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ALLOUEZ, CLAUDE, prêtre, jésuite, missionnaire et explorateur, né à Saint-Didier-en-Forez le 6 juin 1622, décédé dans la nuit du 27 au 28 août 1689, chez les Miamis, près de Niles, au Michigan.
Claude Allouez a 17 ans quand, le 22 septembre 1639, il entre au noviciat de Toulouse. Il étudie la rhétorique (1641–1642) et la philosophie (1642–1645) au collège de Billom, où il est ensuite professeur (1645–1651) ; il fait sa théologie à Toulouse (1651–1655), sa troisième année de probation à Rodez (1655–1656) ; enfin, il est prédicateur à Rodez jusqu’à son départ pour le Canada.
Le Journal des Jésuites signale son arrivée à Québec le 11 juillet 1658. Il se livre d’abord à l’étude du huron et de l’algonquin. Le 19 septembre 1660, il part de Québec pour aller occuper le poste de supérieur à la résidence de Trois-Rivières. En 1663, il est nommé par Mgr de Laval* vicaire général pour cette partie du diocèse de Québec qui constitue maintenant le centre des États-Unis. Par suite d’un malentendu, il manque le départ de 1664, mais il est plus heureux l’année suivante. Ce premier voyage, dont la Relation de 1667 nous a gardé le souvenir, fut pénible entre tous, et nous permet de mesurer la grandeur d’âme du père Allouez. Méprisé par les Outaouais, qui ne désiraient pas sa présence au milieu d’eux, abandonné au bord d’un lac comme un poids mort et embarrassant, il se réfugie dans la prière : « Dans cette desolation, je me retiray dans le bois, & apres avoir remercié Dieu, de ce qu’il me faisoit connoistre sensiblement le peu de chose que je suis, j’advoüay devant sa divine Majesté, que je n’estois qu’un fardeau inutile sur la terre. Ma prière achevée, je retournay au bord de l’eau, ou je trouvay l’esprit de ce Sauvage, qui me rebutoit avec tant de mépris, tout changé : car luy mesme, il m’invita à monter en son Canot ; ce que je fis bien promptement, de peur qu’il ne changeast de resolution. » Le reste du voyage lui réservait encore bien des fatigues et des humiliations ; malhabile à manier l’aviron, il dut porter seul dans les 36 portages ses effets personnels : quelques livres, un autel portatif, une provision de vin de messe pour deux ans, etc.
Le 1er octobre, il arrivait à la pointe du Saint-Esprit, et en faisait le centre de son apostolat. L’humble chapelle d’écorce qu’il y éleva était la seule existant alors à l’ouest de la baie Georgienne et même à l’ouest de Montréal. Il réunit les Hurons chrétiens qui n’avaient pas vu de Robe Noire depuis le désastre de 1649. Il instruisit les païens de quelque dix nations qui habitaient ces lieux. En 1667, il se rend au lac Nipigon pour la consolation des Népissingues chrétiens. C’est à lui que revient l’honneur d’avoir célébré la première messe dans les limites du diocèse actuel de Fort William. La même année et deux ans plus tard, en 1669, il descend à Québec, en quête d’ouvriers apostoliques. Mais il ne s’attarde pas ; et, quelques jours après son arrivée, il est déjà sur le chemin du retour.
Quand, en 1671, Daumont de Saint-Lusson prit possession des régions de l’Ouest, au nom du roi de France, c’est le père Allouez qui prononça le discours de circonstance. Nul n’était mieux qualifié pour le faire, tant par le prestige dont il jouissait auprès des nations indiennes que par la facilité avec laquelle il parlait leurs langues et par son genre d’éloquence qui ravissait les auditeurs. On aura une idée des travaux du père Allouez en considérant qu’il a sillonné en tous les sens la région des grands lacs Huron, Supérieur, Érié, Michigan : 3 000 milles de pays sauvage, où ses ouailles se trouvaient dispersées et errantes ; 23 nations, de races, de langues et de mœurs différentes, d’après le témoignage de son supérieur, le père Dablon. On estime que, en ses 24 ans d’apostolat missionnaire, il a baptisé de sa main quelque 10 000 néophytes.
L’œuvre écrite du père Allouez est considérable et importante. Les Relations de 1667 à 1676 nous ont conservé de larges extraits de son journal. On lui a attribué toutefois un document qui ne lui appartient pas en entier. Dans ses Découvertes et Établissements des Français, Pierre Margry a publié, sous la foi du père Dablon, un document intitulé : Sentiments du P. Claude Allouez. Ces notes, écrites de la main du père Allouez, ont été trouvées dans ses papiers après sa mort et envoyées au supérieur de Québec. Celui-ci les a attribuées au père Allouez et on a continué de le faire jusqu’ici. Une étude attentive nous permet de mettre en doute l’attribution de tout cet écrit au père Allouez. Dans leur presque totalité, et parfois ad litteram, elles se trouvent dans les Divers sentiments et avis, qui terminent la Relation de 1635. Le père Allouez avait copié de sa main ce document d’une haute valeur spirituelle et apostolique ; et il eut ainsi pour guide jusqu’à la fin de sa vie le portrait du missionnaire idéal. Le père Dablon est bien excusable de n’avoir pas eu présents à la mémoire en 1690 ces textes de la Relation de 1635. Mais son erreur d’attribution est le plus bel éloge qu’il pouvait adresser au père Allouez : celui d’avoir vérifié dans sa vie les traits essentiels du missionnaire parfait.
Contemporain et collaborateur des géants de l’apostolat que furent Jacques Marquette et Claude Dablon, Claude Allouez ne leur est inférieur en rien. On a même affirmé, et c’est aussi notre sentiment, qu’il fut le plus grand missionnaire de la génération qui suivit celle des saints Martyrs. « Dans l’État du Wisconsin, écrit le père Gilbert Garraghan, les premiers travaux missionnaires se rattachent à la personne du père Claude Allouez. À la baie Chequamegon, à De Pere, près du moderne Ashland et en différents endroits de l’intérieur, il a établi des postes de mission, qui sont devenus autant de centres de rayonnement de la civilisation chrétienne. Sa nomination par Mgr de Laval, en 1663, comme vicaire-général marque le premier pas vers l’organisation de l’Église dans le centre des États-Unis. Nous lui devons nos plus anciennes connaissances sur les peuples illinois. Dans l’histoire des débuts du Wisconsin, aucun autre n’a atteint à une pareille grandeur. Si le nom de Jacques Marquette occupe une place exceptionnelle par son vibrant appel au sentiment et à l’imagination historique, Claude Allouez mérite d’être vénéré comme celui qui, le premier, implanta solidement le christianisme dans ce qui est maintenant le centre de la grande république américaine. »
Les États-Unis, et le Wisconsin en particulier, ont toujours gardé en vénération la mémoire du père Allouez. En 1899, la Société historique du Wisconsin lui élevait, à De Pere, un monument. Il est intéressant de constater que le secrétaire de cette société était alors Reuben Gold Thwaites, l’incomparable compilateur de la collection The Jesuit Relations and Allied documents.
Découvertes et Établissements des Français (Margry) I 58–72.— JJ (Laverdière et Casgrain).— JR (Thwaites).— Campbell, Pioneer priests, I : 119, 121, 147–164.— Delanglez, Jolliet.— Gilbert J. Garraghan, The Jesuits of the middle United States (3 vol., New York, 1938), I : 3s.— Francis Nelligan, The visit of Father Allouez to Lake Nipigon in 1667, CCHA Report, 1956 :41–62.— Léon Pouliot, La part du P. Claude Allouez dans les « sentiments » qui lui sont attribués, RHAF, XV (1961–62) : 379–395.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, II : 353s.
Léon Pouliot, « ALLOUEZ, CLAUDE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/allouez_claude_1F.html.
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Auteur de l'article: | Léon Pouliot |
Titre de l'article: | ALLOUEZ, CLAUDE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |