Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3251511
BERNARD, HEWITT, avocat, officier de milice, rédacteur en chef et fonctionnaire, né en 1825 à Spanish Town, Jamaïque, fils aîné de Thomas James Bernard et de Théodora Foulkes ; décédé célibataire le 24 février 1893 à Montréal.
Le père de Hewitt Bernard, propriétaire d’une plantation de canne à sucre en Jamaïque, se trouva dans une situation difficile après la révolte des esclaves survenue en 1832. Comme beaucoup de planteurs, il exerçait de nombreuses fonctions dont celles de juge de paix et, pendant un certain temps, de procureur général. Le jeune Hewitt fit ses études à Bath, en Angleterre, et à son retour en Jamaïque, dans les années 1840, il s’établit avocat. Après la mort de son père, victime du choléra en 1850, c’est lui qui devint chef de famille. Estimant qu’il n’avait plus d’avenir en Jamaïque, il immigra au Canada en 1851, avec l’intention d’y poursuivre sa carrière d’avocat : il était muni d’une lettre de recommandation qui le mit en contact avec James Patton, avocat de Barrie dans le Haut-Canada. Son talent, son savoir-vivre et son sérieux lui ouvrirent les portes de la bonne société et, en 1854, sa mère et sa sœur Susan Agnes*, alors toutes deux en Angleterre, vinrent le rejoindre à Barrie. En 1855, il entra dans le corps de milice volontaire de la ville, la Barrie Rifle Company, au sein de laquelle il finit par accéder au grade de lieutenant-colonel.
Cette année-là, la capitale provinciale passa de Québec à Toronto et, en 1857, le procureur général, John Alexander Macdonald, eut besoin d’un secrétaire particulier compétent. Il invita Bernard, alors corédacteur en chef de l’Upper Canada Law Journal, à accepter le poste, qui devait être attaché à son ministère. Ce dernier entra en fonction en février 1858 ; en mars de l’année suivante, il succéda à Robert Alexander Harrison* au poste de commis en chef, abandonnant vraisemblablement du même coup ses fonctions de secrétaire de Macdonald. L’année suivante, il devint adjoint du juge-avocat général, poste analogue à celui de sous-procureur général. En 1864, il avait acquis la stature nécessaire pour que Macdonald lui confie la charge de secrétaire aux conférences de Charlottetown et de Québec sur la Confédération, puis à la conférence de Londres tenue pendant l’hiver de 1866–1867.
En février 1867, Bernard mena sa sœur à l’autel lorsqu’elle épousa Macdonald à l’église St George Hanover Square de Londres. Le 1er juillet, il devint le premier sous-ministre de la Justice du nouveau dominion. Le ministre, Macdonald, lui laissa pour ainsi dire l’entière responsabilité des pénitenciers canadiens (à Kingston, Saint-Jean et Halifax) ; il lui confia également la mise sur pied des nouvelles prisons de Saint-Vincent-de-Paul (Laval, Québec) et de Lower Fort Garry (Manitoba) [V. Samuel Lawrence Bedson]. En 1868, Bernard eut la responsabilité de faire comparaître des témoins et de recueillir des preuves dans l’enquête sur l’assassinat de Thomas d’Arcy McGee*, ainsi que dans le procès de Patrick James Whelan* qui s’ensuivit.
À mesure que passaient les premières années de la Confédération, Bernard s’imposait de plus en plus comme sous-ministre principal. Aux élections fédérales de 1872, en l’absence de tous les ministres, il assuma en quelque sorte le rôle de majordome du gouvernement. Au milieu du mois d’août, comme il faisait une chaleur accablante, le maître général des Postes, Alexander Campbell, l’invita à passer quelques jours au bord d’un lac. Bernard refusa à regret. « Ne croyez pas que je sois vaniteux, écrivit-il à Campbell, si je vous dis que je ne pense pas pouvoir m’éloigner d’Ottawa même pendant une heure [...] Je dois répondre à des lettres et à des télégrammes, et m’occuper toute la journée d’affaires importantes [concernant le pays] de la Colombie-Britannique jusqu’à Halifax. » Seul le travail le consolait de rester confiné à Ottawa, cette ville qu’il appelait l’« ultime Thulé de l’ennui et de la désolation » et qu’il qualifiait de « petit village de dernier ordre, chaud et poussiéreux ». En novembre 1872, on le fit conseiller de la reine et, un mois plus tard, compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges.
Quand les libéraux arrivèrent au pouvoir, en novembre 1873, Bernard resta sous-ministre de la Justice sous l’autorité d’Antoine-Aimé Dorion. Il fallait qu’il soit d’une grande intégrité pour conserver ainsi son poste, tout en continuant d’habiter chez les Macdonald, sans qu’aucun ministre du gouvernement d’Alexander Mackenzie, autant que l’on sache, ne murmure contre lui. Cependant, en 1876 sa santé s’altéra, et il démissionna au mois d’août. Il continua tout de même, par la suite, à s’occuper de temps à autre des affaires du gouvernement à titre d’expert-conseil. C’est à cette époque qu’il commença à passer ses hivers dans le Sud à cause de sa maladie ; il souffrait peut-être d’ostéo-arthrite, on n’en sait rien, mais il semble que son mal ait connu une lente progression. Au milieu des années 1880, il lui fallait une nourriture spéciale, des soins particuliers et de la tranquillité, encore que chaque jour, le printemps et l’automne, il allât passer quatre heures à Earnscliffe, la résidence des Macdonald. L’hiver, il avait l’habitude de gagner le Sud et de séjourner dans un sanatorium, optant finalement pour Lakewood au New Jersey. Selon une description d’Edmund Allen Meredith en 1890, le salon de la résidence d’été des Macdonald à Saint-Patrice, près de Rivière-du-Loup, dans la province de Québec, ressemblait à une salle d’hôpital : il y avait Bernard, « assis comme une momie » au milieu de la pièce, Margaret Mary Theodora Macdonald, qui était hydrocéphale, étendue sur un canapé dans le coin et lady Macdonald, qui veillait à tout avec sa santé robuste et sa force habituelle. Elle en avait besoin d’ailleurs. Son récit, en 1892, des promenades qu’elle faisait l’après-midi, à Lakewood, avec sa fille Mary dans un fauteuil roulant et Hewitt dans un autre, illustre d’une manière vivante la lourde tâche qui était souvent le lot des parents dévoués.
Vers la fin de 1892, Hewitt Bernard alla s’installer à l’hôtel Windsor, à Montréal, pour y passer l’hiver. C’est là qu’il mourut, en février 1893, « torturé par le rhumatisme », comme le rappela par la suite un ami de la famille, Thomas Charles Patteson.
La correspondance de Hewitt Bernard à titre de sous-ministre de la Justice se trouve aux AN, RG 13, A3, 554 et les suivantes. Les Sir Alexander Campbell papers (AO, MU 469–487) et les Thomas Charles Patteson papers (AO, MS 22) contiennent quelques lettres de lui. On trouve beaucoup de renseignements sur lui dans l’ouvrage de Louise Reynolds, Agnes : a biography of Lady Macdonald (Toronto, 1979), ainsi que dans Affectionately yours ; the letters of Sir John A. Macdonald and his family, introd. de J. K. Johnson, édit. (Toronto, 1969) ; J. A. Macdonald, The letters of Sir John A. Macdonald [...], J. K. Johnson et C. B. Stelmack, édit. (2 vol., Ottawa, 1968–1969), 2 ; et Gwyn, Private capital. Les renseignements généalogiques proviennent de Chadwick, Ontarian families.
P. B. Waite, « BERNARD, HEWITT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bernard_hewitt_12F.html.
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Auteur de l'article: | P. B. Waite |
Titre de l'article: | BERNARD, HEWITT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
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