MUQUINNA (Macuina, Maquilla, Maquinna ; ce nom s’écrit mukwina selon l’orthographe nootka et signifie possesseur de cailloux), chef nootka sur la côte ouest de ce qui est maintenant l’île de Vancouver, Colombie-Britannique ; sa vie active, semble-t-il, s’étendit de 1786 jusqu’au cours de la seconde décennie du xixe siècle.

Durant les premières années de la présence des Européens sur la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord, il y eut une série de chefs nommés Muquinna parmi le groupe d’Indiens qui vivait sur les rives de la baie de Nootka (Colombie-Britannique) et qui avait un village d’été à Yuquot (endroit que les visiteurs blancs appelaient anse Friendly). Selon certaines sources, il semble qu’en 1795 un dénommé Muquinna* mourut et qu’un autre homme prit à la fois son nom et le poste de chef. Le trafiquant de fourrures Charles Bishop, présent à la baie de Nootka cette année-là, observa que Muquinna l’ancien était très malade. Se trouvant à la baie Clayoquot quelques semaines plus tard, Bishop nota dans son journal que Wikinanish*, le chef de l’endroit, l’avait informé de la mort de Muquinna. Aucune autre source connue n’est venue corroborer cette affirmation. En 1786, Alexander Walker*, s’étant rendu à la baie de Nootka avec l’expédition de James Charles Stuart Strange*, avait noté que Muquinna l’ancien était « aveugle par l’effet de l’âge » et que Muquinna le jeune assumait déjà le rôle de chef. Walker décrivit celui-ci comme « un jeune homme vigoureux et de bonne apparence avec un bel air viril » et ajouta qu’il était « la personne la plus intelligente que [les membres de l’expédition avaient] rencontrée » à la baie de Nootka. Bien que ses dates de naissance et de décès ne soient pas connues, il ne fait aucun doute qu’un Indien du nom de Muquinna était un important leader et chef pratiquant la traite, à la baie de Nootka durant les dernières années du xviiie siècle et au début du xixe siècle. Ses activités ont été rapportées par Camille de Roquefeuil, qui se trouvait à la baie de Nootka en 1817. Le nom de Muquinna fut mentionné à nouveau en 1837, mais il est évident qu’il s’agissait d’une autre personne ; ce nom a été utilisé jusqu’à nos jours par les chefs du groupe moachat des Indiens nootkas.

Lorsque Roquefeuil arriva à la baie de Nootka en 1817, les Indiens de l’endroit n’exerçaient déjà plus une influence prédominante dans la région. Durant leur meilleure période, celle de la fin des années 1780 et du début des années 1790, ils avaient eu la haute main sur le commerce des fourrures marines et étaient devenus riches et puissants. Les dispositions de la convention de Nootka en 1790 avaient provoqué le retrait de l’établissement espagnol de l’anse Friendly en 1795. Les gens de Muquinna réaffirmèrent leur prédominance en enlevant tout ce qui restait des édifices espagnols et en reconstruisant leurs propres maisons d’été. Pendant quelques années, les trafiquants de fourrures continuèrent de s’y rendre, mais le commerce des fourrures marines allait bientôt se déplacer au delà de la baie de Nootka, ce qui rendit plus pauvres et plus faibles les Indiens de Yuquot. Le déclin de leur prospérité dut causer de fortes tensions parmi eux, et, comme il appartenait aux chefs indiens de la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord d’assurer la subsistance des leurs, la pression exercée sur Muquinna fut sans doute considérable.

C’est peut-être cette pression, de même que le désir de venger les anciens affronts des Européens, qui fut à l’origine de l’attaque menée en mars 1803 contre le Boston, navire affecté au commerce des fourrures. Ce dernier mouillait dans la baie de Nootka depuis plusieurs jours lorsqu’une querelle éclata entre le capitaine, John Salter, et Muquinna, à propos d’un fusil défectueux. Les Indiens se lancèrent à l’attaque, qui sera couronnée de succès, et détruisirent le navire. Les seuls membres d’équipage qui eurent la vie sauve furent l’armurier John Rodgers Jewitt* et le voilier John Thompson, lequel fut épargné lorsque Jewitt intercéda en sa faveur. Comme l’armurier possédait des talents précieux aux yeux de Muquinna, surtout en cette période où la prédominance de son groupe diminuait, Jewitt fut, durant les deux années suivantes, l’esclave du chef et il fabriqua pour lui divers objets, notamment des dagues. À Boston en 1807, Jewitt fit paraître A journal, kept at Nootka Sound [...], document unique qui donne un aperçu important du mode de vie des Nootkas. Il décrivit les tournées faites quotidiennement en vue de cueillir la nourriture, ainsi que les déménagements annuels entre le village d’été de Yuquot et le village d’hiver de Tahsis. À certains égards, la vie des Nootkas continua d’être ce qu’elle avait toujours été, mais, de toute évidence, des nuages s’amoncelaient à l’horizon pour les Indiens et leur chef.

En 1803, Muquinna était encore un chef riche et puissant : Jewitt signale qu’il organisa un potlatch au cours duquel il distribua une grosse quantité de biens, dont 200 mousquets et 7 barils de poudre à canon. Mais Jewitt raconte aussi comment la vie de Muquinna était menacée par des Indiens qui s’irritaient de ce que les trafiquants de fourrures ne venaient plus à la baie de Nootka. Muquinna s’inquiétait également de la possibilité que les Européens veuillent se venger de l’attaque contre le Boston. Lorsque Wikinanish offrit d’acheter Jewitt, Muquinna refusa en alléguant, semble-t-il, que le captif allait servir d’intermédiaire lors de la prochaine visite d’un navire de traite dans la baie de Nootka. L’équipage de ce navire, le Lydia, qui arriva finalement en 1805, prit Muquinna en otage pour Jewitt et Thompson, et cette capture temporaire amoindrit encore son prestige. Les Indiens étaient en grand désarroi, « disant que leur chef était l’esclave des Blancs ». Certains visiteurs venus par la suite déclarèrent que les Indiens avaient accueilli comme une insulte le fait que le commerce des fourrures marines ne se faisait plus sur leur territoire. L’affront doit sans doute avoir fait tort particulièrement à la réputation du chef, de telle sorte que Muquinna le jeune connut probablement un climat de tension et beaucoup de difficultés dans les dernières années où il fut chef à la baie de Nootka.

Robin Fisher

National Library of Scotland (Édimbourg), Dept. of mss, ms 13780 (une copie du compte rendu d’Alexander Walker préparée en vue de la publication).— Edward Belcher, Narrative of a voyage round the world, performed in her majesty’s ship Sulphur, during the years 1836–42 [...] (2 vol., Londres, 1843 ; réimpr., Folkestone, Angl., 1970).— Charles Bishop, The journal and letters of Captain Charles Bishop on the north-west coast of America, in the Pacific and in New South Wales, 1794–99, Michael Roe, édit. (Cambridge, Angl., 1967).— J. R. Jewitt, A journal, kept at Nootka Sound [...] (Boston, 1807 ; réimpr., New York, 1976).— Samuel Patterson, Narrative of the adventures and sufferings of Samuel Patterson [...] (Palmer, Mass., 1817 ; réimpr., Fairfield, Wash., 1967).— Camille de Roquefeuil, A voyage round the world, between the years 1816–1819 (Londres, 1823).— Cook, Flood tide of empire.— Philip Drucker, The northern and central Nootkan tribes (Washington, 1951).— R. [A.] Fisher, Contact and conflict : Indian-European relations in British Columbia, 17741890 (Vancouver, 1977).— Jean Braithwaite et W. J. Folan, « The taking of the ship Boston : an ethnohistoric study of Nootkan-European conflict », Syesis (Victoria), 5 (1972) : 259–266.

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Robin Fisher, « MUQUINNA (circa 1786-1817) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/muquinna_1786_1817_5F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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