APPLETON, THOMAS, enseignant, né dans la division est du Yorkshire, Angleterre ; circa 1818–1835.

On se souvient de Thomas Appleton surtout parce qu’il fut mêlé à une controverse peu importante qui n’était que le pâle reflet d’une contestation beaucoup plus générale, Au début des années 1820, îl devint le personnage principal dans un débat sur la façon dont l’enseignement devrait être organisé dans le Haut-Canada. D’une part, le lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland* et le révérend John Strachan* favorisaient le développement du réseau des écoles nationales qui relevaient de l’Église d’Angleterre. Selon ce système d’éducation, des élèves choisis parmi les grands remplissaient la tâche de moniteurs. D’autre part, les réformistes souhaitaient l’extension du réseau des écoles publiques non confessionnelles, instauré en vertu du Common Schools Act de 1816. Ce désaccord ne prit fin qu’entre 1840 et 1860, et c’est alors que fut mis sur pied un système scolaire subventionné par l’État, accessible à tous et non confessionnel, sous la responsabilité d’Egerton Ryerson*.

Méthodiste originaire du Yorkshire, Appleton arriva dans le Haut-Canada en 1818. Après avoir enseigné pendant une brève période dans les cantons de King et de Scarborough, il accepta un poste à l’école publique d’ York (Toronto) en février 1820. Cependant, son avenir fut bientôt compromis par le projet de Maitland de créer des écoles nationales qui étaient censées jouer un rôle essentiel pour assurer la loyauté de la population. Quelques mois après qu’Appleton se fut installé à York, Joseph Spragg*, que Maitland avait recruté en Angleterre dans le but de transformer l’école d’York en une école nationale, arriva dans la capitale. Strachan, membre du bureau d’éducation du district et proche allié de Maitland, prit alors la tête de ceux qui tentaient d’obtenir le départ d’Appleton. Spragg fut finalement nommé à l’école d’York pour une période de cinq mois, et l’on confia à Appleton la direction d’une école publique située non loin de là, sur la « place du Marché ». Peu après, ces dispositions devinrent permanentes, et l’école de Spragg devint l’Upper Canada Central School, la première d’une série d’écoles nationales projetées par Maitland.

Les choses en restèrent là jusqu’au milieu de 1821. Appleton se vit alors refuser tout à coup son traitement des six mois précédents, sous prétexte que l’Upper Canada Central School avait remplacé l’école publique. Jesse Ketchum*, Thomas David Morrison* et Jordan Post*, commissaires de l’école publique, adressèrent à Maitland et au bureau du district une pétition en faveur d’Appleton, mais leur demande fut rejetée et les trois commissaires donnèrent leur démission afin de protester contre ce refus. En 1823, Appleton fit appel à Maitland, qui soumit la question au Bureau de surveillance générale de l’éducation, nouvellement créé. En sa qualité de surintendant de ce bureau, Strachan informa Maitland que le paiement du salaire d’Appleton avait été suspendu parce que le bureau du district avait décidé, à la suite de la réduction des fonds destinés à l’école publique en 1820, de ne supporter qu’une seule école dans chaque canton et que dans York on pouvait se passer de celle d’Appleton en raison de l’existence de l’Upper Canada Central School. D’après Strachan, Maitland jugea cet argument « tout à fait satisfaisant », et aucune suite ne fut donnée à la requête d’Appleton.

Même si Appleton ne recevait plus de salaire, il continua d’enseigner à l’école publique, comptant sur les frais de scolarité de ses élèves pour subsister. Il réitéra cependant sa demande, si bien qu’en 1828 la chambre d’Assemblée institua un comité spécial, composé de James Wilson, Robert Randal, John Rolph*, John Matthews et Thomas Hornor, qui était chargé de faire la lumière sur les accusations de conduite arbitraire portées par Appleton contre le Conseil exécutif. Les réformistes qui exerçaient une influence décisive sur le comité virent dans cette affaire l’occasion de transformer ce qui semblait être une histoire banale de congédiement injustifié en un débat d’envergure sur les mesures du family compact. Après tout, l’Upper Canada Central School avait été créée sur la recommandation du Conseil exécutif, mais sans l’approbation du ministère des Colonies ni l’assentiment du Parlement du Haut-Canada. De plus, certains membres du comité soupçonnaient Maitland, et peut-être aussi Strachan, de vouloir délibérément créer, par le truchement du système des écoles nationales, un réseau d’établissements scolaires qui relèveraient de l’Église d’Angleterre et qui feraient concurrence aux écoles publiques non confessionnelles. Donc, dès le début, il était manifeste que le comité allait prendre le parti d’Appleton. Après avoir entendu plusieurs témoins, dont Appleton lui-même et Jesse Ketchum, le comité demanda aux autorités de verser à Appleton l’argent qui lui était dû. En outre, il annonça que l’Upper Canada Central School « donn[ait] ouvertement son adhésion à l’Église d’Angleterre et que, par conséquent, elle ne [devait] pas être supportée par les revenus d’un pays qui lutt[ait] contre la domination d’une seule Église ». Toutefois, aucune suite ne fut donnée au rapport du comité.

Appleton n’abandonnait pas facilement ; en avril 1832, il en appela directement au ministère des Colonies. Il subit un échec encore une fois car, en 1833, après avoir été informé de l’affaire par le lieutenant-gouverneur sir John Colborne*, lord Goderich décida que l’intervention du ministère n’était pas justifiée dans les circonstances. Deux ans plus tard, le comité des griefs, présidé par William Lyon Mackenzie*, étudia une autre requête d’Appleton et décida que ce dernier avait droit à un remboursement de £85 4s, à titre de compensation. On ne sait pas si cette somme fut remise à Appleton.

Les détails relatifs à la vie d’ Appleton entre 1820 et 1840 sont peu connus. On sait cependant qu’il enseignait encore à York en 1828 et que, selon les dires de Mackenzie, il demeurait à Toronto en 1835. Toutefois, son nom ne figure ni dans les répertoires ni sur les rôles d’impôt de la ville pour les années 1830. En fait, le nom de Thomas Appleton n’apparaît nulle part jusqu’en 1841, année où un Thomas Appleton est inscrit comme résident du canton de King. Il existe des preuves circonstancielles permettant de croire que le dénommé Appleton du canton de King est la même personne que celle qui fait l’objet de la présente biographie. S’il en est ainsi, Appleton a vécu une longue et productive existence. Le Thomas Appleton de 1841, immigrant anglais et méthodiste New Connexion, s’établit cette année-là dans le canton de King. En 1851, lui et sa femme Elizabeth avaient trois enfants, et Thomas exploitait une scierie avec l’aide de son fils Tapple. À l’époque du recensement de 1861, Thomas était veuf et demeurait avec Teavill C. Appleton, probablement un de ses frères. Thomas Appleton mourut à Aurora le 31 juillet 1866 chez son gendre, William Hartman, frère de l’homme politique Joseph Hartman*, du parti clear grit ; il avait 82 ans. Une lettre datée de 1841 et envoyée à Robert Baldwin* par un dénommé T. Appleton, sans aucun doute Thomas, son fils Tapple ou Teavill, révèle qu’Appleton lui-même aurait eu des liens avec le parti réformiste. Dans cette lettre en provenance du canton de Whitchurch, Appleton demandait à Baldwin de tenir « la promesse [qu’il lui avait] faite pendant la campagne électorale ».

On a décrit Thomas Appleton comme « un bon enseignant et un homme aimable qui était tenu en haute estime aussi bien par les élèves que par leurs parents ». Au cours des années 1820 et de la décennie qui suivit, ses démarches avaient canalisé l’attention sur une question qui était devenue de plus en plus importante : À qui allait-on confier la direction du système public d’enseignement, alors en pleine évolution, destiné aux enfants des classes populaires ? Serait-ce l’Église ou l’État, les membres nommés au Conseil exécutif ou les élus de l’Assemblée ? Dans la cause d’Appleton, l’Assemblée se prononça officiellement pour la mainmise de l’État et des élus, mais le règlement du litige exigea deux autres décennies de controverses.

J. Donald Wilson

AO, MS 451, York County, King Township cemetery records ; RG 21, York County, King Township, assessment rolls, concession 2, lot 21, 1863, 1865–1866.— APC, RG 1, L1, 29 : 10 ; L3, 7 : A 12/2 ; RG 5, A1 :24063–24065, 33541–33542 ; RG 7, G1, 69 : 159–161 ; 70 : 90–91, 328–330 ; RG 31, C1, 1851, 1861, King Township, concession 2, lot 21.— MTL, Robert Baldwin papers, Appleton à Baldwin, 18 oct. 1841.— PRO, CO 42/411 : 210 ; 42/413 : 208, 251 ; 42/414 : 340–348.— Univ. of Toronto Arch., A73-0015/001, 17 mars 1830 (photocopie aux AO).— York North Registry Office (Newmarket, Ontario), Abstract index to deeds, King Township, concession 2, lot 21 (mfm aux AO).— Documentary history of education in Upper Canada from the passing of the Constitutional Act of 1791 to the close of Rev. Dr. Ryerson’s administration of the Education Department in 1876, J. G. Hodgins, édit. (28 vol., Toronto, 1894–1910), 1–2 ; 4–5.— H.-C., House of Assembly, App. to the journal, 1835, 1, app. 21 : 81 ; 2, app. 65 : 19 ; Journal, 1828 : 63, 66–67, 114 ; app., «Report on the petition of T. Appleton » ; 1835 : 204, 213, 232, 264.— J. R. Robertson, Old Toronto : a selection of excerpts from Landmarks of Toronto, E. C. Kyte, édit. (Toronto, 1954).— Town of York, 1815–34 (Firth).— Newmarket Era, 3 août 1866.— R. R. Bonis, A history of Scarborough (Scarborough [Toronto], 1965).— F. M. Quealey, « The administration of Sir Peregrine Maitland, lieutenant-governor of Upper Canada, 1818–1828 » (thèse de ph.d., 2 vol., Univ. of Toronto, 1968).— G. W. Spragge, « Monitorial schools in the Canadas, 1810–1845 » (thèse de d.paed., Univ. of Toronto, 1935).— J. D. Wilson, « Foreign and local influences on popular education in Upper Canada, 1815–1844 » (thèse de ph.d., Univ. of Western Ontario, London, 1970).— – E. J. Hathaway, « Early schools of Toronto », OH, 23 (1926) : 322–327.— G. W. Spragge, « The Upper Canada Central School », OH, 32 (1937) : 171–191.

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J. Donald Wilson, « APPLETON, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/appleton_thomas_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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