ELIZA Y REVENTA, FRANCISCO DE, officier de marine et explorateur, né en 1759 à El Puerto de Santa Maria, Espagne ; il épousa Saturnina Norberta Caamaño ; décédé le 19 février 1825 à Cadix, Espagne.
Francisco de Eliza y Reventa commença sa carrière comme garde-marine en décembre 1773. Il prit part à l’expédition espagnole de 1775 contre Alger (Algérie) et, en 1780, il fut envoyé en Amérique où il participa plus tard au siège de Pensacola (Floride), pendant la guerre d’Indépendance américaine. En 1789, alors qu’il était premier lieutenant sur un bateau de guerre, il fut dépêché à San Blas (état de Nayarit, Mexique) avec son beau-frère, Jacinto Caamaño, et plusieurs autres officiers, afin de renforcer la présence de la marine espagnole sur la côte du Pacifique. Eliza étant l’officier le plus haut gradé disponible à San Blas, il fut désigné en 1790 par le vice-roi, le comte de Revilla Gigedo, pour prendre la tête d’une expédition chargée de réoccuper la baie Nootka (Colombie-Britannique), abandonnée depuis la crise qu’avait provoquée la saisie de navires marchands britanniques par Esteban José Martinez* l’année précédente. Même si l’Espagne ne voulait pas que les agressions commises par Martinez se reproduisent sans raison valable, on avait donné instructions à Eliza de chasser tous les étrangers se trouvant à Nootka. En plus d’occuper et de fortifier cet endroit, il devait recueillir des renseignements sur la flore et la faune, procéder à des expériences météorologiques, prélever des échantillons de minerai et troquer des feuilles de cuivre mexicain contre des peaux de loutre marine. Enfin, tâche tout aussi importante, il devait établir des relations amicales avec les Indiens et étudier leur organisation sociale.
Eliza arriva le 3 avril 1790 à l’anse Friendly, dans la baie Nootka, ayant sous ses ordres les vaisseaux Concepción, San Carlos et Princess Royal (rebaptisé Princesa Real). On entreprit alors sérieusement d’assurer la souveraineté espagnole. Faisaient partie de l’expédition 76 soldats de la 1e compagnie libre des volontaires de Catalogne, commandée par Pedro de Alberni*. Les soldats et les marins construisirent des bâtiments, cultivèrent des potagers et bâtirent un fortin capable de résister aux attaques. L’exploration venait en priorité et, dès le 4 mai 1790, Eliza envoya Salvador Fidalgo visiter les postes russes de l’Alaska, tandis que le 31 mai Manuel Quimper fut chargé d’explorer le détroit de Juan de Fuca considéré comme l’entrée la plus plausible du légendaire passage qui traversait le continent et atteignait l’Atlantique.
Eliza fit tout son possible pour préparer l’établissement à un long hiver, qui se révéla difficile. Se souvenant de l’assassinat du chef Callicum par les Espagnols l’année précédente, les Indiens ne se montrèrent guère accueillants. Les tentatives des Espagnols pour se procurer du bois de charpente donnèrent lieu à quelques incidents et au vol pur et simple de planches aux maisons d’Indiens nootkas. Une autre fois, cinq Indiens furent tués au moment où ils tentaient de voler quelques barriques. En dépit de ces événements susceptibles d’aggraver la situation, Eliza parvint à améliorer les relations avec les Indiens du chef Muquinna*. Lorsque le capitaine britannique Thomas Hudson, qui était aussi trafiquant de fourrures, et cinq hommes firent naufrage au mois d’octobre en se rendant à l’établissement espagnol, Eliza obtint l’aide de Muquinna pour aller à la recherche des survivants (ils avaient malheureusement tous péri) et récupérer des documents. Le 4 janvier 1791, le capitaine James Colnett*, commerçant de Grande-Bretagne, arriva à la baie Nootka à bord de l’Argonaut et put radouber son navire avec le concours d’Eliza. À cette époque, les Espagnols avaient commencé à souffrir de dures privations. Le manque d’aliments frais provoquait le scorbut et l’humidité faisait pourrir les biscuits de mer, quand ils n’étaient pas dévorés par des hordes de rats. Neuf hommes moururent pendant l’hiver et, au printemps, Eliza dut envoyer par mer en Californie 32 soldats et marins souffrant entre autres de rhume, de rhumatisme et de dysenterie, pour qu’ils se rétablissent.
Le vice-roi Revilla Gigedo n’était pas du tout heureux de la façon plutôt sommaire dont Eliza décrivait la vie et la situation à la baie Nootka, ou de son manque apparent d’intérêt scientifique pour les Indiens. Les renseignements sur les possibilités qu’offraient les territoires du Nord ou sur le degré d’attraction des Indiens pour le catholicisme tardaient à parvenir à Mexico. Le vice-roi fut encore plus contrarié d’apprendre qu’Eliza avait fait don aux Indiens d’une grande quantité de feuilles de cuivre pour les inciter à rechercher les corps de Hudson et des marins anglais. Le cuivre devait servir à juger des possibilités commerciales de la traite des peaux de loutre marine et, de l’avis de Revilla Gigedo, quelques colifichets et de vieilles fontes auraient suffi comme présents. Par ces reproches et par d’autres critiques sur les méthodes qu’utilisait Eliza, les bureaucrates trahissaient leur complète ignorance des conditions prévalant dans les régions frontalières. Au début, le temps avait manqué pour s’adonner à des expériences scientifiques et, de plus, les Indiens refusaient des articles de qualité inférieure comme moyens d’échange, alors qu’ils pouvaient obtenir des Britanniques et des Américains du cuivre, des armes et d’autres objets convoités.
En fait, Eliza recueillit des renseignements au cours des mois tranquilles de l’hiver et put présenter à ses supérieurs une vue d’ensemble du pays, de ses habitants et des avantages qu’il pouvait offrir à l’Espagne. L’officier espagnol fut impressionné par les canots des Indiens et par l’habileté dont ces derniers faisaient preuve pour tout ce qui touchait la navigation. Il décrivit leurs méthodes de pêche et de chasse à la baleine, et nota le déroulement de leurs cérémonies. En plus de troquer du cuivre contre des peaux de loutre marine, Eliza entreprit d’acheter des petits Indiens. En avril 1791, il était propriétaire de huit garçons et de sept filles qu’il considérait avoir sauvés des festins des cannibales. À l’instar de nombreux observateurs espagnols, il n’avait rien de bon à dire du climat, ni de la valeur potentielle de la côte nord-ouest. À ses yeux, le seul avantage qu’offrait la baie Nootka était de pouvoir y faire du commerce côtier, mais il observa que les loutres se faisaient de plus en plus rares et que les articles de traite intéressaient de moins en moins les Indiens.
Le 4 mai 1791, Eliza, qui commandait alors le San Carlos et un petit schooner reconstruit à Nootka et baptisé Santa Saturnina, du nom de sa femme, mit les voiles pour un voyage d’exploration. Il rendit visite au chef Wikinanish*, à la baie Clayoquot, puis s’engagea dans le détroit de Juan de Fuca. Bien qu’Eliza ait dirigé des expéditions relativement importantes, qu’il ait décrit les possibilités de la région en matière d’agriculture et qu’il ait observé le flot d’eau douce déversée par le fleuve qui porte maintenant le nom de Fraser, il n’explora pas le bras de mer avoisinant (Puget Sound, Washington) et ne contourna pas l’île qu’on nomme aujourd’hui Vancouver. Il laissa ces tâches et la renommée qui s’ensuivit à George Vancouver*, à Dionisio Alcalá-Galiano* et à Cayetano Valdés y Flores Bazán. Certains historiens ont blâmé Eliza de ne pas avoir accompli davantage au cours de cette expédition, mais les Indiens s’étaient montrés hostiles et le scorbut avait affaibli son équipage. Plus important encore, Eliza ne pouvait courir trop de risques, sachant qu’il devait revenir à l’établissement de la baie Nootka afin de le préparer pour l’hiver suivant.
À l’automne de 1791, Eliza exprima la crainte que ses hommes ne puissent survivre à un autre hiver avec le peu de provisions qui restaient. Heureusement, la saison hivernale ne fut pas aussi rigoureuse que l’année précédente. En outre, les vivres provenant du Mexique étaient de meilleure qualité et les moyens d’emmagasinage offraient une protection plus adéquate contre l’humidité et les rats. Les Indiens étaient devenus des visiteurs assidus de l’établissement, et Eliza avait la conviction que dans quelques années à peine ils se convertiraient au catholicisme.
Après avoir réussi à rétablir la présence espagnole dans la partie nord de la côte du Pacifique, Francisco de Eliza y Reventa quitta la baie Nootka le 24 juillet 1792 pour n’y plus revenir. Même s’il laissait derrière lui un établissement bien organisé, Eliza avait hâte de regagner l’Espagne ou d’occuper un poste dans un endroit moins isolé. Sa femme et ses enfants adressèrent une requête au ministre de la Marine pour obtenir son retour, mais les services d’Eliza étaient requis au Mexique. En 1793, il prit la tête d’une expédition avec mission d’explorer la côte de la Californie et, de 1795 à 1801, il commanda la base navale de San Blas. Finalement, il fut muté à Cadix en 1803 et y poursuivit sa carrière dans la marine. Durant l’occupation de l’Espagne par Napoléon Ier, de 1808 à 1814, Eliza remplit diverses fonctions politiques à Cadix.
Archivo General de Indias (Séville, Espagne), Audiencia de México, legajo 1537.— Archivo General de la Nación (Mexico City), Sección de Historia, vol. 68 ; 69.— Museo Naval (Madrid), ms nos 575 bis, 2305.— J. M. Moziño [Losada] Suárez de Figueroa, Noticias de Nutka : an account of Nootka Sound in 1792, I. H. Wilson, trad. et édit. (Seattle, Wash., 1970).— W. L. Cook, Flood tide of empire : Spain and the Pacific northwest, 1543–1819 (New Haven, Conn., et Londres, 1973).— M. E. Thurman, The naval department of San Blas ; New Spain’s bastion for Alta California and Nootka, 1767 to 1798 (Glendale, Calif., 1967).— Javier de Ybarra y Bergé, De California á Alaska : historia de un descubrimiento (Madrid, 1945).— C. I. Archer, « The transient presence : A re-appraisal of Spanish attitudes toward the northwest coast in the eighteenth century », BC Studies (Vancouver), no 18 (été 1973) : 3–32.
Christon I. Archer, « ELIZA Y REVENTA, FRANCISCO DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/eliza_y_reventa_francisco_de_6F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |