’utiliser les relations commerciales de Sutherland et sa propre position officielle pour soutenir sa situation financière précaire. Même s’il avait vendu en décembre 1782 sa maison de la rue Notre-Dame, à Montréal, il dut emprunter £1 000, en septembre de l’année suivante, de David Mitchell*, médecin à Michillimakinac, donnant en hypothèque un domaine appelé Balmaguard, en Écosse. Sa requête pour une charge d’agent des Affaires indiennes à Michillimakinac fut apparemment refusée, tout comme cette autre demande, faite avec Sutherland, James Grant*, Joseph Frobisher et Simon McTavish, pour obtenir toutes les terres entre les lacs Ontario et Huron, là où Robertson pressentait le passage éventuel d’une route en territoire entièrement britannique, menant vers l’ouest.
Le gouvernement britannique décida de ne pas abandonner l’île Mackinac et Robertson s’y établit. Entre 1785 et 1787, il usa de son pouvoir de commandant pour faire quelques concessions de terre à ses jeunes filles Charlotte et Elizabeth ; Grant, McTavish et Margaret McBeath furent également parmi les bénéficiaires de l’une de ces concessions. Une légende locale rapporte que Robertson construisit un petit pavillon sur un affleurement rocheux dans l’angle sud-est de l’île. Bon nombre d’histoires corsées furent rattachées à l’emplacement qu’on nomme encore Robinson’s Folly, une déformation du nom de Robertson. À l’été de 1787, on relevait Robertson de son poste. Avant de partir, il libéra ses esclaves noirs, Jean et Marie-Jeanne Bonga. Ils devinrent dans l’île des tenanciers de taverne bien en vue, et leurs fils, des trafiquants de fourrures importants. Les marchands de Michillimakinac regrettèrent le départ de Robertson et, en octobre 1787, 42 d’entre eux louèrent sa conduite dans la Gazette de Québec.
Robertson retourna à Montréal. Mis à la demi-solde depuis 1784, il fut élevé au rang de major de l’armée le 18 novembre 1790. À la fin de février 1793, il obtint le titre de capitaine dans le 60e d’infanterie ; le 1er mars 1794, il devenait lieutenant-colonel de l’armée, puis finalement colonel, le 1er janvier 1798.
De 1787 à 1806, par l’obtention de concessions pour lui et ses quatre enfants, et par l’achat de concessions faites à des soldats licenciés du 84e d’infanterie, Robertson amassa une bande de terre de plus de 5 000 acres dans le canton de Chatham, sur la rive est de la rivière des Outaouais. Il s’appliqua ensuite à attirer des colons et à faire valoir ses propriétés. En 1797, il arpenta 285 lots et, en 1804, il avait installé sur ses terres 43 familles, comprenant 170 personnes. Pour encourager l’établissement d’une église dans la région, il donna 96 acres au missionnaire anglican Richard Bradford en 1806.
Pendant ce temps, Robertson s’était taillé une excellente place dans la société montréalaise. Il entretenait des liens avec les commerçants de fourrures grâce au prestigieux Beaver Club au sein duquel il avait été élu membre honoraire en 1793. En 1799, on le nomma juge de paix et, en 1805, commissaire d’école. En 1808, il était colonel du bataillon de milice d’Argenteuil. Il vit de près à ce que ses enfants soient bien mariés : Margaret épousa Daniel Sutherland en 1781, Charlotte se maria avec le docteur John Farries en 1792, John épousa, l’année suivante, Catherine, fille du propriétaire foncier et major général Gabriel Christie*, puis, en 1794, Elizabeth se maria avec Louis-Hippolyte, fils de Joseph-Hippolyte Hertel* de Saint-François, ancien officier et interprète. Cette dernière union fut malheureuse et, après le départ de Hertel, Elizabeth suscita la colère de son père « en allant vivre en concubinage » ; quelque temps avant février 1806, elle épousa Théodore Davis, arpenteur à Saint-André-d’Argenteuil.
La situation financière de Robertson était toutefois redevenue précaire et, en janvier 1802, commença une série de saisies de propriétés par le shérif Edward William Gray : une maison en bois, une étable, des écuries et 3 500 acres de terre appartenant à Robertson dans le canton de Chatham, puis, en octobre 1804, une ferme en bordure de la rivière Serpentine, à Coteau-Saint-Pierre, et, en juillet 1806, dans Chatham, 5 000 acres où s’élevaient plusieurs maisons et bâtiments. Il est évident que ces propriétés ne furent pas toutes vendues aux enchères, puisqu’en 1810 Bradford acheta dans Chatham au moins 3 000 acres du domaine de Robertson.
En décembre 1809, la santé de Daniel Robertson l’obligea à habiter avec sa fille Margaret et son gendre Daniel Sutherland. Le 8 décembre, il faisait son testament, léguant la majeure partie de sa fortune à deux petites-filles, Louisa et Maria Sutherland ; il ne laissa à Elizabeth « qu’une piastre espagnole dentelée, en raison de son insoumission et de sa conduite imprudente ». Décédé le 5 avril 1810, il eut droit aux honneurs militaires pour ses funérailles qui eurent lieu trois jours plus tard dans l’église Scotch Presbyterian, connue par la suite sous le nom d’église St Gabriel Street, à Montréal.
ANQ-M, CN1-185, 18 déc. 1809.— APC, RG 1, L3L : 64480–64482, 64486, 64488, 81258s.— BL, Add.
David A. Armour, « ROBERTSON, DANIEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/robertson_daniel_5F.html.
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Auteur de l'article: | David A. Armour |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
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