WHITE, AUBREY, estimateur de peuplements forestiers et fonctionnaire, né le 19 mars 1845 à Lisonally House, Omagh (Irlande du Nord), fils de David White et de Margaret Mackenzie ; le 16 novembre 1875, il épousa à Newmarket, Ontario, Emily Agnes (Minnie) Bridgland, puis le 2 mars 1882, à Bracebridge, Ontario, la sœur de celle-ci, Mary Bridgland ; il eut un fils et quatre filles ; décédé le 14 juillet 1915 dans l’île Chief, lac Muskoka, Ontario.

Aubrey White fit ses études à Raphoe, à Dungannon et à Dublin. Il entra dans la marine royale en tant que cadet, mais, ayant échoué à un examen, il s’enrôla dans le 8th Foot. Après que le projet d’envoyer cette unité au Canada eut été annulé, White, déçu, immigra de sa propre initiative en 1862. Il travailla dans le district de Muskoka pour la compagnie de vapeurs d’Alexander Peter Cockburn*, puis fut estimateur de peuplements forestiers pour Anson Greene Phelps Dodge, qui le tenait pour « l’un des plus compétents [...] en la matière ». En plus, White achetait du bois à des colons pour la compagnie de Dodge.

Le 30 avril 1878, le gouvernement de l’Ontario nomma White agent des Terres de la couronne à Bracebridge. Il quitta cet emploi en décembre 1881 pour aller occuper un poste de commis à la division des bois et forêts du département des Terres de la couronne à Toronto. Employé compétent, il accéda directement à la fonction de commissaire adjoint à la mort de Thomas Hall Johnson le 8 janvier 1887. Dès lors, jusqu’à son décès, il jouerait le rôle du second.

L’expérience acquise par White dans le district de Muskoka l’avait bien préparé à la première mission que lui confia le commissaire Timothy Blair Pardee*. Ce dernier avait présenté en 1878 le premier projet de loi du continent sur la protection des forêts contre les incendies, et était impatient d’appliquer les mesures supplémentaires suggérées en 1882 par un comité canado-américain de l’American Forestry Congress [V. James Little*]. Il confia cette tâche à White. Très probablement au courant du système de « surintendants » des incendies créé dans la province de Québec par une loi en 1883, White conçut en mars 1885 un plan suivant lequel des guetteurs d’incendies choisis et payés en partie par les détenteurs de concessions forestières seraient affectés à des endroits stratégiques pendant les mois de sécheresse. Le plan fut mis en pratique sans délai : entre le 1er mai et le 1er octobre 1885, on plaça 37 gardes. L’idée s’avéra si bonne que leur nombre augmenta chaque année. La construction du Temiskaming and Northern Ontario Railway dans le secteur considéré en 1903 comme le plus exposé aux risques d’incendie démontrerait leur utilité. En vertu d’une entente entre le département et le chemin de fer, 59 des 425 gardes forestiers travaillèrent le long du tracé en 1905. Leur présence fut efficace ; du moins, il n’y eut pas d’incendie cette année-là. Une modification apportée en 1906 à la loi des incendies autorisa le département à nommer des guetteurs d’incendies le long de tous les chemins de fer et à imputer les coûts aux compagnies.

La loi de 1878 n’était qu’un exemple de l’attention croissante que l’on portait à la conservation des forêts. En 1893, une commission royale dont faisait partie White et que présidait son collègue Alexander Kirkwood* confirma la création du parc Algonquin, qui serait administré par le département de White. Fait significatif, la commission attendit cependant, pour se réunir, que les dernières pinèdes de la région aient été vendues aux enchères. Six ans plus tard, une autre commission recommanda de créer des réserves forestières, de placer le système des guetteurs d’incendies sous la seule autorité du gouvernement et d’accroître les restrictions concernant la taille des arbres qu’il serait permis de couper [V. John Bertram*]. En 1900, White et Thomas Southworth, du bureau de foresterie du département, représentèrent la province à Ottawa au congrès de fondation de la Canadian Forestry Association. Les entrepreneurs forestiers, portés à surexploiter les forêts, ne tarderaient pas à dominer cet organisme. White fut président honoraire de l’association en 1905 et appartint au comité directeur du Canadian Forestry Convention de 1906.

À ce moment-là, l’industrie ontarienne était concentrée surtout dans le Nord-Ouest, car le règlement final du différend sur la frontière de l’Ontario et du Manitoba en 1889 avait concédé à l’Ontario ce vaste territoire riche en ressources naturelles. White s’était rendu là-bas en 1883 pour saisir du bois d’œuvre à la demande du gouvernement d’Oliver Mowat*, qui était irrité que le gouvernement fédéral tente d’y affirmer son autorité en distribuant des concessions forestières. La mise en valeur d’autres régions du « Nouvel Ontario », par exemple les zones argileuses du Nord-Est [V. August Kruger*], ajoutait au fardeau administratif du département des Terres de la couronne. En outre, l’octroi de permis de coupe de bois à pâte à compter de 1892 dans des secteurs autres que les concessions forestières déclencha une nouvelle phase de développement industriel et accrut les responsabilités administratives du département. Surtout pendant les débats tarifaires des années 1890 [V. Arthur Sturgis Hardy*], les entrepreneurs forestiers, souvent consultés par White, eurent beaucoup d’influence sur la politique départementale.

En tant que commissaire adjoint, White devait non seulement appliquer les orientations du département, mais aussi concilier les exigences souvent conflictuelles des agents de développement, des colons, des sociétés ferroviaires, des autochtones et des partisans de la conservation des forêts. Cette tâche s’avérait particulièrement difficile lorsqu’il s’agissait d’intégrer des mesures de conservation à une politique forestière fondée sur l’abattage et la rentabilité pour le trésor public. En vertu du Forest Reserves Act de 1898, les terres de la couronne que l’on « jugeait propres à fournir [...] dans l’avenir des réserves de bois d’œuvre » pouvaient être mises de côté et laissées autant que possible à l’état naturel. En 1901, la réserve forestière Temagami, au nord du lac Nipissing, fut créée sur la recommandation de White, qui proposa aussi que l’on y autorise dès le début une coupe réglementée. Cependant, les règlements n’étaient toujours pas appliqués à la fin de 1903 et, en l’espace de quelques années, White se trouva pris dans des différends d’une grande portée au sujet de la mise en valeur des forêts et les revendications des autochtones. Dans un autre cas, celui du parc Rondeau, sur le lac Érié, des protestations publiques en 1908 entraînèrent la cessation de l’abattage. Ailleurs, dans des régions comme le parc Algonquin et la réserve Quetico, dans le nord-ouest de la province, la protection de la faune, les droits des autochtones et la surexploitation posaient des problèmes qui risquaient de dépasser White.

Par suite de l’élection des conservateurs de James Pliny Whitney, en 1905, un homme intraitable, Francis Cochrane, originaire du Nord, avait été nommé ministre du département de White. Dans le cadre du « nouvel ordre » instauré par Whitney, le département des Terres de la couronne devint le département des Terres et des Mines, et White en fut le premier sous-ministre. En 1906, le département changea encore de nom pour devenir celui des Terres, des Forêts et des Mines. L’année suivante, White imposa une série impressionnante mais peu utile de nouveaux règlements sur la coupe du bois. Les principaux changements avaient trait aux paiements : ceux-ci ne seraient plus calculés selon des frais déterminés à l’avance mais selon le volume de bois coupé, et les calculs se feraient sur la foi des déclarations des entrepreneurs forestiers, vérifiées par les mesureurs de bois, dont bon nombre étaient employés par les compagnies. Aucune réforme administrative n’accompagnait la mise en place de ce système. À cause de cette lacune, les entrepreneurs forestiers et les gens en place qui dominaient traditionnellement les opérations sur le terrain conservèrent une grande marge de manœuvre.

En outre, au moment même où Whitney luttait contre le mouvement en faveur d’une régie publique de l’électricité, White résistait à toute intégration des principes progressistes de gestion scientifique des forêts défendus par Judson Freeman Clark, agent forestier de son propre département, et par Bernhard Eduard Fernow*, responsable de la nouvelle faculté de foresterie de la University of Toronto, qui se mettait White à dos par ses critiques. Par contre, White écoutait les avis d’Edmund John Zavitz*, de l’Ontario Agricultural College. Il l’emmena à Washington pour une conférence de foresterie en 1908 et le fit entrer au département en 1912 à titre de premier agent forestier provincial de l’Ontario.

White jouissait d’autant d’estime dans la franc-maçonnerie qu’au gouvernement. Membre de la King Solomon’s Lodge de Toronto, il fut grand maître adjoint de la loge en Ontario de 1909 à 1911 et grand maître de 1911 à 1913. Sa position importante dans l’ordre pourrait expliquer en partie pourquoi il fit une longue carrière sous des gouvernements libéraux et conservateurs ; plusieurs des ministres et premiers ministres sous lesquels il servit étaient francs-maçons. En 1914, il reçut le titre de compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges.

Homme discret, White avait des ennuis de santé depuis quelque temps lorsque, en 1915, lui-même et sa famille firent leur excursion annuelle jusqu’à leur maison d’été dans le district de Muskoka. Le 14 juillet, au terme d’une journée d’activité intense, il mourut d’une crise d’apoplexie. On l’inhuma dans le lot familial du cimetière de l’église anglicane St Thomas à Bracebridge.

Aubrey White avait été, selon son ministre George Howard Ferguson*, un « fonctionnaire de confiance, compétent et estimé » dans un département qui avait été témoin de grands changements dans le mode de gestion des richesses naturelles en Ontario. Même s’il finit par être gagné dans une certaine mesure à la cause de la conservation, il considéra toujours que sa mission consistait à administrer les concessions forestières, à entretenir de bonnes relations avec les compagnies et à veiller à ce que le bois rapporte autant de revenus que possible au trésor public. En 1908, il signala fièrement que son département avait vendu 12 000 milles carrés de terres à bois depuis la Confédération et recueilli plus de 40 millions de dollars, allégeant ainsi « le fardeau fiscal [des Ontariens] par la vente des richesses naturelles de la province ». Son décès créa un vide administratif difficile à combler.

S. Barry Cottam

Les publications d’Aubrey White comprennent Forest fires and fire ranging : report addressed to commissioner of crown lands (Toronto, 1886), et The forest resources of Ontario, Ontario, Legislature, Sessional papers, 1909, no 3 (rapport du ministre des Terres, des Forêts et des Mines, 1908), app. 46. White a aussi aidé à la compilation de A history of crown timber regulations, from the date of the French occupation to the present time, ouvrage publié par le Bureau of Forestry de l’Ontario sous le titre Annual report of the clerk of forestry (Toronto), 1899. Cet ouvrage a été republié à l’annexe 52 du rapport du ministre des Terres, des Forêts et des Mines pour 1907 (Sessional papers, 1908, no 3), et a été réimprimé par les Dept. of Lands and Forests sous le titre A history of crown timber regulations from the date of the French occupation to the year 1899 ([Toronto], 1957).

AN, MG 28, III 1 ; 26.— AO, RG I-A-VII, 53, 60 ; RG 1-BB-1, boîte 5, 2-2-3, personnel, 1887 ; RG 22-305, no 30500 ; RG 22-365, no 247 ; RG 80-5-0-54, no 10702 ; RG 80-5-0-109, no 7518 ; RG 80-8-0-564, no 21963.—Globe, 15–16 juill. 1915.— Muskoka Herald (Bracebridge, Ontario), 15, 22 juill. 1915.— J. T. Angus, A Deo victoria : the story of the Georgian Bay Lumber Company, 1871–1942 (Thunder Bay, Ontario, 1990).— Michael Barnes, Link with a lonely land : the Temiskaming and Northern Ontario Railway (Erin, Ontario, 1985).— Canada Lumberman & Wood Worker (Toronto), 1er août 1915 : 30.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).—Peter Gillis, « The Ottawa lumber barons and the conservation movement, 1880–1914 », REC, 9 (1974), no l : 14–31.— B. W. Hodgins et Jamie Benidickson, The Temagami experience : recreation, resources, and aboriginal rights in the northern Ontario wilderness (Toronto et Buffalo, N.Y., 1989).— B. W. Hodgins et al., « The Ontario and Quebec experiments in forest reserves, 1883–1930 », Journal of Forest Hist. (Santa Cruz, Calif.), 26 (1982) : 20–33.— R. S. Lambert et Paul Pross, Renewing natures wealth : a centennial history of the public management of lands, forests & wildlife in Ontario, 1763–1967 ([Toronto], 1967).— H. V. Nelles, The politics of development : forests, mines & hydro-electric power in Ontario, 1849–1941 (Toronto, 1974).— Ontario, Legislature, Sessional papers, 1882–1916, rapport du commisaire des Terres de la couronne, 1881–1905, et du ministre des Terres, des Forêts et des Mines, 1906–1916 ; Royal commission on forest reservation and national park, Papers and reports et Report (publiés tous deux à Toronto, 1893, et dans les Sessional papers, 1893, nos 30–31) ; Royal commission on forestry protection and perpetuation in Ontario, Report, 1899 (Toronto, 1900, et Sessional papers, 1898–1899, no 35).—R. D. Tennant, Ontario’s government railway : genesis and development (Halifax, 1973).

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S. Barry Cottam, « WHITE, AUBREY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/white_aubrey_14F.html.

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Auteur de l'article:    S. Barry Cottam
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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