FERNOW, BERNHARD EDUARD, ingénieur forestier et éducateur, né le 7 janvier 1851 à Inowrazlaw (Inowrocław, Pologne), fils d’Eduard Ernst Leopold Fernow, avocat, et de sa deuxième femme, Clara Nordman ; le 20 juin 1879, il épousa à Brooklyn (New York) Olivia Reynolds, et ils eurent une fille, morte en bas âge, et quatre fils ; décédé le 6 février 1923 à Toronto.

Issu d’une famille prussienne de rang moyen, Bernhard Eduard Fernow fit ses premières études au gymnase de Bromberg (Bydgoszcz). Il interrompit son cours à l’académie de foresterie de Münden (Allemagne) à cause de la guerre franco-allemande, où il servit à titre de lieutenant, puis fit une année de droit à l’université de Königsberg. Après avoir reçu à Münden un diplôme qui l’habilitait à exercer la foresterie, il entra au service prussien des forêts. Fiancé à une New-Yorkaise, Olivia Reynolds, il la suivit aux États-Unis en 1876 et reçut la citoyenneté américaine en 1883.

Fernow avait trouvé un emploi à la Cooper, Hewitt and Company en 1878 ou 1879 : il administrait le carbonisateur et le lot forestier que cette entreprise de production de fer possédait en Pennsylvanie. En avril 1882, il assista à la première assemblée de l’American Forestry Congress à Cincinnati, dans l’Ohio. Grâce à l’intérêt manifesté par des groupes telles la Quebec Limitholders’ Association et la Fruit Growers’ Association of Ontario, la deuxième assemblée se tint à Montréal en août suivant [V. James Little* ; George Bryson*]. Au sein du congrès, Fernow put faire valoir la nécessité d’appliquer, en Amérique du Nord, la conception scientifique de la foresterie qui avait cours en Allemagne. Bientôt remarquée, cette étoile montante trouva, dans la province de Québec, un allié en la personne de l’homme politique Henri-Gustave Joly*. L’expérience acquise par Fernow en matière de boisés privés et de foresterie étatique en Europe s’accordait bien avec les idées entretenues, en cette ère de progrès, sur les gouvernements et les ressources forestières. Fernow privilégiait nettement de vigoureuses mesures publiques pour assurer l’exploitation rationnelle de ces ressources : sous la supervision d’un personnel spécialement formé, la préservation était synonyme d’utilisation efficace et de viabilité à long terme. En 1886, il devint le premier forestier professionnel à diriger la division de foresterie du département américain de l’Agriculture.

Récipiendaire d’un doctorat honorifique en droit de la University of Wisconsin en 1896, Fernow quitta la fonction publique des États-Unis deux ans plus tard afin d’assumer la direction du New York State College of Forestry, créé peu de temps auparavant à la Cornell University d’Ithaca. Professeur populaire et stimulant, il aimait les rencontres sociales avec ses étudiants ; ses dons de danseur, de pianiste et de cavalier en impressionnaient plus d’un. En juin 1903, cependant, en pleine controverse sur la gestion du boisé expérimental, il y eut suspension des fonctions du collège. Pendant les quatre années suivantes, Fernow travailla à titre de consultant en génie forestier et enseigna, notamment à la Yale University de New Haven, au Connecticut, où ses conférences formèrent la matière première d’un livre sur l’histoire de la foresterie. Il fut rédacteur en chef du Forest Quarterly d’Ithaca de 1903 à 1916 puis, jusqu’en 1922, du périodique qui prit la relève de celui-ci, le Journal of Forestry de Washington. En janvier 1903, il avait donné au Queen’s College de Kingston, en Ontario, une série de conférences qui avait fait grand effet. Cet établissement lui remit un doctorat en droit dans le courant de la même année. Le Queen’s College, auquel était affiliée la School of Mining and Agriculture, et la University of Toronto souhaitaient tous deux instaurer un programme de foresterie. La commission royale provinciale d’enquête sur la University of Toronto, qui consulta Fernow au cours de ses travaux en 1905-1906, recommanda que celle-ci ouvre une école de foresterie.

Fernow avait provisoirement accepté de lancer un programme au Pennsylvania State College mais, en 1907, il accepta le poste de doyen de la foresterie à la University of Toronto. La faculté, établie le 28 mars, était la première unité d’enseignement du genre au Canada. À sa tête jusqu’en 1919, Fernow imprimerait la marque de sa conception de la foresterie dans le programme d’études et formerait une génération d’ingénieurs forestiers. Ergoteur et souvent dépourvu de tact, il avait des idées bien arrêtées sur la gestion et la sauvegarde des forêts, et ces idées ne se mariaient pas toujours bien avec les calculs des hommes politiques. Il trouvait à redire contre la politique forestière de l’Ontario, qui était axée sur l’abattage et la rentabilité, et contre les estimations exagérément optimistes du potentiel d’exploitation des forêts et des terres du nord. Aussi eut-il des affrontements avec deux ministres des Terres, Forêts et Mines (Francis Cochrane* et son successeur William Howard Hearst*, représentants du nord de la province), avec le sous-ministre Aubrey White* et avec des entrepreneurs forestiers. Souvent consulté à titre d’expert, il fut le président fondateur de la Canadian Society of Forest Engineers en 1908 et appartint à la Commission (fédérale) de la conservation de 1910 à 1923. Pour cet organisme, il réalisa des études particulièrement dignes de mention sur le bassin hydrographique du canal Trent, en Ontario, et sur les richesses forestières de la Nouvelle-Écosse. Toutefois, il ne prit aucune part à la création des Forest Products Laboratories que le ministère de l’Intérieur établit en 1913 et qui furent installés à la McGill University à Montréal. Bien que, à la veille de la Première Guerre mondiale, il ait encore été un professeur actif, un auteur prolifique et un administrateur consciencieux, il n’était plus à l’avant-garde en matière de reboisement, de prévention des incendies ni d’exploitation d’essences particulières.

