SPRAGG, JOSEPH, instituteur et administrateur scolaire, né le 28 mars 1775 à Cantorbéry, Angleterre, peut-être le fils de Joseph Spragg et d’une prénommée Frances ; le 18 janvier 1802, il épousa à Londres Sarah Bitterman, et ils eurent trois filles et quatre fils ; décédé le 17 décembre 1848 à Toronto.

Joseph Spragg était maître d’école en 1806 et vivait alors à New Cross (Londres). En 1819, peut-être sur l’invitation de William Wilberforce, il entra à la Central School de la National Society for Promoting the Education of the Poor in the Principles of the Established Church, à Londres. Wilberforce le recommanda ensuite au lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, sir Peregrine Maitland*, qui cherchait quelqu’un pour appliquer dans une première école – suivie de plusieurs autres, espérait-il – la méthode d’Andrew Bell, en vigueur dans les établissements de la National Society en Grande-Bretagne. Il y avait déjà des écoles nationales dans le Bas-Canada et les Maritimes [V. Jacob Mountain* ; George Stracey Smyth*]. Elles ressemblaient à celles de la British and Foreign Bible Society en ce que les élèves plus âgés et plus brillants servaient de moniteurs [V. Joseph Lancaster] ais elles présentaient aussi une différence essentielle : la National Society, en appliquant la méthode de Bell, observait les principes de l’Eglise d’Angleterre. Convaincu que l’objectif premier de l’instruction coloniale devait être d’inculquer aux enfants l’amour de Dieu et du roi, Maitland souhaitait établir des écoles de ce genre pour faire contrepoids aux écoles publiques non confessionnelles qui s’étaient ouvertes dans le Haut-Canada en 1816. Parce qu’elles employaient souvent des instituteurs et des manuels américains, il leur reprochait d’« instiller dans l’esprit de l’élève des principes contraires [au] gouvernement [de la colonie] ».

Arrivé à York (Toronto) pendant l’été de 1820, à l’âge de 45 ans, Spragg devint l’un des premiers instituteurs à travailler, au Canada, dans une école où des élèves jouaient le rôle de moniteurs. L’établissement où il devait entrer en fonction était pour l’heure une école publique et avait déjà un titulaire, Thomas Appleton*. Celui-ci devait quitter son poste, mais il fallut que le révérend John Strachan*, président du bureau d’éducation du district, hausse le ton pour qu’il accepte de démissionner. Des critiques de Maitland, notamment le réformiste et commissaire d’écoles Jesse Ketchum*, virent là une tentative délibérée de remplacer l’école publique par ce qui était ni plus ni moins qu’une école confessionnelle. Les commissaires démissionnèrent en même temps qu’Appleton, et Maitland désigna à leur place le procureur général John Beverley Robinson*, l’arpenteur général Thomas Ridout* et Joseph Wells*. Ensuite, il nomma Spragg instituteur à l’école, qui prit le nom d’Upper Canada Central School. Malheureusement pour Maitland, Appleton refusa de partir avec élégance, et son cas devint bientôt célèbre.

L’Upper Canada Central School ouvrit ses portes aux garçons et aux filles en septembre 1820 ; comme dans d’autres écoles de la National Society, on admit gratuitement la plupart des élèves parce que leurs parents n’avaient pas les moyens d’acquitter les frais de scolarité. La première année, il y eut 158 enfants, dont la plupart n’avaient reçu aucune instruction auparavant. Spragg mit en place le système des moniteurs, « aussi profitable à ceux qui enseign[aient] qu’à ceux qui recev[aient] l’enseignement ». L’école, subventionnée par le gouvernement, était une réplique de la Central School de Londres et devait former des instituteurs qui essaimeraient dans toute la colonie, car Maitland souhaitait fonder des écoles semblables dans chaque village. Selon un spécialiste de la question, George Warburton Spragge (arrière-petit-fils de Joseph), il n’y eut pas plus de quatre ou cinq tentatives ; seule l’école d’York survécut passablement longtemps.

Spragg avait, en qualité de maître d’école, une réputation mitigée. Même Wilberforce avait admis en 1820 : « Je ne peux pas dire qu’il m’a particulièrement fasciné, même si j’ai eu des recommandations très sérieuses à son sujet. » Maitland, qui n’était peut-être pas objectif, parla favorablement de Spragg et de l’école en 1822, puis de nouveau deux ans plus tard, mais les parents, dont on présenta les témoignages en 1828 dans un rapport du comité spécial de la chambre d’Assemblée sur une requête d’Appleton, n’étaient pas tous d’accord avec lui. En 1824, Spragg se construisit une maison aux abords ouest d’York ; dès lors, il fut souvent en retard à l’école, et les plaintes sur sa négligence augmentèrent. En 1829, au cours d’une visite à l’établissement, le lieutenant-gouverneur sir John Colborne* constata que Spragg n’était pas encore arrivé à 10 heures ; il le suspendit pour quelque temps. Avoir des mauvaises notes à son dossier n’empêchait cependant pas l’instituteur de demander fréquemment plus d’argent et d’aide pédagogique et de chercher à avoir de l’avancement en obtenant un nouveau poste. Il avait une haute opinion de lui-même, comme en témoignent ces mots de Henry Scadding* : « même s’il n’était pas entré dans les ordres, il avait l’allure et l’habit d’un digne ecclésiastique ». Dans les années 1820, il parvint à placer assez bien ses trois fils survivants : Joseph Bitterman et William Prosperous devinrent commis au bureau de l’arpenteur général et John Godfrey* entra chez un avocat à titre de clerc.

Joseph Spragg demeura directeur de la Central School jusqu’en 1844 ; il prit alors sa retraite, et l’école ferma ses portes. À l’époque, une école confessionnelle gratuite et financée par le trésor public était devenue une anomalie. Le projet de Maitland ne se réalisa jamais. Non seulement la méthode de Bell, avec son parti pris anglican, était-elle inacceptable pour la majorité des Haut-Canadiens, mais la chambre d’Assemblée soupçonnait que les écoles nationales visaient à affaiblir les écoles publiques non confessionnelles.

J. Donald Wilson

La thèse de G. W. Spragge, « Monitorial schools in the Canadas, 1810–1845 » (thèse de d. paed., Univ. of Toronto, 1935), fournit une description complète de ce système d’éducation. Les détails du plan de sir Peregrine Maitland pour introduire une école nationale sont décrits dans la thèse de l’auteur, « Foreign and local influence on popular education in Upper Canada, 1815–1844 » (thèse de ph.d., Univ. of Western Ont., London, 1970), 65–71. G. W. Spragge, dans « The Upper Canada Central School », OH, 32 (1937) : 171–191, et E. J. Hathaway, dans « Early schools of Toronto », OH, 23 (1926) : 322–327, présentent des opinions divergentes.  [j. d. w.]

APC, RG 1, L3, 463A : S14/160 ; RG 5, A1 : 23980–23983, 23987–23995, 26393–26395, 31899–31901, 39075–39077.— National Soc. (Church of England) for Promoting Religious Education (Londres), Reg. of masters from the country, entry for J. Spragg.— PRO, CO 42/365 : 328, 418, 420, 432–433 ; 42/366 : 3 (mfm aux AO).— St James’ Cemetery and Crematorium (Toronto), Record of burials, 20 déc. 1848 ; Tombstones, lot 29, sect. P.— Trinity College Arch. (Toronto), G. W. Spragge papers, Spragg family genealogy.— Univ. of Toronto Arch., A73–0015/001, extract of dispatch from Maitland to Bathurst, enclosed in Major Hillier to General Board of Education, 13 mai 1823 (mfm aux AO).— H.-C., House of Assembly, Journal, 1828, app., « Report on the petition of T. Appleton ».— John Strachan, The John Strachan letter book, 1812–1834, G. W. Spragge, édit. (Toronto, 1946), 212.— U.C. Central School, First annual report of the Upper Canada Central School, on the British National system of education (York [Toronto], 1822), 7.— Globe, 23 déc. 1848.— Scadding, Toronto of old (Armstrong ; 1966).

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J. Donald Wilson, « SPRAGG, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/spragg_joseph_7F.html.

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