Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3451939
BERNARD, SUSAN AGNES (Macdonald, baronne Macdonald), épouse d’homme politique, née le 24 août 1836 à Bernard Lodge, au sud de Spanish Town, Jamaïque, cinquième enfant et fille unique de Thomas James Bernard, propriétaire d’une plantation de canne à sucre, et de Theodora Foulkes Hewitt ; le 16 février 1867, elle épousa John Alexander Macdonald*, et ils eurent une fille ; décédée le 5 septembre 1920 à Eastbourne, Sussex, Angleterre.
Ébranlée par l’émancipation des esclaves de l’Empire britannique en 1833, la situation de la famille Bernard s’aggrava encore du fait de la mort de Thomas James Bernard au cours de l’épidémie de choléra qui emporta environ 8 % de la population jamaïcaine en 1850. Ne voyant plus dans l’île aucune perspective d’avenir pour elle-même et ses enfants, Mme Bernard partit avec Susan Agnes pour l’Angleterre en 1851. Hewitt Bernard*, le fils aîné, s’embarqua six mois plus tard pour la province du Canada. En 1854, Susan Agnes et sa mère le rejoignirent à Barrie, dans le Haut-Canada.
En 1858, Susan Agnes et Mme Bernard s’installèrent à Toronto avec Hewitt, que John Alexander Macdonald, alors procureur général du Haut-Canada, venait de prendre comme secrétaire particulier. En 1859, elles le suivirent à Québec, la nouvelle capitale de la province. C’est là que, l’année suivante, Susan Agnes fit la connaissance de Macdonald. Lorsque le gouvernement s’établit à Ottawa en 1865, peu de fonctionnaires voulurent aller y demeurer, mais Hewitt, qui était devenu l’adjoint de Macdonald, n’eut pas le choix. Sur son conseil, Susan Agnes et sa mère retournèrent en Angleterre. Elles vivaient surtout à Londres. Susan Agnes y revit Macdonald en 1866, au moment de la conférence sur la confédération des colonies de l’Amérique du Nord britannique. Lorsque Macdonald parla à Hewitt d’épouser sa sœur, celui-ci souleva une seule objection : Macdonald buvait. Le prétendant répondit qu’il s’amenderait. Susan Agnes était certainement au courant du problème avant le mariage, qui eut lieu en 1867 à Londres, en l’église St George, au square Hanover.
Après la Confédération et l’accession de son mari au titre de chevalier, Susan Agnes, devenue lady Macdonald, s’installa dans son rôle de maîtresse de maison à Ottawa. C’était une jeune femme grave ; elle avait du mal à prendre les difficultés avec humour. Énergique et animée de sentiments nobles, elle jetait un regard parfois critique sur la vie politique, qui absorbait une bonne part du temps de son mari. « Comme il est difficile, songeait-elle, de savoir comment bien faire ! Je sais que je me laisse facilement égarer par les calculs [...], et je sais aussi que j’ai un fort penchant pour le pouvoir. » Le qualificatif « fort » décrit bien lady Macdonald. Elle était audacieuse, parfois imprudente, et extrêmement curieuse du monde qui l’entourait. Elle ne se laissait pas intimider aisément, sauf peut-être par la société. Elle était mal à l’aise dans le rôle d’hôtesse ; les obligations mondaines de la femme d’un premier ministre convenaient mal à son tempérament.
Voyant que son mari faillissait à ses promesses et se remettait à boire de temps à autre, lady Macdonald se tourna vers la religion et l’ascétisme. Elle aurait bien besoin de ces deux appuis. En 1869, Macdonald était dans la dèche et, en février de cette année-là, lady Macdonald donna naissance à une fille. En moins de trois mois, il devint évident que Margaret Mary Theodora souffrait d’hydrocéphalie et que son état était incurable. Jamais elle ne parlerait, ne jouerait ou ne courrait comme les autres enfants ; jamais non plus elle ne pourrait se débrouiller seule. Ce que cette épreuve coûta aux Macdonald, nul ne le saura jamais. Lady Macdonald cherchait des consolations à l’église anglicane St Alban the Martyr. Dans son journal, elle employait le mot « déception » à propos de Margaret Mary, mais c’était un euphémisme qui masquait « une des époques les plus sombres de [son] existence ». Elle priait Dieu de lui donner le courage d’apprendre les leçons d’humilité et de renoncement que la naissance et la vie de son enfant lui enseigneraient. Les photographies de lady Macdonald prises en 1868 et 1878 donnent une idée du changement qui s’opéra en elle. Leur comparaison est saisissante.
Quand Macdonald devint chef de l’opposition en 1873, son revenu annuel était d’environ 2 500 $ ; cette somme provenait du Testimonial Fund que des amis avaient constitué pour lui. Comme ce revenu ne suffisait pas, il s’installa à Toronto avec sa famille en 1875 pour augmenter sa clientèle d’avocat. Périodiquement, il se remettait à boire. Selon Charles Belford*, du Mail de Toronto, la seule personne qui avait quelque influence sur lui était lady Macdonald – et encore, elle n’arrivait pas toujours à le maîtriser. Quand il était sobre, c’est-à-dire la plupart du temps, il essayait de se conformer à ses désirs. Mais il ne la laissait jamais, même pour lui faire plaisir, influencer ses décisions d’homme politique.
En 1878, après que sir John Alexander eut repris le pouvoir, les Macdonald retournèrent à Ottawa. Selon lady Aberdeen [Marjoribanks*], lady Macdonald en vint à mener la société autour d’elle « d’une poigne de fer ». Elle n’était pas d’un abord facile. Les mondanités, les compliments, les conversations légères n’étaient pas pour elle. Au contraire, elle avait tendance à se montrer austère, empesée. Comme elle prenait soin de sa fille depuis dix ans et devait parfois lutter contre l’intempérance de son mari, un tel durcissement de caractère était peut-être compréhensible. En 1882, les Macdonald achetèrent une maison d’été, Les Rochers, près de Rivière-du-Loup, dans la province de Québec, et une nouvelle résidence à Ottawa, Earnscliffe, où ils emménagèrent l’année suivante.
Un mois après la mort de son mari, survenue en juin 1891, lady Macdonald devint personnellement baronne Macdonald d’Earnscliffe. Sans doute recommandée par le gouverneur général lord Stanley*, son élévation à la pairie était plus un hommage à son mari qu’à elle-même. Peut-être aurait-elle mieux fait de renoncer à cet honneur. Macdonald lui avait laissé de quoi vivre décemment, mais non de quoi mener le train de vie d’une pairesse tout en prenant soin de Margaret Mary. Fuyant Earnscliffe – cette maison trop remplie de souvenirs –, lady Macdonald et sa fille commencèrent une vie d’errance : elles se rendirent à Banff (Alberta), où la famille avait un chalet, sur la côte Ouest et chez Hewitt à Lakewood, dans le New Jersey. Après la mort de Hewitt en 1893, elles allèrent habiter dans une maison de Sydenham, dans la partie sud-est de Londres. Mais les hivers anglais étaient si humides et sombres qu’elles se réfugiaient en Italie. Lady Macdonald vendit Les Rochers en 1895 et Earnscliffe en 1900. Dès 1905, elle avait adopté l’automobile ; il ne semble pas qu’elle en ait eu une, mais elle profitait de celles de ses amis. Elle adorait conduire en Écosse, « aller à toute vitesse – par les vallons les plus magnifiques, dans la meilleure Mercedes ! ». Cette remarque rappelle le plaisir avec lequel, au cours d’un voyage en train dans les Rocheuses en 1886, elle fit une partie du trajet installée sur le chasse-pierres de la locomotive. Un des derniers liens qu’elle conservait avec le Canada était Joseph Pope*, ancien secrétaire de sir John Alexander et important administrateur de sa succession, mais elle rompit avec lui en 1913 à cause du transfert de la succession à la Royal Trust Company.
Susan Agnes Bernard, baronne Macdonald, mourut d’une attaque d’apoplexie en 1920 à Eastbourne, sur la côte sud de l’Angleterre. Sa fille Margaret Mary allait vivre jusqu’en 1933. Dans ses années de veuvage, lady Macdonald avait mené sans grande joie une existence errante. Comme elle l’écrivait à Pope en 1897, « à vrai dire, je ne suis qu’une vieille femme bien triste – avec un passé que, hélas !, je n’ai pas oublié et ne puis oublier ! ».
Les papiers de sir John A. Macdonald aux AN, MG 26, A, ne contiennent aucun document de correspondance entre ce dernier et Susan Agnes Bernard Macdonald. On suppose qu’elle a détruit les lettres qu’elle avait adressées à son mari et celles qu’elle avait reçues de lui. Son journal personnel des années 1867–1875 (vol. 559A) a échappé à la destruction, probablement parce qu’elle l’a bien voulu. On trouve de la documentation sur elle dans les papiers de T. C. Patteson aux AO, F 1191.
Susan Agnes Macdonald a publié plusieurs récits de ses voyages et de ses observations personnelles sur la vie au Canada dans Murray’s Magazine (Londres) : « By car and by cowcatcher », « On a Canadian salmon stream », et « On a toboggan », 1 (janv.–juin 1887) : 215–235, 296–311 ; 2 (juill.–déc. 1887) : 447–461, 621–636 ; et 3 (janv.–juin 1888) : 77–86. Un autre récit de voyage intitulé « An unconventional holiday », a paru dans Ladies’ Home Journal (Philadelphie), 8 (1890–1891), no 9 : 1–2 et no 10 : 1–2.
La biographie rédigée par Louise Reynolds, Agnes : the biography of Lady Macdonald (Toronto et Sarasota, Fla, 1979), est complète mais en général peu critique. Les ouvrages de Sandra Gwyn, The private capital : ambition and love in the age of Macdonald and Laurier (Toronto, 1984), et de Heather Robertson, More than a rose : prime ministers, wives and other women (Toronto, 1991), contiennnent des commentaires plus révélateurs sur Susan Agnes Macdonald. [p. s. w.]
P. B. Waite, « BERNARD, SUSAN AGNES (Macdonald) (baronne Macdonald, lady Macdonald) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bernard_susan_agnes_14F.html.
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Auteur de l'article: | P. B. Waite |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |