WIKINANISH (Huiquinanichi, Quiquinanis, Wickananish, Hiyoua), chef nootka et trafiquant de fourrures, dont le nom, orthographié wikinaniš dans la langue originale, signifie « qui n’a personne en avant de lui dans le canot » et laisse entendre que, comme descendant d’une longue lignée de chefs qui eurent des garçons comme premiers-nés, il était, en qualité de chef, l’héritier direct de son père ; circa 1788–1793.
Wikinanish fut le chef le plus en vue de la baie de Clayoquot, sur la côte ouest de l’île de Vancouver, pendant la période marquée par les premiers contacts avec les Européens et par la traite des fourrures marines. Les journaux des capitaines européens qui visitèrent la région, de 1788 à 1818, font mention d’un certain Wikinanish. Il s’agit probablement de plusieurs individus qui, successivement, portèrent le même nom. On rapporta, par exemple, que Wikinanish, en 1792, donna son nom à son fils aîné et prit quant à lui le nom de Hiyoua (hayuˀa, dix [baleines] sur les rochers).
Moins bien connu que Muquinna, le chef de la baie de Nootka, Wikinanish, néanmoins, fut probablement plus riche et, partant, plus puissant que son voisin. Parce que les navires européens visitaient moins souvent la baie de Clayoquot que celle de Nootka et que la première ne fut pas au centre de la rivalité entre la Grande-Bretagne et l’Espagne, on accorda à Wikinanish moins d’attention qu’à Muquinna dans les récits relatifs à la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord. Il semble aussi que les relations aient été souvent moins cordiales avec Wikinanish qu’avec Muquinna. Les situations tendues, parfois marquées de violence, n’étaient pas rares entre les trafiquants de fourrures et les Indiens de la baie de Clayoquot. En 1790, un des premiers visiteurs, James Colnett*, craignant qu’on eût attaqué sa chaloupe, tint en otage le frère de Wikinanish pendant qu’il enquêtait sur l’affaire. Naturellement, ce geste irrita les Indiens qui, quelques semaines plus tard, lancèrent une attaque contre le navire de Colnett. Ils attaquèrent de même, à l’occasion, d’autres navires de traite et, en février 1792, on brûla l’un de leurs villages en guise de représailles. Ces relations difficiles tendaient à décourager les visites d’Européens, malgré la puissance et l’influence de Wikinanish.
À l’instar d’autres leaders dans le domaine de la traite, Wikinanish avait déjà acquis, selon les normes traditionnelles, une situation éminente dans la société indienne ; à l’arrivée des Blancs, il put consolider et étendre sa domination, grâce à la mainmise sur la traite des fourrures dans cette région. Il put diriger la traite à la baie de Clayoquot, en tirant parti, en particulier, de la concurrence entre les navires étrangers, de manière à faire monter les prix des fourrures et à accroître du même coup sa fortune personnelle. Il agit aussi à titre d’intermédiaire entre les Européens et les autres groupes indiens des alentours. Des trafiquants arrivaient, remplis d’espoir, dans les autres villages, et découvraient que les agents de Wikinanish y étaient déjà passés et avaient raflé les fourrures. En empêchant, par la force quand c’était nécessaire, les Indiens d’autres groupes de traiter directement avec les équipages des navires, Wikinanish pouvait inclure son propre bénéfice dans le prix des fourrures. Les capitaines reconnurent sa puissance et son influence. Bien que sans doute exagérées, les estimations du nombre d’hommes que Wikinanish pouvait commander donnaient un chiffre aussi élevé que 4 000 à 5 000. Selon John Meares*, l’un des premiers Européens à avoir visité la côte, « le pouvoir de Wicananish et le territoire qu’il dominait étaient si grands qu’il était fort de [leur] intérêt de gagner son estime et de cultiver son amitié ».
Comme le laisse entendre Meares, dans sa remarque, Wikinanish exerçait son pouvoir sur les autres groupes nootkas de la côte ouest de l’île de Vancouver. En présentant Wikinanish comme « l’Empereur de toute la côte [...], des détroits de Fuca aux îles Charlotte », Peter John Puget, qui visita la côte avec Vancouver en 1792 et en 1793, exagère probablement. Mais Wikinanish avait défait plusieurs groupes indigènes de la région de la baie de Clayoquot, parfois en leur infligeant de nombreuses pertes de vie. Muquinna lui-même, au nord, jugeait nécessaire de se maintenir dans ses bonnes grâces. La fille de Muquinna, Apânas, fut promise au fils aîné de Wikinanish et, quand ses rapports avec les Espagnols, à la baie de Nootka, faillirent dégénérer en violence en 1789, Muquinna sollicita la protection de Wikinanish. Ces gestes, néanmoins, n’eurent pas entièrement raison de la rivalité existant entre les deux grands leaders.
PRO, Adm. 55/17.— The journal and letters of Captain Charles Bishop on the north-west coast of America, in the Pacific and in Nex, South Wales, 1794–1799, Michael Roe, édit. (Cambridge, Angl., 1967).— Journals of Captain James Cook (Beaglehole), I ; II.— Meares, Voyages.— J. M. Moziño Suárez de Figueroa, Noticias de Nutka : an account of Nootka Sound in 1792, I. H. Wilson, trad. et édit. (Seattle, Wash., 1970).— Camille de Roquefeuil, A voyage round the world between the years 1816–1819 (Londres, 1823), 28, 93–99.— G. Vancouver, Voyage of discovery (J. Vancouver).— Voyages of « Columbia » (Howay).— Cook, Flood tide of empire.— Philip Drucker, The northern and central Nootkan tribes (Washington, 1951).— Robin Fisher, Contact and conflict : Indian-European relations in British Columbia, 1774–1890 (Vancouver, 1977).
Robin Fisher, « WIKINANISH (Huiquinanichi, Quiquinanis, Wickananish, Hiyoua) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/wikinanish_4F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |