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DAUMONT DE SAINT-LUSSON, SIMON-FRANÇOIS, officier des troupes, explorateur, décédé après le 11 novembre 1677.
Il arrive à Québec vraisemblablement en 1663, en compagnie du commissaire enquêteur Gaudais-Dupont. En janvier 1664, il obtient une terre du fief Hébert, près de Beauport, au sujet de laquelle il aura des démêlés en justice de 1668 à 1671.
Le 3 septembre 1670, l’intendant Talon le nomme commissaire subdélégué « pour la recherche de la mine de cuivre au pays des Outaouas, Nez-Percés, Illinois, et autres nations découvertes et à découvrir en l’Amérique Septentrionale du côté du lac Supérieur ou mer Douce ». C’est l’étude systématique du pays qu’on entreprend, à la suite des récits rapportés par les premiers voyageurs et des données fournies par les premiers explorateurs Cavelier de La Salle, Bréhant de Galinée, Dollier* de Casson, Adrien Jolliet et Marquette. En effet, Daumont de Saint-Lusson, en plus de sonder la mine de cuivre du lac Supérieur, devra tenter de découvrir le passage du Nord-Ouest en direction septentrionale, tandis que La Salle est chargé de se diriger vers la mer du Sud. C’est la riposte de Talon à l’expansion des Anglais à la baie d’Hudson.
Saint-Lusson, accompagné de l’interprète Nicolas Perrot*, part de Montréal en octobre 1670, par l’Outaouais, le lac Nipissing, la rivière des Français et les Grands Lacs ; il débarque au village de Sainte-Marie-du-Sault où les Jésuites entretiennent une mission assez prospère. Le 4 juin 1671, il fait rassembler toutes les nations amérindiennes qu’on peut atteindre : il s’en trouve 14.
Devant cette importante réunion de nations et quelques notables français se déroule une cérémonie aux conséquences diplomatiques considérables. L’interprète Perrot, au nom du roi de France, commence, en langue amérindienne, la lecture du document qui scelle la prise de possession de cet immense territoire découvert et à découvrir qui va des mers du Nord et de l’Ouest à celle du Sud. On fait ensuite dresser une croix « pour y produire les fruits du Christianisme » et, tout à côté, un poteau de cèdre portant les armes de France. Aux acclamations répétées de « Vive le Roi » poussées par la foule tant française qu’amérindienne, par trois fois, en un geste symbolique, on soulève « un gazon de terre ». Désormais cette partie de continent appartient au roi de France et ces 14 nations relèvent de Sa Majesté, sont assujetties à ses lois et à ses coutumes. En retour, elles peuvent compter sur sa protection. Les Français entonnent le Vexilla Regis à la grande admiration des Amérindiens. Puis le père Allouez fait une harangue aux Amérindiens à qui il vante la puissance de Louis XIV, « Capitaine des plus grands Capitaines ». Daumont de Saint-Lusson prend aussi la parole et s’exprime « d’une façon guerriere & eloquente ». Le soir, on allume un beau feu de joie, on échange, des présents et on chante le Te Deum pour remercier Dieu, au nom des Amérindiens, d’avoir fait d’eux « les sujets d’un si grand, & si puissant monarque ».
Des Hurons et des Outaouais, arrivés en retard pour la cérémonie, prêtent également allégeance à Louis XIV. Le voyage officiel de Saint-Lusson, qui n’a rien coûté au roi de France et qui lui a procuré, assez symboliquement d’ailleurs, un morceau d’empire, marque en fait le début des explorations dirigées qui mèneront à la baie du Nord, au golfe du Mexique et aux montagnes Rocheuses.
Sitôt de retour à Québec, à la fin de l’été 1671, Saint-Lusson est de nouveau envoyé en mission, chargé de poursuivre l’établissement d’une voie de communication entre Québec, Pentagouet (Castine, Maine) et Port-Royal, et d’examiner un gisement de cuivre en Acadie. Il revient le 11 novembre suivant, à demi mort : « le sr de st Lusson retourne de Pentagouet, rapporte Talon au ministre, Mais si abatu de la fatigue de son voiage et si affoibly par la faim qu’il a souffert, que je doute qu’il puisse aller en france ou je serois bien aise qu’il passast pour avoir lhonneur de vous informer luy mesme de ce qu’il a vû dans les rivieres de Pemcuit det Kinibiki ». Aussi l’intendant en profite-t-il, après avoir vanté le courage et le dévouement de l’explorateur, pour solliciter en sa faveur un poste à Québec ou en Acadie.
Cependant, Saint-Lusson a vite fait de se rétablir puisqu’il s’embarque peu après sur le Saint-Jean-Baptiste, à destination de Dieppe. Il y arrive en janvier 1672, avec des souvenirs exotiques : « un orignal vivant, âgé d’environ six mois, un renard & douze grandes outardes, qu’il s’empressa d’aller présenter au Roi ».
Le 3 novembre de la même année, on lui concède la seigneurie de l’île aux Lièvres, dans la région du bas Saint-Laurent.
Le 31 décembre suivant, il est déjà revenu en Nouvelle-France, puisqu’il est présent au contrat de mariage de Jean Demosny et de Catherine Fol, à Québec.
Que devient-il par la suite ? On sait uniquement qu’il retourna, à une date inconnue, dans la métropole d’où, au printemps de 1677, il se préparait à réintégrer la colonie, comme le révèle la correspondance de l’abbé Dudouyt avec Mgr de Laval*. En effet, le 12 mai, M. Dudouyt écrit de Paris : « Saint-Lusson se dispose à repasser en Canada sans scavoir ce qu’il y fera. Japrehende semblablemen qu’il ne soie ce qu’il a été ». Dans une autre lettre, il note : « Monsieur de st Lusson repasse en canada ne scassant icy de quel bois faire fleche Je ne vois pas de changement en sa conduite, il dit qu’il veut vivre autrement qu’il n’a fait. » Ces commentaires, moins flatteurs que ceux de l’intendant, semblent justifier une remarque énigmatique de Bacqueville de La Potherie [Le Roy*], au sujet de l’expédition de Saint-Lusson à Sainte-Marie-du-Sault : « sa conduite fut si irrégulière dans cette entreprise, écrit La Potherie, pour ne rien dire de plus fort, que je me contenterai de rapporter qu’on le fit passer dans la Cadie pour le renvoyer en France. »
Sur la famille de Saint-Lusson, il n’existe qu’une information confuse et fragmentaire. D’après la lettre de Talon au ministre du 11 novembre 1671, Saint-Lusson, à cette époque, a une épouse et une fille en France, ainsi qu’une autre fille dans la colonie. Celle-ci est probablement cette « Magdeleine daumont st Lusson » dont la signature apparaît sur le contrat de mariage de Demosny, et qui est mentionnée dans l’Armorial de France de d’Hozier comme étant la fille de Simon-François Daumont de Saint-Lusson et de Marguerite La Verge.
Par ailleurs, le Dictionnaire de Tanguay donne Marguerite Bérin comme nom de l’épouse de Saint-Lusson. L’explorateur se maria-t-il deux fois ? On peut se le demander. Nous savons toutefois que Saint-Lusson et Marguerite Bérin ont eu un fils, Jean-Baptiste, né le 24 juin 1673 dans la paroisse Notre-Dame de Québec. Quoi qu’il en soit, cette Marguerite Bérin ne doit pas être confondue, comme on l’a fait souvent, avec son homonyme, Marguerite Berrin, qui épousa Julien Bouin le 2 juillet 1675 : à cette date Saint-Lusson était encore vivant et, par ailleurs, Marguerite Berrin ne fut jamais veuve de Julien Bouin qui lui survécut et se remaria en juillet 1684.
ASQ, Lettres, N, 482e, p. 10 ; S, 93, p. 5.— Coll. de manuscrits relatifs à la Nouv.-France, I : 213, 217s.— Correspondance de Talon, RAPQ, 1930–31 : 159, 165 et passim.— Découvertes et Établissements des Français (Margry), I : 87s., 92–99.— JR (Thwaites), LV : 104–114.— Jug. et délib., I, III.— La Potherie, Histoire, II : 124–130.— NYCD (O’Callaghan and Fernow), IX : 74, 803s. et passim.— Perrot, Mémoire (Tailhan), 126–128, 290–295.— P.-G. Roy, Inv. Concessions, II : 274s. ; III : 116.— BRH, XLVI (1940) : 159s.— Delanglez, Jolliet.— Faillon, Histoire de la colonie française, III : 307–309.— Ernest Gagnon, Louis Jolliet, découvreur du Mississipi et du pays des Illinois, premier seigneur de l’île d’Anticosti (Montréal, 1946), 48–59.— Godbout, Nos ancêtres, RAPQ, 1959–60 : 325.— Lionel Groulx, Notre grande aventure : l’empire français en Amérique du Nord (1535–1760) (Montréal et Paris, [1958]).— L.-P. d’Hozier et A.-M. d’Hozier de Sérigny, L’Armorial général, ou registres de la noblesse de France (6 registres en 10 vol., Paris, 1738–68).— P.-G. Roy, Jean Peré et Pierre Moreau dit la Taupine, BRH, X (1904) : 219.— Benjamin Sulte, Les Français dans l’Ouest en 1671, MSRC, XII (1918), sect. i : 1–31.— Tanguay, Dictionnaire.
Bibliographie de la version révisée :
Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de Québec, CE301-S1, 24 juin 1673 ; CN301-S95, 11 nov. 1677.
Léopold Lamontagne, « DAUMONT DE SAINT-LUSSON, SIMON-FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/daumont_de_saint_lusson_simon_francois_1F.html.
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Auteur de l'article: | Léopold Lamontagne |
Titre de l'article: | DAUMONT DE SAINT-LUSSON, SIMON-FRANÇOIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 2015 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |