KETCHUM, JESSE, tanneur, homme politique et philanthrope, né le 31 mars 1782 à Spencertown, comté de Columbia, New York, cinquième fils de Jesse Ketchum et de Mollie Robbins ; il épousa Ann Love qui décéda en 1829 après lui avoir donné trois fils et trois filles, et il se remaria à Mary Ann Rubergall dont il eut trois enfants ; décédé le 7 septembre 1867 à Buffalo, New York.

Après le décès de sa mère, survenu quand il avait six ans, Jesse Ketchum fut recueilli par un tanneur de Spencertown, qui lui enseigna probablement son métier. Parce qu’on ne lui permettait pas de fréquenter l’école, il ne se plaisait pas chez ses parents adoptifs et, à l’âge de 17 ans, il s’enfuit pour aller rejoindre son frère, Seneca*, qui s’était rendu dans le Haut-Canada en 1796 et possédait une ferme dans la rue Yonge, au nord d’York (Toronto).

Lorsque la guerre de 1812 éclata, certains immigrants des États-Unis, établis depuis peu dans la région, préférèrent quitter le Haut-Canada plutôt que de s’enrôler dans la milice ou de prêter serment d’allégeance à la couronne. L’un d’eux, John Van Zandt, un tanneur américain installé à York, fut obligé de vendre ses biens sur-le-champ, sans doute à perte. Ketchum s’en porta acquéreur. Comme les autres commerçants, il réalisa de gros bénéfices durant la guerre en raison de la demande d’approvisionnement des troupes. En homme d’affaires avisé, il fit des placements en immeubles dans la ville d’York et il acheta et revendit des fermes dans le comté du même nom.

Au début de la guerre, Ketchum entra dans le 3e régiment de la milice d’York et, en 1813, quand la ville tomba aux mains des Américains, il fut parmi ceux qu’on libéra sur parole. Toutefois, sa loyauté fut mise en doute durant la courte occupation américaine et, par la suite, il fut au nombre des gens que le procureur général, John Beverley Robinson, avait l’ordre d’arrêter et de traduire en justice si une enquête montrait que de telles mesures étaient justifiées. Ketchum ne fut pas mis en état d’arrestation, mais ces événements l’affectèrent profondément.

Ketchum était un homme généreux et il avait le souci de la chose publique. Il offrit sa cotisation pour la reconstruction des ponts de la rivière Don après la guerre ; il devint membre de la Society for the Relief of Strangers in Distress (qui fut rebaptisée, en 1828, Society for the Relief of the Sick and Destitute) ; il fut aussi membre du Bureau de santé. Après l’adoption en 1816 de la loi sur les écoles publiques, en vertu de laquelle la législature assumait les frais administratifs mais non le coût de la construction des locaux, Ketchum fournit des fonds pour l’érection de la première école publique d’York ; les travaux furent achevés en 1818 et Ketchum fut élu au conseil d’administration de l’école par ses concitoyens. En 1832, il fit construire à ses frais une école maternelle pour les enfants de moins de sept ans.

Ketchum s’opposa d’abord au « Family Compact » et donna son appui au groupe des radicaux dès 1820 à cause de l’attitude de John Strachan en ce qui concerne l’école publique d’York ; Strachan persuada le lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland* de ne pas accorder de subvention à l’école et, lorsque les administrateurs élus démissionnèrent, il parvint à faire remplacer le professeur qu’ils avaient désigné, Thomas Appleton, par le candidat de son choix, l’anglican Joseph Spragg*. La question des « réserves » du clergé influençait également l’attitude de Ketchum. De confession méthodiste, sa foi n’avait rien de sectaire. Il avait fréquenté l’église anglicane St James quand York ne comptait aucune autre église ; il avait donné un terrain et de l’argent pour aider à établir, en 1818, une chapelle méthodiste et, en 1820, une église presbytérienne sécessionniste (devenue l’église presbytérienne de Knox). Il donnait les cours du dimanche à l’église méthodiste et il s’intéressait vivement aux écoles du dimanche de toutes les confessions. En 1823, il fonda la York Sunday School Union en vue d’ouvrir des bibliothèques à l’intention des enfants fréquentant ces écoles. En raison de sa largeur d’esprit, il fut nommé président d’une assemblée publique tenue en décembre 1827 dans le but de protester contre la célèbre « Charte ecclésiastique » de Strachan et de s’opposer aux efforts déployés par celui-ci en vue d’assurer la totalité des réserves du clergé à l’Église d’Angleterre. Ketchum fut le premier, dans le district de Home, à inscrire son nom sur une pétition qui fut signée, en 1828, afin d’obtenir la libéralisation de la charte de King’s College. En 1831, Ketchum et Adolphus Egerton Ryerson* firent circuler une autre pétition dans laquelle les « Amis de la liberté religieuse » demandaient au parlement de l’empire britannique de placer toutes les confessions de la province sur un pied d’égalité et d’utiliser les réserves du clergé aux fins de l’instruction publique et de l’avancement de la colonie.

