Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3422008
WHITE, THOMAS, journaliste et homme politique, né le 7 août 1830 à Montréal, fils aîné de Thomas White, originaire du comté de Westmeath (République d’Irlande), et de Dorothea Smeaton ; en 1853, il épousa Esther Vine, de Québec, et ils eurent sept filles et trois fils, dont Robert Smeaton* ; décédé le 21 avril 1888 à Ottawa.
Thomas White étudia au lycée (High School) de Montréal, puis, suivant en cela l’exemple de son père, il se lança dans le commerce du cuir. En 1846, il entreprit trois années d’apprentissage chez l’épicier montréalais T. C. Panton. Lorsque son contrat expira, en mai 1849, White travailla à titre de commis à Brantford et à Peterborough, dans le Haut-Canada ; en 1850, il s’établit à Toronto où il apprit la typographie dans les bureaux de l’imprimeur de la reine. L’année suivante, quand ce service déménagea à Québec en même temps que le gouvernement, il alla s’y installer.
À la suite d’une allocution sur la tempérance qu’il prononça à Québec, White fut invité, en 1852, par l’imprimeur de la reine, Stewart Derbishire*, à se joindre aux rédacteurs de la Canada Gazette. L’année suivante, avec son beau-frère, Robert Romain, il retourna à Peterborough où ils fondèrent une publication bihebdomadaire (devenue par la suite hebdomadaire), la Peterborough Review. En 1855, son frère Richard vint le rejoindre. White se mêla bientôt activement à la politique municipale : il fut élu président du conseil municipal, puis il fit partie du conseil scolaire de Peterborough. En 1860, il décida de se mettre à l’étude du droit et, durant les quatre années suivantes, il travailla dans le bureau de l’avocat Sidney Smith. Mais il semble avoir préféré le journalisme au droit et, en 1864, avec l’assentiment et le concours de John Alexander Macdonald*, il déménagea à Hamilton en compagnie de son frère, afin de prendre la direction du Daily Spectator and Journal of Commerce ; cet important quotidien conservateur avait été fondé 18 ans plus tôt par Robert Reid Smiley*. Pendant son séjour à Hamilton, White fit partie du conseil de l’école secondaire.
White était un journaliste compétent. Il était exceptionnellement bien informé et possédait un style dépourvu de passion et limpide, sans affectation et débordant de vie et d’humour. Sur la question de la confédération, le Spectator fut aussi fidèle à la pensée de Macdonald que tout autre journal conservateur. Il exprima en ces termes l’opinion du leader suivant laquelle la notion de régime fédératif était une importation américaine nécessaire mais tout de même dangereuse : « On éprouve une certaine satisfaction à savoir que, à la conférence [de Québec], il ne manquait pas d’hommes fermement attachés à l’idée d’une simple union législative et parfaitement avertis des dangers du système fédéral [...] Les parlements locaux exerçant [leurs] fonctions en vertu des privilèges qui leur sont délégués diffèrent sensiblement des législatures des états de l’Union américaine. »
En 1867, White se présenta aux élections provinciales de l’Ontario dans Wentworth South et il fut défait par une marge de trois voix. Lorsque le député de Wellington Centre, Thomas Sutherland Parker, mourut le 24 octobre 1868, il fut question que White se portât candidat dans cette circonscription, mais Macdonald et White estimèrent qu’il s’agissait là d’un trop grand risque ; il ne devait briguer une nouvelle fois les suffrages que pour remporter la victoire. Comme on allait s’en rendre compte, c’était une chose plus facile à dire qu’à faire.
En 1868, Macdonald voulut raffermir le Leader, organe conservateur de Toronto, qui vivotait à cette époque sous la direction de son fondateur et rédacteur en chef, James Beaty*, et il envisagea de remplacer celui-ci par White. Le projet n’eut pas de suite et rien ne fut décidé avant 1872, année au cours de laquelle un nouveau journal, le Mail, fut lancé à Toronto sous la direction de Charles Belford*. En 1869, John Sandfield Macdonald*, premier ministre de l’Ontario, demanda à White de se rendre en Angleterre comme agent d’immigration de la province. Il semble que White s’acquitta de cette tâche avec beaucoup de succès, mais il fut bientôt rappelé au Canada où ses services étaient requis. Brown Chamberlin, rédacteur en chef de la Gazette de Montréal, principal journal conservateur de langue anglaise, voulait quitter son poste. Macdonald prit des dispositions afin que Chamberlin devienne imprimeur de la reine à Ottawa. Thomas et Richard White eurent ainsi la possibilité d’acheter la majorité des actions de la Gazette Printing Company. C’était chose faite en 1870, et les deux frères connurent un grand succès. Au cours des années 1870, Thomas White était un membre éminent du Bureau de commerce de Montréal et, pendant trois ans, il fit partie de son conseil d’administration. Il représenta cet organisme à la Chambre de commerce de la Puissance durant plusieurs années.
La Gazette permit à White d’acquérir une importance grandissante dans les milieux conservateurs du Québec. Sir George-Étienne Cartier* ne prit certes pas en bonne part les suggestions de White à propos du favoritisme qui s’exerçait à Montréal, mais le règne du leader touchait à sa fin. Il fut battu dans Montréal-Est en 1872 et mourut en mai 1873, au moment où éclatait le scandale du Pacifique. Lors d’une assemblée tenue au Champ de Mars, à Montréal, le 5 août, White tenta de défendre le gouvernement conservateur contre les attaques suscitées par le scandale, mais il n’eut pas la partie facile. « Combien avez-vous obtenu ? » lui criait la foule. Il n’avait probablement rien reçu. White poursuivit ses efforts en vue de se faire élire à la chambre des Communes. Aux élections fédérales de janvier 1874, il se présenta dans la circonscription de Prescott, en Ontario, et il subit la défaite par une marge de six voix. Le 19 décembre 1874, il lui manquait sept voix pour remporter l’élection partielle tenue dans Montréal-Ouest et, lorsqu’il se porta de nouveau candidat dans cette circonscription le 30 octobre 1875, Thomas Workman le battit par une marge de 50 voix. Ce fut une remarquable série de malchances. Il refusa de prendre part à une élection partielle tenue en décembre 1875 dans le comté d’ Argenteuil, au Québec, car il n’entrevoyait pas la possibilité d’une victoire.
À cette époque, White était néanmoins un personnage marquant parmi les conservateurs du Québec. Le premier ministre de la province, Charles-Eugène Boucher* de Boucherville, et le trésorier Levi Ruggles Church* découvrirent que leur gouvernement était en difficultés financières ; en 1876, la province avait un déficit d’environ $600 000, dont la plus grande partie était attribuable à un mode de financement inadéquat des chemins de fer. Incapables de s’entendre sur les mesures qu’il fallait prendre, les deux hommes confièrent le soin de trouver une solution à un comité de conservateurs influents ; White fit partie de ce comité, avec sir John A. Macdonald, Narcisse-Fortunat Belleau*, sir Hector-Louis Langevin* et Louis-François-Roderick Masson*, et il travailla en étroite collaboration avec le trésorier.
La Gazette avait toujours constitué une force à l’intérieur – et même à l’extérieur – du parti et elle devenait plus que jamais le principal organe conservateur du pays. Dans les années 1880, ce journal était considéré comme le plus important au Canada par un homme aussi bien informé que Charles Herbert Mackintosh*, rédacteur en chef de l’Ottawa Daily Citizen. White assura régulièrement, durant les années 1870, le compte rendu des travaux parlementaires depuis Ottawa et il le fit dans un style qui, comme d’habitude, était à la fois agréable et autoritaire. Cependant, s’il appuya vigoureusement la Politique nationale, il ne fut jamais un partisan conservateur acharné. L’éditorial qui parut dans la Gazette à propos du discours prononcé à Aurora par Edward Blake* le 3 octobre 1874 illustre bien le bon sens de White. L’article se terminait ainsi : « Nous préférons considérer le discours comme une nouvelle preuve, s’ajoutant au grand nombre de celles qui nous environnent, de l’avancement et de la prospérité de ce pays [...] Il est possible aux hommes politiques ayant un penchant pour les théories d’exposer leurs doctrines, et les gens ont heureusement assez de culture pour en apprécier et en jauger la valeur. » Il arrivait également à White de plaisanter au sujet de Blake ; il écrivit, peu de temps avant que celui-ci devienne leader du parti libéral en avril 1880 : « En fait, M. Blake est en désaccord avec tout le monde, sauf M. Blake, et il ne s’entend pas toujours avec lui. »
White était alors au parlement. Il était entré à la chambre des Communes en se faisant élire dans la circonscription ontarienne de Cardwell aux élections générales d’octobre 1878 ; on n’avait pas manqué de célébrer son retour triomphal à Montréal par un défilé aux flambeaux qui était parti de la gare Bonaventure. Il allait bientôt jouer un rôle de premier plan sur les banquettes occupées par les conservateurs. Orateur élégant, raffiné et incisif, il donnait l’impression, généralement conforme à la vérité, qu’il maîtrisait son sujet. White était certes du bois dont on fait les ministres ; il était cependant un Montréalais représentant une circonscription ontarienne, et cette situation retarda sans aucun doute sa nomination. On eut une juste idée de l’étendue de son talent lorsqu’à l’été de 1885 il fut nommé au ministère de l’Intérieur, portefeuille consacré presque exclusivement aux affaires de l’Ouest. White était l’homme qu’il fallait pour ce poste, et on eût beaucoup mieux fait de le nommer deux ans plus tôt au lieu d’attendre le moment où il fallut réparer les dégâts causés par la rébellion du Nord-Ouest. Il possédait une énorme capacité de travail, des connaissances très étendues et une forte dose de bon sens. Son premier geste, ou presque, fut de se rendre dans les Territoires du Nord-Ouest en septembre afin d’y mener sa propre enquête. Il fit ensuite une série de recommandations, proposant notamment que le versement des sommes dues en 1885 au gouvernement fédéral par les Métis pour la préemption des terres fût retardé d’une année au moins, et que William Pearce*, qui s’était fait une bonne réputation à Prince Albert (Saskatchewan), fût envoyé à Batoche pour recueillir et résoudre les griefs des Métis de l’endroit. L’été suivant, White se trouvait sur la côte du Pacifique, un mois avant le voyage de Macdonald dans cette région. En 1887, une série de mesures législatives commencèrent à être adoptées ; on accorda aux Territoires du Nord-Ouest une représentation au parlement et on créa le parc national de Banff. White ne réussissait que trop bien comme ministre, car, en octobre 1887, on lui confia de surcroît le poste de surintendant général des Affaires indiennes que Macdonald occupait depuis 1878.
White se montra particulièrement consciencieux et appliqué comme ministre de l’Intérieur. Il ne ménagea pas ses efforts pour comprendre l’Ouest et connaître à fond les problèmes qui s’y posaient. Un député du Nord-Ouest lui rendit ce témoignage qui en dit long : « Nous avions confiance en lui, car il n’avait pas à servir d’autre intérêt que celui de la région. » En 1888, on voyait déjà en White le remplaçant de sir Charles Tupper* au portefeuille des Finances ; on évoquait même la possibilité qu’il devienne un jour le successeur de Macdonald. Vers le 15 avril 1888, cependant, il attrapa un mauvais rhume qui, peut-être sous l’effet du surmenage, dégénéra en pneumonie. En dépit de son état, le 18 avril, il voulut absolument discuter des affaires indiennes avec Edgar Dewdney*, lieutenant-gouverneur des Territoires du Nord-Ouest, qui se trouvait à Ottawa. Mais la pneumonie s’aggrava, et White mourut le 21 avril.
La mort de White porta un coup terrible à Macdonald. Les deux hommes avaient toujours été étroitement liés, et White était l’une des rares personnes que Macdonald appelait par son prénom. À la reprise des travaux parlementaires, le 23 avril, le vieil homme se leva courageusement, bien décidé à maîtriser ses sentiments et à proposer lui-même l’ajournement de la séance. Ses efforts furent inutiles et il s’effondra en larmes à son bureau. Ce fut alors Langevin qui proposa la suspension des travaux, avec l’appui de Wilfrid Laurier*. White et Laurier avaient éprouvé une grande admiration l’un pour l’autre, et l’éloquent discours que Laurier prononça ce jour-là resta longtemps dans les mémoires. L’absence de conjectures sur le remplacement de White montra la gravité de la perte que l’administration publique venait de subir. Dans la Week, Sara Jeannette Duncan* lui rendit hommage et termina en écrivant : « Dans les rues et aux intersections des rues, où les rafales de l’hiver déroutent encore le soleil frileux et où quelques brins de verdure attendent désespérément le printemps, des hommes momentanément réunis en groupes de deux et de trois se remémorent ses bonnes actions, son travail soigné, son intégrité. » La politique n’est quand même pas dépourvue d’hommes de qualité.
On ne connaît pas de collection des papiers de Thomas White. Ceux de John Alexander Macdonald aux APC (MG 26, A, 296) renferment les lettres de White à Macdonald depuis les années 1860 jusqu’en 1888, et certaines des lettres de White se retrouvent dans les collections des ministères de l’époque. On peut prendre connaissance de ses idées et de ses écrits dans la Gazette, le Daily Spectator and Journal of Commerce et la Peterborough Rev. (Peterborough, Ontario). Il est l’auteur de : An exhibit of the progress, position and resources, of the County of Peterboro’, Canada West, based upon the census of 1861 [...] (Peterborough, [1861]) et de Our great west : a lecture delivered under the auspices of the Young Men’s Christian Association of Christ Church Cathedral, on the evening of the 27th February, 1873 (Montréal, 1873). On trouve de longues notices nécrologiques en date du 23 avril 1888 dans le Daily Sun, la Gazette, le Morning Herald et le Toronto Daily Mail, ainsi que dans plusieurs autres journaux. La Cyclopædia of Canadian biog. (Rose), I, le Canadian biog. dict., II : 36–38, et le DNB présentent des esquisses biographiques de White. Sara Jeannette Duncan a fait dans sa chronique « Ottawa letter », Week (Toronto), 26 avril 1888, une appréciation de White, et Donald Grant Creighton dans Macdonald, old chieftain, ainsi que Rumilly, dans Hist. de la prov. de Québec, I–V, font souvent référence à lui. Une étude exhaustive de l’œuvre et de la carrière de White reste encore à faire. [p. b. w.]
P. B. Waite, « WHITE, THOMAS (1830-1888) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/white_thomas_1830_1888_11F.html.
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Auteur de l'article: | P. B. Waite |
Titre de l'article: | WHITE, THOMAS (1830-1888) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |