Provenance : Avec la permission de Wikimedia Commons
MONTIZAMBERT, FREDERICK, médecin et fonctionnaire, né le 3 février 1843 à Québec, fils d’Edward Lewis Montizambert, avocat, et de Lucy Bowen ; le 15 juin 1865, il épousa au même endroit Mary Jane Walker, et ils eurent cinq filles et deux fils ; décédé le 2 novembre 1929 à Ottawa.
Les Boucher de Montizambert, descendants directs de Pierre Boucher*, fondateur et seigneur de Boucherville, s’allièrent, au lendemain de la Conquête, à d’influentes familles britanniques de la colonie et s’anglicisèrent peu à peu. Frederick ne porta que le nom de Montizambert. Il fut élevé dans le milieu aisé et dominant de la haute bourgeoisie administrative et judiciaire de Québec : après avoir exercé sa profession d’avocat, son père fut nommé greffier en loi du Conseil législatif du Bas-Canada en 1862, puis du Sénat en 1867 ; son grand-père maternel, Edward Bowen*, avait quant à lui été juge en chef de la Cour supérieure du Bas-Canada. Frederick fréquenta la High School of Montreal, puis, de 1856 à 1859, l’Upper Canada College de Toronto. Après avoir étudié en médecine à l’université Laval, à Québec, de 1859 à 1861, il prit en 1863 la direction de l’Écosse. Il se spécialisa en chirurgie et en obstétrique et s’initia à la médecine clinique à la prestigieuse faculté de médecine de la University of Edinburgh. À l’hiver de 1891, il passerait deux mois à la Johns Hopkins University de Baltimore, dans le Maryland, pour étudier les germes du choléra et d’autres maladies contagieuses sous la direction du professeur William Henry Welch.
À son retour dans la vieille capitale, en 1865, Montizambert se maria à Mary Jane Walker, fille de William Walker (qui avait été conseiller législatif de 1842 à 1863). Il décrocha l’année suivante un poste de médecin auxiliaire à la station de quarantaine de la Grosse Île, située à environ 33 milles en aval de Québec dans le fleuve Saint-Laurent. Passionné de santé publique et costaud, il tourna ainsi le dos à ce qui promettait d’être une belle carrière dans l’exercice privé de la médecine et entreprit la tâche éreintante de visiter les navires et d’examiner leurs passagers. Ouverte en 1832 en raison d’une épidémie de choléra, la station de quarantaine avait aussi fait face, à la fin des années 1840, à la grande émigration irlandaise provoquée par la famine et au typhus meurtrier [V. George Mellis Douglas*] ; lorsque Montizambert s’y installa, on se préparait à affronter une nouvelle fois le choléra.
Lorsque Anthony von Iffland*, directeur médical à Grosse Île, se retira, Montizambert sollicita et obtint ce poste important en 1869. À l’âge de 26 ans, il devait relever un défi immense : mettre au monde un système de quarantaine moderne, efficace, rapide et permanent là où ne subsistaient que des baraques de bois délabrées, rudimentaires et temporaires. La tâche était d’autant plus urgente que le Canada, tel que constitué par la Confédération, misait beaucoup sur l’immigration pour le peuplement et le développement du pays ; or, à cette époque, des maladies contagieuses toujours plus nombreuses et virulentes risquaient de remonter le Saint-Laurent par l’intermédiaire de cette immigration devenue mondiale.
Au fil de trois décennies, le médecin, en dépit des tracasseries administratives et des crises économiques et budgétaires, propulsa la Grosse Île au premier rang des stations de quarantaine nord-américaines. Les installations furent en grande partie rebâties et cloisonnées, les règlements de quarantaine corrigés, l’accueil et le service mis à l’heure des paquebots à vapeur. Fait beaucoup plus important, la station prit, sous l’impulsion de Montizambert, un virage scientifique aussi rapide que radical : à partir des années 1880, dans la foulée des grandes découvertes en matière de microbiologie, la désinfection et la vaccination eurent raison des détentions prolongées. En 1892, un laboratoire bactériologique fut érigé sur l’île et permit l’identification rapide des bacilles d’infections contagieuses : les maladies graves purent, de la sorte, être distinguées des infections bénignes qui, elles, pouvaient être traitées à Québec. En 1894, tout en demeurant à la Grosse Île, Montizambert fut nommé, par Ottawa, surintendant des quarantaines canadiennes. C’est ainsi que, peu après, les stations de l’île Lawlor, près de Halifax, de l’île Partridge, au Nouveau-Brunswick, et de William Head, sur la côte du Pacifique, adoptèrent les procédés techniques et scientifiques mis au point sur le Saint-Laurent.
En 1899, au moment où l’immigration s’annonçait plus variée et plus forte que jamais, le gouvernement fédéral jugea urgent de mettre sur pied, au département de l’Agriculture, une section réservée à la santé publique. En poste depuis plus de 30 ans à la Grosse Île, Montizambert fut d’emblée choisi pour en prendre la direction. À Ottawa, il conserva la main haute sur les stations de quarantaine, qu’il continua de moderniser. Parmi ses nouveaux dossiers, il s’intéressa particulièrement à celui des léproseries [V. Alfred Corbett Smith*]. Il participa activement à la mise au point d’un traitement hautement efficace contre la lèpre, traitement qui fut utilisé au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique. En tant que conseiller du gouvernement en matière de santé publique, il multiplia les recommandations de toutes sortes, notamment l’engagement du fédéral dans la lutte contre la tuberculose, dans le contrôle de l’hygiène à bord des trains de voyageurs et dans le financement des laboratoires bactériologiques. Il caressait cependant un projet en particulier : l’établissement d’un véritable ministère fédéral de la santé. Il partageait cette idée avec les membres de la Canadian Medical Association, qu’il présida en 1907–1908. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, en 1919, le gouvernement exauça enfin son vœu et créa le ministère tant souhaité. Peu après cette victoire, en 1920, Montizambert prit sa retraite. Âgé de 77 ans, il venait de passer 54 années consécutives au service de la santé publique canadienne. Il décéda dans la capitale fédérale en novembre 1929, à l’âge de 86 ans. Il était veuf depuis 1921.
Médecin énergique, obstiné et visionnaire, résolument tourné vers l’action, Frederick Montizambert, à cause surtout d’une carrière entièrement passée dans les arcanes de la fonction publique, n’est pas habituellement reconnu par l’historiographie médicale canadienne. Il chercha d’ailleurs à obtenir de ses employeurs la reconnaissance d’un statut professionnel (et d’un salaire) qu’il était conscient de mériter. À l’extérieur du pays – où il se fit connaître par sa participation à des colloques internationaux, entre autres –, son travail de précurseur et son expérience dans le domaine de la santé publique lui valurent toutefois, de son vivant, de nombreuses marques de considération. Dès 1891, il fut nommé président de l’American Public Health Association. En 1893, la France et le Mexique soulignèrent également la portée internationale de ses travaux de pionnier en le nommant membre honoraire de la Société française d’hygiène et de l’Academia nacional de medicina de México. En 1903, il devint compagnon de l’ordre du Service impérial, puis, en 1916, compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges.
Peu avant son décès, Frederick Montizambert a rédigé un bref article : « The story of fifty-four years’ quarantine service from 1866 to 1920 », Canadian Medical Assoc., Journal (Toronto), 16 (1926) : 314–319. Ses autres écrits, essentiellement des rapports annuels d’activité au ministre de l’Agriculture, sont publiés dans : Canada, Parl., Doc. de la session, rapport du dép. de l’Agriculture.
ANQ-Q, CE301-S61, 5 mars 1843, 15 juin 1865.— BAC, MG 24, D16, 48 : 38745 ; MG 26, A : 212656–212759 ; H, 165, 228 ; MG 28, I, 75, 1 (b), dossier 2.5 (mfm) ; MG 29, C101 ; E18, 5 : 75–77, 571–581 ; 11, dossier 10 ; RG 11, B1(a), 298 ; B2, 905, 1135, 1355, 1593 ; B2a, 1896 ; D4, 387, 3966 ; RG 17, A I, 18, no 1550 ; 27, no 2837 ; 46, no 4396 ; 61, nos 5804, 5843 ; 65, no 6278 ; A I.1, 15, dossiers 1201–1240 ; A I.5, 1631 ; A I.9, 1679 ; A 13, 1975, nos 1-5 ; RG 29, 4, nos 191525–191526, 225273 ; 5, nos 126293, 233287 ; 19, dossier 10-3-1 ; RG 32, C2, 191, 683.— Le Droit (Ottawa), 4 nov. 1929.— Ottawa Citizen, 4 nov. 1929.— Geoffrey Bilson, « Dr Frederick Montizambert (1843–1929) : Canada’s first director general of public health », Medical Hist. (Londres), 29 (1985) : 386–400.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Le Jeune, Dictionnaire.— André Sévigny, Étude polyphasique des aménagements de la Grosse-Île : 1832–1980 (Parcs Canada, Direction des lieux et des parcs hist., Travail inédit, [Ottawa], 1991 ; Rapports sur microfiches, no 477) ; « Frederick Montizambert, homme-relais de la bactériologie et pionnier de la santé publique au Canada » (copie dactylographiée, Commission des lieux et monuments historiques du Canada, rapport no 1998-14, Ottawa, 1998), 391–417.— Martin Tétreault, « Frederick Montizambert et la Quarantaine de Grosse Île, 1869–1899 », Scientia Canadensis (Thornhill, Ontario, et Ottawa), 19 (1995) : 5–28.— Who was who [...] : a companion to « Who’s who », containing the biographies of those who died during the period [1897–1995] (9 vol. parus et un index, Londres, 1920– ), 3 (1929–1940) : 959.
André Sévigny, « MONTIZAMBERT, FREDERICK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/montizambert_frederick_15F.html.
Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:
Permalien: | http://www.biographi.ca/fr/bio/montizambert_frederick_15F.html |
Auteur de l'article: | André Sévigny |
Titre de l'article: | MONTIZAMBERT, FREDERICK |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |