ANDERSON, DAVID, évêque de l’Église d’Angleterre, né le 10 février 1814 à Londres, fils unique du capitaine Archibald Anderson ; en 1841, il épousa une demoiselle Marsden, et ils eurent trois fils ; décédé le 5 novembre 1885 à Clifton (maintenant partie de Bristol, Angleterre).

David Anderson fit ses études à l’Edinburgh Academy et à l’Exeter College, à Oxford, où il obtint un baccalauréat ès arts en 1836 et une maîtrise ès arts en 1838 (il devint par la suite bachelier en théologie et, en 1849, il reçut un doctorat en théologie à titre honorifique). Cependant, il ne fut pas un brillant élève. En tentant d’obtenir une bourse à Exeter, il s’imposa une telle fatigue que, cinq jours avant son examen, il s’écroula d’« épuisement nerveux ». Il lui fallut s’engager, d’assez mauvaise grâce, dans la seule autre voie « respectable », l’Église.

C’est probablement à Oxford qu’Anderson se fit remarquer de John Bird Sumner, évêque de Chester. Sumner l’ordonna diacre à Clapham (maintenant partie de Londres) en 1837 et prêtre à Durham le 8 juillet 1838. D’abord nommé à Liverpool, Anderson y demeura jusqu’en 1841, année où il fut choisi comme sous-directeur du St Bees College, dans le diocèse de Carlisle. En 1847, il devint vicaire perpétuel de l’église All Saints à Derby. Lors de son élévation à la dignité d’archevêque de Cantorbéry, c’est à son ami et protégé, comme on pouvait s’y attendre, que Sumner offrit le nouveau diocèse de Rupert’s Land ; le 29 mai 1849, il sacra Anderson premier évêque de cette circonscription ecclésiastique. Le diocèse, qui comprenait l’immense étendue de pays désignée sous le nom de Rupert’s Land dans la charte de la Hudson’s Bay Company, avait une dotation qui lui était assurée par la succession de James Leith* et par la compagnie. En plus de sa contribution financière, la Hudson’s Bay Company fournissait à l’évêque une maison et un terrain à la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba).

Des controverses d’ordre religieux et social, provenant en grande partie des tensions qui affectaient la colonie, marquèrent l’épiscopat d’Anderson. En outre, la colonie ne pouvant répondre aux aspirations de ses habitants, beaucoup de ceux-ci succombèrent à l’attrait des grandes plaines, de l’alcool et du niveau de vie plus élevé – du moins le croyait-on – qu’offraient le Canada et les États-Unis. Lorsque l’évêque arriva dans cette colonie, par la route d’York Factory (Manitoba), en octobre 1849, il fut mêlé à une dispute assez sérieuse avec le groupe des presbytériens. Ceux-ci, qui se trouvaient là par suite des efforts accomplis par lord Selkirk [Douglas*] en vue d’établir des colons écossais dans les plaines au début du xixe siècle, estimaient qu’ils avaient toléré trop longtemps le ministère exercé par le clergé de l’Église d’Angleterre. Après des années de vaines recherches, les presbytériens obtinrent enfin les services d’un ministre de leur confession, John Black, qui arriva en septembre 1851. Ils quittèrent l’église anglicane (Upper Church, plus tard St John), de façon pacifique, mais ils réclamèrent l’indemnisation des sommes versées pour les bancs qu’ils avaient occupés durant une vingtaine d’années et le droit de continuer à inhumer leurs morts au cimetière de cette église. L’évêque annonça toutefois qu’il entendait faire de St John sa cathédrale et consacrer le cimetière, ce qui allait empêcher qu’on ne fasse à cet endroit d’autres sépultures que celles de rite anglican. Il s’ensuivit une dispute si virulente que le comité londonien de la Hudson’s Bay Company, qui gouvernait Rupert’s Land, dut intervenir ; le comité recommanda à l’évêque de se montrer conciliant à l’égard des presbytériens. Anderson obéit, mais ses relations avec ce groupe – le plus prospère de la Rivière-Rouge – ne devaient jamais s’améliorer. Dans son amertume, il n’admit pas que les presbytériens utilisent St John pendant que leur église était en construction ; il refusa l’aide qu’ils lui offrirent après la grande inondation de 1852 et il empêcha leurs enfants de fréquenter son école.

Pendant les années qui suivirent son arrivée, au moment où régnait dans la colonie un climat d’insatisfaction, Anderson s’efforça de jouer un rôle de chef. Il se montra l’un des plus actifs au sein du mouvement de tempérance et il fut à l’avant-garde dans la lutte pour l’obtention de changements dans la situation constitutionnelle de la Rivière-Rouge, affirmant que les habitants de la colonie devaient participer plus directement à leur gouvernement. Un projet, mis de l’avant par les révérends Griffith Owen Corbett* et John Chapman, proposait que la Rivière-Rouge devînt une colonie de la couronne, et l’évêque appuya cette idée en signant une pétition envoyée au ministère des Colonies en 1862. Un mouvement plus radical, dirigé par William Kennedy, Donald Gunn* et James Ross*, préconisait l’annexion au Canada. Toutefois, lorsque la lutte entre ces deux groupes s’envenima et que leur opposition à la Hudson’s Bay Company devint évidente, Anderson se retira du débat.

En 1862, la situation se compliqua du fait que les Sioux menaçaient la colonie [V. Tatanka-najin*]. Le Conseil d’Assiniboia, dont Anderson était un membre éminent, demanda au ministère des Colonies d’envoyer des troupes. Mais ceux qui souhaitaient la modification du statut politique de la Rivière-Rouge virent dans cette demande une astucieuse manœuvre à laquelle le conseil malveillant et dominé par la Hudson’s Bay Company avait recours pour mettre fin à leur activité. Puis, en décembre 1862, le révérend Corbett, qui s’était opposé à cette demande, fut emprisonné sous l’inculpation d’avoir tenté de faire avorter sa servante, enceinte de lui d’après les potins. Les partisans de la réforme affirmèrent qu’il s’agissait encore d’un coup monté par la compagnie, visant cette fois à se débarrasser du pasteur qui sympathisait avec eux. Anderson, qui avait d’abord conseillé à Corbett de quitter la colonie en toute hâte, fit sa propre enquête et aboutit à la même conclusion que le tribunal : le pasteur était coupable [V. James Hunter]. L’évêque fut accusé à son tour d’avoir trempé dans le complot de la compagnie, et ses relations avec les paroissiens, de froides qu’elles étaient en mettant les choses au mieux, devinrent tout à fait tendues.

Les problèmes d’Anderson à la Rivière-Rouge venaient en grande partie de son incapacité de tenir en main un clergé divisé et chicanier. Le plus récalcitrant de ses subordonnés était le révérend William Cockran* qui se trouvait à la Rivière-Rouge depuis 1825 et avait beaucoup d’influence dans la colonie. Il exerçait également un fort ascendant sur Anderson et insistait auprès de l’évêque pour qu’il se décide à approuver la création de missions à Beaver Creek et à Portage-la-Prairie. C’est lui qui obtint en 1851 la démission du révérend John Smithurst*, accusé, sans preuves, d’avoir posé des gestes inconsidérés. Cockran et ses partisans (nombreux parmi les prêtres et les laïques) se considéraient comme des chiens de garde ayant pour mission, dans la colonie, de surveiller le papisme, le presbytérianisme et le clergé indigène, et ils parvinrent à entraîner Anderson dans un interminable bourbier de disputes et de controverses.

Malgré ces problèmes, Anderson connut quelques succès. Il plaça l’Église en bonne situation et établit les bases d’un système scolaire digne d’éloges. Lors de son arrivée en 1849, Rupert’s Land comptait cinq prêtres de l’Église d’Angleterre, principalement soutenus par une société missionnaire londonienne, la Church Missionary Society ; en 1864, il y en avait 22, soutenus par la Church Missionary Society, la Colonial and Continental Church Society et la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts. Toutefois, Anderson ne sut pas répartir ce clergé dans Rupert’s Land. Si l’on excepte de brèves incursions à l’intérieur du territoire et l’établissement de quelques petites missions, la plupart des ecclésiastiques demeurèrent à la Rivière-Rouge ; sir George Simpson*, gouverneur de la Hudson’s Bay Company, nota que la colonie comptait plus de religieux par personne que toute autre région de l’Empire britannique. Dans une certaine mesure, cette concentration du clergé s’expliquait par la répugnance d’Anderson à réclamer une aide supplémentaire de la Hudson’s Bay Company, mais il reste que l’évêque était trop pris par les événements qui se passaient à la Rivière-Rouge pour s’occuper des régions de l’intérieur. Il ne fit lui-même que de rares voyages durant son mandat épiscopal, visitant Moose Factory (Ontario) et le fort Albany (Fort Albany, Ontario) en 1852, 1855 et 1860, et le district d’English River (Ontario) en 1859.

L’éducation était le champ d’activité auquel Anderson tenait le plus. Peu de temps après son arrivée dans la colonie, il avait acheté la Red River Academy de la succession de son ancien propriétaire, le révérend John Macallum*. Il changea le nom de l’institution en celui de St John’s Collegiate School ; il établit un rigoureux programme d’études classiques, de langues modernes et de mathématiques et il mit sur pied une bibliothèque qui, en 1855, comptait 800 volumes. Le collège, qui était également un séminaire, donnait une formation complète ; deux finissants entrèrent à l’University of Cambridge, en Angleterre, et un autre à l’University of Toronto, et huit de ses prêtres œuvrèrent dans les missions de l’intérieur. En 1855, Anderson céda la direction de l’institution à Thomas Cochrane, fils de William Cockran. En raison de ses habitudes de buveur, Thomas Cochrane ne fut cependant pas bien accepté par la communauté. Cette situation, de même que la facilité avec laquelle les jeunes avaient accès aux pensionnats américains et l’aversion que l’Église d’Angleterre inspirait de plus en plus dans la colonie, entraîna la fermeture du collège en 1859.

