GRANDMAISON, ÉLÉONORE DE (Boudier de Beauregard ; Chavigny de Berchereau ; Gourdeau de Beaulieu ; Cailhault de La Tesserie), seigneuresse, née vers 1620 à Clamecy, dans le Nivernais, en France, et décédée à Québec en 1692.

Elle était encore adolescente à son premier mariage, en France, avec Antoine Boudier de Beauregard, dont on sait peu de choses.

Devenue veuve très tôt, elle convola en secondes noces, probablement en 1640, avec François de Chavigny de Berchereau, né vers 1615. Ils passèrent en Nouvelle-France au printemps ou à l’été de l’année suivante. Dès décembre 1640, ils avaient reçu de la Compagnie de la Nouvelle-France des concessions de terres dans la ville et banlieue de Québec, ainsi qu’à Sillery, et une seigneurie sur la rive nord du Saint-Laurent, à 15 lieues de Québec. Ce fief fut cédé plus tard au gendre de Chavigny, Jacques-Alexis de Fleury* Deschambault, qui lui donna son nom. En 1647, la compagnie accordait encore à Chavigny une augmentation de ce fief. Le 24 juin de la même année, le gouverneur Huault de Montmagny lui concédait deux arpents de front sur la route du Cap-Rouge.— Enfin, en mars 1649, Olivier Letardif, au nom des seigneurs de l’île d’Orléans, concédait à Chavigny et à sa femme une seigneurie (qui prit plus tard le nom de fief Beaulieu) à la pointe ouest de l’île.

Chavigny était présent en mai 1649 avec Jean Bourdon, l’ingénieur en chef de la Nouvelle-France, lors de la signature du procès-verbal établi par le gouverneur Louis d’Ailleboust pour déterminer les limites du fief concédé aux Jésuites, à la Prairie-de-la-Magdelaine (aujourd’hui Laprairie, près de Montréal).

Le deuxième époux d’Éléonore de Grandmaison avait grand crédit auprès de M. de Montmagny, qui le choisit pour son remplaçant à la tête de la colonie pendant ses absences. Lors de la création, en 1648, du Conseil de Québec, Chavigny fut appelé à y siéger avec Robert Giffard et Jean-Paul Godefroy. Champenois comme Paul de Chomedey de Maisonneuve, Jeanne Mance et Marguerite Bourgeoys, il était leur ami et leur conseiller.

. Chavigny et sa femme vécurent d’abord à Sillery puis, dès 1645, dans le fief de Chavigny, ce qui dénote un courage certain : à cause de la menace iroquoise, personne à l’époque n’osait vivre loin de Québec. En 1648, ils déménageaient à l’île d’Orléans, qu’aucune femme blanche n’aurait encore habitée.

En 1651, François de Chavigny voulut retourner en France pour s’y faire soigner. Il mourut en mer. Éléonore de Grandmaison avait eu de Chavigny cinq filles et un fils, François*, qui accompagna Daumont de Saint-Lusson lors de sa prise de possession des territoires de l’Ouest au saut Sainte-Marie, en 1671.

Le 13 août 1652, le père Chaumonot bénissait, dans la chapelle de l’île d’Orléans, le mariage d’Éléonore de Grandmaison avec Jacques Gourdeau de Beaulieu. Fils d’un procureur du roi à Niort, au Poitou, né vers 1614, Gourdeau, que l’on trouve à Québec dès 1637, y fut greffier de la Sénéchaussée et, à partir de 1662, notaire. Gourdeau de Beaulieu fut assassiné le 29 mai 1663 par un de ses domestiques qui, pour cacher son crime, mit le feu à la maison.

Leur étaient nés quatre enfants, dont trois parvinrent à l’âge adulte : Antoine, contrôleur du castor au Bureau des Fermes ; Jacques*, seigneur de Beaulieu, et Jeanne-Renée, mariée en 1686 avec Charles Macard*, conseiller au Conseil souverain.

Éléonore convola en quatrièmes noces le 15 octobre 1663 avec Jacques de Cailhault de La Tesserie, né vers 1620, originaire de Saint-Herblain, près de Nantes. D’antique noblesse, les Cailhault étaient seigneurs de La Chevrotière, en France. Notable de la colonie, il fut successivement membre du Conseil de la traite et, de 1664 à sa mort, membre du Conseil souverain. En, 1666, Cailhault servit d’interprète aux pères Beschefer* et Bailloquet lors d’une ambassade au fort Orange (Albany). La même année, il découvrit une mine à la baie Saint-Paul, où l’avait envoyé l’intendant Talon. En 1668, il rendait foi et hommage pour le fief La Grossardière, situé dans l’île d’Orléans et voisin du fief Beaulieu. Il mourut en 1673. Son épouse devait lui survivre de près de 20 ans.

Éléonore paraît avoir été une femme d’affaires. En 1651, les restes de la nation huronne vinrent se réfugier à l’île d’Orléans, sous la conduite du père Chaumonot. Éléonore de Grandmaison leur loua des terres, où ils demeurèrent jusqu’en 1656. En octobre 1674, on la trouve poursuivant Louis Jolliet et d’autres au sujet d’une société pour le commerce au pays des Outaouais dont elle était actionnaire. Elle comparut aussi devant le Conseil souverain comme procuratrice de son dernier époux. Cependant, elle ne semble pas s’être enrichie. En 1679, l’intendant Duchesneau intercédait en sa faveur auprès du ministre en la qualifiant de « pauvre veuve ». Il ajoutait : « la demoiselle de la Tesserie [...] a des enfants et a très peu de bien ; son fils amé, nommé La Chevrotière, qu’on a voulu obliger plusieurs fois de courir dans les bois y a toujours résisté nonobstant sa pauvreté. »

Éléonore de Grandmaison mourut à Québec en février 1692. Elle fut l’aïeule, entre autres, de Jeanne-Charlotte de Fleury* Deschambault, épouse du dernier gouverneur de la Nouvelle-France, Pierre de Rigaud* de Vaudreuil de Cavagnial.

Jean-Jacques Lefebvre

JR (Thwaites), XI : 68, 278 ; XVIII : 255 ; XXVII : 311 s. ; XXVII : 92.— Jug. et délib., I : 20, 118, 196, 863 ; passim.— P.-G. Roy, Inv. concessions.— L.-E. Bois, L’Ile d’Orléans (Québec, 1895).— P.-G. Roy, La Famille de Chavigny de la Chevrotière (Lévis, 1916) ; François de Chavigny de Berchereau, BRH, XXI (1915) : 311–317 ; L’Ile d’Orléans (Québec, 1928).— Sulte, Hist. des Can. fr., II : 80 ; passim.— Tanguay, Dictionnaire, I : 163, 186, 279.— L.-P. Turcotte, Histoire de l’île d’Orléans (Québec, 1867).

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Jean-Jacques Lefebvre, « GRANDMAISON, ÉLÉONORE DE (Boudier de Beauregard ; Chavigny de Berchereau ; Gourdeau de Beaulieu ; Cailhault de La Tesserie) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/grandmaison_eleonore_de_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    1986
Date de consultation:    1 décembre 2024