Accusé pendant la guerre de ne pas encourager les étudiants à se porter volontaires et harcelé à cause de ses origines allemandes, Fernow se donna beaucoup de mal pour parler de leurs devoirs patriotiques à ses élèves. Comme il avait toujours la citoyenneté américaine, il ne connut pas le même sort que les trois membres de l’université qui en 1915, au cours de l’« affaire des professeurs allemands », perdirent leur poste. Néanmoins, et malgré le fait que ses fils s’étaient enrôlés dans l’armée des États-Unis, sa femme dut cesser d’enseigner l’allemand aux étudiants de foresterie, qui avaient besoin de connaître cette langue pour suivre le séminaire de quatrième année sur la documentation allemande en sylviculture. Le 22 juin 1918, le recteur de l’université, sir Robert Alexander Falconer*, dit à Fernow que l’étude de l’allemand devait être facultative.

Comme sa santé était de plus en plus précaire, Fernow songeait à la retraite depuis 1917. Il tenta d’intéresser l’université à Harvey Reginald MacMillan*, diplômé de Yale en foresterie, mais ce fut un collègue, Clifton Durant Howe, qui lui succéda en 1919. Nommé professeur émérite et récipiendaire d’un doctorat de Toronto en 1920, Fernow habitait toujours Admiral Road, au nord du campus. La Cornell University lui rendit hommage en baptisant son pavillon de foresterie Fernow Hall en 1922. Il mourut l’année suivante. Après une cérémonie à Toronto, sa dépouille fut incinérée ; ses cendres furent apportées à sa maison d’été de Point Breeze, dans l’État de New York, et dispersées sur le lac Ontario. Abondamment signalée dans les milieux professionnels de la foresterie au Canada et aux États-Unis, la nouvelle de son décès provoqua beaucoup de tristesse.

Sans avoir fondé la foresterie professionnelle en Amérique du Nord, Bernhard Eduard Fernow, plus que tout autre, en façonna le développement dans deux pays. En fait, sa carrière illustre l’important aspect scientifique de la lutte continentale dont l’enjeu était la mainmise sur les bénéfices des ressources forestières nationales. Dans une lettre à Howe, MacMillan disait que Fernow « a[vait] été et restera[it] durant de nombreuses années le plus remarquable ingénieur forestier au Canada ». Cette affirmation n’a pas perdu sa force.

James P. Hull

Le numéro d’avril 1923 du Journal of Forestry (Washington) contient une longue section sur la mort de Bernhard Eduard Fernow (21 : 305-348) et présente une chronologie de sa vie ainsi qu’un bibliographie de ses écrits. Fernow a notamment rédigé les livres suivants : Economics of forestry : a reference book for students of political economy and professional and lay students of forestry (New York, 1902 ; réimpr., 1972) ; A brief history of forestry in Europe, the United States and other countries (New Haven, Conn., 1907), ouvrage basé sur ses conférences à Yale (une édition révisée a été publiée à Toronto en 1911) ; et The care of trees, in lawn, street, and park : with a list of trees and shrubs for decorative use (New York, 1910). Ses études pour la Commission de la conservation ont paru sous le titre Conditions forestières de la Nouvelle-Écosse (Ottawa, 1912) et Comité des forêts, Examen du bassin du Trent : exploration (Toronto, 1913). AO, RG 22-305, nº 50692 ; RG 80-8-0-909, nº 1868.— UTA, A1967-0007 ; A1972-0018 ; A1972-0025 ; A1973-0026/101(53) ; A1976-0006 ; A1979-0015.— American forests : nature, culture, and politics, Char Miller, édit. (Lawrence, Kans., 1997).— Biographical dictionary of American and Canadian naturalists and environmentalists, K. B. Sterling et al., édit. (Westport, Conn., 1997).— Canadian annual rev., 1907-1915.— Forest and wildlife science in America : a history, H. K. Steen, édit. ([Durham, N.C.], 1999).— R. P. Gillis et T. R. Roach, Lost initiatives : Canada’s forest industries, forest policy and forest conservation (Westport, 1986).— L. H. Gulick, American forest policy, a study of government administration and economic control (New York, 1951).— C. D. Howe, « Bernhard Eduard Fernow - an appreciation », Illustrated Canadian Forestry Magazine (Ottawa), 19 (1923) : 168s.— H. V. Nelles, The politics of development : forests, mines & hydro-electric power in Ontario, 1849-1941 (Toronto, 1974).— Peter Oliver, G. Howard Ferguson : Ontario Tory (Toronto, 1977).— Ontario, Commission royale d’enquête sur la University of Toronto, Report (Toronto, 1906).— A. D. Rodgers, Bernhard Eduard Fernow, a story of North American forestry (Princeton, N.J., 1951 ; réimpr., Durham, 1991).— J. W. B. Sisam, Forestry education at Toronto (Toronto, 1961).— H. K. Steen, The U.S. Forest Service : a history (Seattle, 1976).

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James P. Hull, « FERNOW, BERNHARD EDUARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fernow_bernhard_eduard_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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