McLEOD, SARAH (Ballenden), née en décembre 1818 dans Rupert’s Land, fille d’Alexander Roderick McLeod*, trafiquant de fourrures de la North West Company, et d’une sang-mêlé ; le 10 décembre 1836, elle épousa John Ballenden ; décédée le 23 décembre 1853 à Édimbourg.

Sarah McLeod était l’une des huit enfants d’Alexander Roderick McLeod et d’une « Indienne de la caste sang-mêlé » qu’il considérait comme son épouse légitime, puisque leur union avait été contractée à la façon du pays. McLeod entra au service de la Hudson’s Bay Company à titre de chef de poste au moment de la fusion de cette compagnie et de la North West Company en 1821. Sa fille, élevée dans les postes des districts du fleuve Mackenzie et de la Colombie, fut envoyée dans la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba) au cours des années 1830 pour y recevoir une certaine instruction. Elle fut confiée à la garde de l’agent principal John Stuart*, qui consentit à son mariage, à l’âge de 18 ans, avec John Ballenden, jeune commis de la Hudson’s Bay Company qui donnait de grandes espérances. La fiancée reçut de son père une dot de £350, et le mariage, célébré par le révérend William Cockran*, fut l’un des principaux événements sociaux qui se passèrent à la Rivière-Rouge en 1836. Ce mariage montrait que, malgré l’exemple que le gouverneur George Simpson et d’autres fonctionnaires de la Hudson’s Bay Company avaient donné en introduisant des femmes britanniques dans le milieu du commerce des fourrures, les jeunes sang-mêlé attrayantes qui adoptaient la culture des Blancs pouvaient encore espérer accéder à un rang social élevé en épousant les jeunes et beaux partis au service de la compagnie. Pour son choix, Ballenden reçut les félicitations d’un critique aussi sévère que le chef de poste James Hargrave*, qui déclara que Sarah était « une créature délicieuse » et que son mari avait « toutes les raisons de se considérer comme un homme heureux ».

Femme d’un jeune employé au brillant avenir, Sarah Ballenden mena une existence agréable à la Rivière-Rouge. Les sang-mêlé étaient plus facilement acceptées dans la société qu’elles ne l’avaient été pendant le séjour de Simpson dans la colonie au début des années 1830. On en eut la preuve en 1837 lorsque Sarah Ballenden donna à sa première fille le prénom d’Anne Christie, en l’honneur de la femme sang-mêlé du gouverneur Alexander Christie*. La famille partit pour Sault-Sainte-Marie (Sault Ste Marie, Ontario) en 1840, John Ballenden ayant été muté à cet endroit. La jeune femme souffrit beaucoup du mal du pays, mais elle chercha à s’occuper en recevant les visiteurs et en prenant soin de sa famille qui s’agrandissait. Quatre enfants, une fille qui mourut en bas âge et trois garçons, naquirent durant le séjour des Ballenden à Sault-Sainte-Marie.

En 1848, la joie que Sarah Ballenden avait ressentie en apprenant que son mari était réaffecté à la Rivière-Rouge en qualité d’agent principal fut assombrie lorsqu’il fut frappé d’apoplexie au cours du voyage vers l’ouest. Ce furent les soins attentifs de sa femme qui, dans une large mesure, lui permirent de se rétablir. Quand elle fut installée dans ses fonctions de châtelaine à Upper Fort Garry (Winnipeg), Sarah Ballenden se mit à jouer le rôle social qui convenait à la femme d’un agent principal. En 1849, le baptême d’une nouvelle fille, nommée Frances Isobel Simpson en l’honneur de la femme et de la sœur du gouverneur Simpson, fut décrit par Letitia Hargrave [Mactavish] comme « une fête magnifique avec du champagne en abondance ». La jeune et vive autochtone connaissait un tel succès dans la société que, selon James Bird, ses amis avaient prédit qu’elle était « destinée à donner à sa caste tout entière une influence sur les gens de l’endroit [qui serait] supérieure à celle des femmes européennes ».

En 1850, toutefois, Sarah Ballenden se retrouva au cœur d’un scandale qui eut de graves conséquences raciales et sociales. Il semble qu’un flirt imprudent avec le capitaine Christopher Vaughan Foss, officier venu avec des pensionnés du Royal Hospital de Chelsea, en Angleterre, et qui prenait ses repas au mess de la Hudson’s Bay Company à Upper Fort Garry, alimenta les commérages. Au milieu de 1849, le bruit avait couru que les rapports entre Sarah Ballenden et Foss étaient tels que son mari aurait eu des motifs de divorce. Des personnes nouvellement arrivées dans la colonie, qui s’offensaient de cette situation, comme Anne Rose Clouston et Margaret Anderson, sœur de l’évêque anglican David Anderson*, profitèrent de ces rumeurs pour provoquer la chute de Sarah Ballenden. Anne Rose Clouston qui, à l’automne de 1849, avait quitté la Grande-Bretagne pour épouser Augustus Edward Pelly, commis de la Hudson’s Bay Company, était vexée de devoir céder le pas à une femme qu’elle ne considérait pas comme son égale sous les rapports de la race et de la réputation. Elle propagea des ragots afin de discréditer Sarah Ballenden et demanda au gouverneur d’Assiniboia, le major William Bletterman Caldwell*, de condamner sa conduite immorale. Lorsque John Ballenden quitta la colonie pour quelque temps en juin 1850 afin d’assister à la réunion annuelle du conseil du département du Nord, des efforts concertés pour exclure sa femme de la société respectable furent menés par Caldwell, les Anderson, les Cockran, ainsi que par le chef de poste John Black* et sa femme. Sarah Ballenden demanda l’aide du recorder Adam Thom* et, quand Pelly et Black continuèrent de l’accuser publiquement, le capitaine Foss recourut aux tribunaux « pour laver la réputation d’une dame ». Il intenta un procès en conspiration diffamatoire contre les Pelly, John Davidson, maître d’hôtel au mess de la Hudson’s Bay Company, et sa femme anglaise, qui étaient à l’origine d’une grande partie des commérages. Le procès, qui dura trois jours, s’ouvrit le 16 juillet 1850 et mit à nu les tensions raciales qui, au sein de l’élite sociale de la colonie, opposaient les nouveaux arrivés de race blanche et les sang-mêlé ayant adopté leur culture. Au dire du chef de poste Robert Clouston, frère d’Anne Rose, il s’agissait d’une « lutte de sang ». De nombreux témoins furent entendus, mais il fut impossible de prouver que les accusations de relations adultères entre Sarah Ballenden et le capitaine Foss étaient fondées. Le jury rendit une décision favorable à Foss et les défendeurs durent verser des dommages-intérêts élevés.

Les Ballenden se retirèrent au paisible poste de Lower Fort Garry où ils furent reçus amicalement par le nouveau gouverneur adjoint de Rupert’s Land, Eden Colvile*. Malgré le résultat du procès, la réputation de Sarah Ballenden était considérablement ternie et, selon Colvile, les « aristos du genre féminin » continuèrent de l’éviter. À l’automne de 1850, Ballenden laissa sa femme et ses plus jeunes enfants au fort quand il obtint un congé pour aller recevoir des soins médicaux en Écosse. Le scandale éclata une nouvelle fois lorsqu’une note, que l’on prétendait avoir été envoyée par Mme Ballenden au capitaine Foss pour l’inviter à lui rendre visite au fort, fut interceptée et apportée à Colvile. Sarah Ballenden vit alors les Colvile lui tourner le dos, et Thom ainsi que ceux qui l’avaient défendue auparavant lui devinrent hostiles. Même si après avoir eu des doutes, son mari lui garda finalement sa loyauté et écrivit à Simpson qu’il n’existait « aucune preuve, malgré l’opinion contraire de M. Thom », les gens de la Rivière-Rouge dénigrèrent Sarah et l’évitèrent. En 1851, après la naissance de son huitième enfant, sa santé se détériora tellement qu’elle ne put accompagner son mari au fort Vancouver (Vancouver, Washington) où il avait été nommé. Alexander Ross, qui lui avait gardé son amitié, nota tristement : « S’il est vrai qu’on meurt d’un cœur brisé, elle ne peut vivre longtemps. » Après un hiver misérable à la Rivière-Rouge, elle alla se réfugier à Norway House, en 1852, auprès de la famille de l’agent principal George Barnston*. L’été suivant, Ballenden donna instructions à son neveu, Andrew Graham Ballenden Bannatyne*, d’emmener sa famille à Édimbourg où il allait se rendre, en quittant la région du Columbia, pour y passer un congé. La famille ne fut réunie que durant une courte période, car Sarah Ballenden mourut le 23 décembre 1853.

Le drame personnel de Sarah Ballenden, causé en grande partie par des rumeurs et des insinuations, montre comment la norme sociale, différente pour les hommes et les femmes, punissait ces dernières quand elles violaient le rigide code moral de l’époque. La controverse qui entoura sa disgrâce renforça également les préjugés raciaux contre les femmes autochtones et sang-mêlé. Joseph James Hargrave*, historien de la Rivière-Rouge, affirma : « Il est probable que jamais aucun cas soumis à la cour du recorder [...] n’a donné lieu à autant de ressentiment et de suites malheureuses que cette cause célèbre. »

Sylvia Van Kirk

APC, MG 19, A21, sér. 1.— GRO (Édimbourg), South Leith, Reg. of baptisms, marriages, and burials, 28 déc. 1853.— PABC, Add. mss 635.— PAM, HBCA, A.36/10 : fos 9–97 ; D.5 ; MG 2, B4-1, 1844–1851 : fos 181–214.— PRO, PROB 11/2257/667.— HBRS, 19 (Rich et Johnson).— J. J. Hargrave, Red River (Montréal, 1871 ; réimpr., Altona, Manitoba, 1977).— Van Kirk, « Many tender ties ».

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Sylvia Van Kirk, « McLEOD, SARAH (Ballenden) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mcleod_sarah_8F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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