Ce fut sans doute avec un certain soulagement qu’Anderson quitta la Rivière-Rouge en 1864. L’affaire Corbett avait rendu intenable sa situation dans la colonie et il choisit de se retirer dans le calme de Clifton, où il se trouvait près de ses trois fils, pensionnaires dans des écoles anglaises. Il ne cessa pas, néanmoins, de s’intéresser à la colonie. Devenu vicar de Clifton et, en 1866, chancelier de St Paul, à Londres, il travailla assidûment pour le diocèse de Rupert’s Land en recueillant des fonds et en prononçant des discours chaque fois qu’on le lui demandait. Après une longue et pénible maladie, il mourut en 1885, laissant à ses fils la somme de £67 410 shillings.

Frits Pannekoek

David Anderson est l’auteur de plusieurs ouvrages publiés à Londres : Britain’s answer to the nations : a missionary sermon, preached in Saint Paul’s Cathedral, on Sunday, May 3, 1857 (1857) ; A charge delivered to the clergy of the diocese of Rupert’s Land, at his primary visitation (1851) ; A charge delivered to the clergy of the diocese of Rupert’s Land, at his triennial visitation in July and December, 1853 (1854) ; A charge delivered to the clergy of the diocese of Rupert’s Land, at his triennial visitation, May 29, 1856 (1856) ; A charge delivered to the clergy of the diocese of Rupert’s Land, in St. John’s Church, Red River, at his triennial visitation, January 6, 1860 (1860) ; Children in stead of fathers : a Christmas ordination sermon, preached at St. John’s Church, Red River, on Sunday, December 25, 1853 (1854) ; The gospel in the regions beyond : a sermon preached in Lambeth Church, on Sunday, May 3, 1874, at the consecration of the bishops of Athabasca and Saskatchewan (1874) ; The heart given to God and the work : an ordination sermon, preached in the Cathedral of Christ Church, Oxford, on Sunday, December 21, 1856 (1857) ; The net in the bay, ; or, journal of a visit to Moose and Albany (1854 ; 2° éd., 1873 ; réimpr., [East Ardsley, Angl., et New York], 1967) ; Notes of the flood at the Red River, 1852 (1852) ; The seal of apostleship : an ordination sermon preached at St. Andrew’s Church, Red River, on Sunday, December 22, 1850 (1851) ; The truth and the conscience : an ordination sermon, preached at St. Andrew’s Church, Red River, on Sunday, July 21, 1861 (1861) ; The winner of souls : a New-Year ordination sermon, preached at Saint John’s Church, Red River, on Tuesday, January 1, 1856 (1856).

CMS Arch., C, C.1, Rupert’s Land inward, David Anderson à Henry Venn, 24 janv. 1850.— PAM, HBCA, A.11/96 : f.339d ; D.4/50 : 64 ; D.5/30 : ff.744–746 ; D.5/34 : f.235 ; D.7/1 : f.317 ; MG 2, C14, n°S 29, 32, 33, 43, 56, 120.— Somerset House (Londres), Probate Dept., testament de David Anderson, 7 janv. 1886.— USPG, E, 11, W. H. Taylor report, 12 nov. 1862 : 443–446.— G.-B., Parl., House of Commons paper, 1857, Report from the select committee on the HBC.— Nor’Wester, 1859–1869.— Boon, Anglican Church.— W. J. Fraser, « A history of St. John’s College, Winnipeg » (thèse de m.a., Univ. of Manitoba, Winnipeg, 1966).— William Knight, Memoir of Henry Venn, B.D., prebendary of St. Paul’s, and honorary secretary of the Church Missionary Society (nouv. éd., Londres, 1882).— Frits Pannekoek, « A probe into the demographic structure of nineteenth century Red River », Essays on western history : in honour of Lewis Gwynne Thomas, L. H. Thomas, édit. (Edmonton, 1976), 81–95 ; « Protestant agricultural missions in the Canadian west to 1870 » (thèse de m.a., Univ. of Alberta, Edmonton, 1970).— C. F. Pascoe, Two hundred years of the S.P.G. : an historical account of the Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts, 1701–1900 [...] (2 vol., Londres, 1901).— Eugene Stock, The history of the Church Missionary Society, its environment, its men and its work (4 vol., Londres, 1899–1916).— M. P. Wilkinson, « The episcopate of the Right Reverend David Anderson, D.D., first lord bishop of Rupert’s Land, 1849–1864 » (thèse de m.a., Univ. of Manitoba, 1950).— T. C. B. Boon, « The archdeacon and the governor : William Cockran and George Simpson at the Red River colony, 1825–65 », Beaver, outfit 298 (printemps 1968) : 41–49.— « Memorial of the late Bishop Anderson, of Clifton », Gloucestershire Notes and Queries (Londres), 3 (1887) : 603s.— Frits Pannekoek, « The Rev. Griffiths Owen Corbett and the Red River civil war of 1869–70 », CHR, 57 (1976) : 133–149.

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Frits Pannekoek, « ANDERSON, DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/anderson_david_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
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