En 1828, l’opposition de Ketchum au Family Compact était bien connue. Cette année-là, en compagnie de William Lyon Mackenzie, il fut élu député du comté d’York à l’Assemblée. Il conserva son siège jusqu’en 1834, date à laquelle il renonça à se représenter, las du tohu-bohu de la vie politique. Au cours de sa carrière de député, il avait eu tant d’influence sur les réformistes, il les avait si bien appuyés et il avait travaillé en collaboration si étroite avec Mackenzie à la réforme constitutionnelle et à d’autres réformes particulières que ses adversaires le surnommaient « le roi Jesse » et appelaient Mackenzie « le chacal du roi Jesse ». Ketchum prit parti pour Mackenzie chaque fois qu’on expulsa celui-ci de l’Assemblée ; il fit tout ce qu’il pouvait pour le faire réinstaller et ainsi éprouva des ennuis lors des émeutes qui éclatèrent à York en 1832.

S’il abandonna son siège de député en 1834, Ketchum ne délaissa pas pour autant la vie politique. Il participa à la mise sur pied de la Canadian Alliance Society, fondée en décembre 1834 dans le but de seconder les efforts réformistes, et il fut un membre actif du comité de surveillance de cette société, lequel recueillit une grande partie des données utilisées par Mackenzie dans The seventh report [...] on grievances (1835). Lorsque sir Francis Bond Head* révoqua le Conseil exécutif en 1836 et rabroua les délégués qui venaient lui présenter une pétition exprimant les protestations des gens, Ketchum contribua à la rédaction d’une lettre dans laquelle les réformistes faisaient connaître leur réaction sur un ton indigné et sarcastique et, en compagnie de James Lesslie*, il fut chargé de remettre la missive au lieutenant-gouverneur. Quand on se mit à parler de rébellion en 1837, Ketchum continua de croire en la possibilité d’obtenir les réformes par des moyens pacifiques. Il n’assista pas à la réunion tenue par les réformistes à la brasserie de John Doel* le 31 juillet 1837, parce qu’il savait que Mackenzie allait proposer un coup d’État. Il refusa de signer la déclaration des réformistes de Toronto, rompit avec ses alliés politiques et s’abstint de toute participation à l’insurrection.

Tout en continuant de résider à Toronto, Ketchum alla installer sa tannerie dans un faubourg de Buffalo peu après la rébellion ; cet endroit offrait de meilleures perspectives d’avenir à son entreprise et constituait un abri sûr pour son fils, William, qui avait fui le Haut-Canada à la suite du soulèvement. Le terrain qu’il possédait à Toronto avait d’ailleurs acquis trop de valeur pour y exploiter une tannerie. Les bénéfices qu’il réalisa à Buffalo furent placés dans des terrains agricoles du voisinage dont le prix s’accrut considérablement avec l’expansion de la ville. Ketchum demeurait à Toronto où il devait veiller sur ses nombreux intérêts, dont de vastes biens immeubles. En 1845, toutefois, il décida de céder aux enfants de son premier mariage les biens qu’il possédait à Toronto et, avec sa seconde famille, il déménagea à Buffalo où sa présence était désormais rendue nécessaire par le développement de ses importantes propriétés immobilières.

Toronto perdait en lui un citoyen généreux ; il avait donné à ses employés des lots de terrain à bâtir et, avant de partir pour Buffalo, il leur avait trouvé du travail. Il était vice-président de la York Tempérance Society, fondée en 1830, et il avait fait construire deux salles pour les réunions de cet organisme. Il était au nombre des fondateurs de l’Upper Canada Bible Society, créée en 1828, et de l’Upper Canada Tract Society, mise sur pied en 1832. Il versa des fonds à ces organismes pour leur permettre d’offrir des livres lors de la distribution annuelle des prix aux élèves et enfants qui fréquentaient l’école du dimanche. En 1830, il avait participé à la fondation de la Home District Savings Bank qui était au service de la classe ouvrière de la ville et, deux ans plus tard, il avait aidé à l’établissement du York Mechanics’ Institute. À Buffalo, Ketchum continua de faire des dons aux églises, aux écoles et aux sociétés de tempérance et il offrit chaque année des livres destinés aux écoliers. Il mourut en 1867. Le jour de ses funérailles, les écoles de la ville furent fermées en son honneur.

Lillian F. Gates

Scadding, Toronto of old (1873).— Town of York, 1793–1815 (Firth).— Town of York, 1815–1834 (Firth).— E. J. Hathaway, Jesse Ketchum and his times : being a chronicle of the social life and public affairs of the capital of the province of Upper Canada during its first half century (Toronto, 1929).— Lindsey, Life and times of Mackenzie.— Municipality of Buffalo, New York ; a history, 1720–1923, H. W. Hill, édit. (4 vol., New York et Chicago, 1923).— Sissons, Ryerson.

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Lillian F. Gates, « KETCHUM, JESSE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ketchum_jesse_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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