WATT, DAVID ALLAN POE (connu jusqu’au 9 juin 1862 sous le nom de David Allan Poe), marchand, lobbyiste et réformateur social, né en 1830 et baptisé le 6 avril dans l’Ayrshire, Écosse, fils de John Poe et de Janet Watt ; le 24 juin 1857, il épousa à Montréal Frances Macintosh (décédée en 1876), et ils eurent un fils et trois filles ; décédé dans cette ville le 13 décembre 1917.
Issu, dit-on, d’une « lignée de marins », David Allan Poe étudia dans des grammar schools de Greenock, en Écosse, et vint à Montréal en 1846 dans le cadre d’un contrat d’apprentissage avec son oncle James R. Orr, important courtier et marchand commissionnaire. À l’échéance de son engagement, il se mit à son compte à titre de courtier et commissionnaire spécialisé dans les produits d’alimentation. En 1862, pour des raisons inconnues, il prit légalement, et fit prendre à sa femme et à ses enfants, le nom de famille de sa mère, Watt. Dès 1869, il n’était plus à son compte et dirigeait la Compagnie d’emmagasinage de Montréal. En 1873, avec Andrew Allan*, George Alexander Drummond* et plusieurs autres, il fit constituer juridiquement la Compagnie d’emmagasinage des marchands, dont il fut nommé directeur la même année. Il se remit à son compte en tant que courtier vers 1882 et devint par la suite marchand céréalier. En 1912, tout en se retirant peu à peu du commerce des céréales, il assuma, à la Compagnie des bateaux à vapeur océaniques de Montréal appartenant à Hugh Allan* (connue sous le nom d’Allan Line), la direction de l’exportation à partir de l’Amérique du Nord. Il conserverait ce poste jusqu’à sa mort.
Tout au long de sa carrière, Watt s’employa à protéger et à promouvoir les intérêts des marchands montréalais. De 1862 à 1865, il fut trésorier du Bureau de commerce de Montréal. En 1862, il participa à la mise sur pied de l’Association de la halle au blé de Montréal, et fit partie de son comité de gestion en 1863–1864. Il soutenait la fédération de la halle avec le bureau de commerce, qui se réaliserait en 1886. Libre-échangiste, il avait fondé la Free Navigation League, organisme voué à l’abolition de tous les péages et droits de transport sur le Saint-Laurent entre l’océan Atlantique et les Grands Lacs. L’élimination des péages sur les canaux en 1860 par Alexander Tilloch Galt*, alors à la tête du département des Finances, avait représenté une victoire partielle et temporaire pour la ligue. En 1879, au nom des marchands importateurs et transporteurs océaniques de Montréal, Watt écrivit au ministre fédéral des Finances, Samuel Leonard Tilley*, pour lui faire part de son opposition au projet de loi sur le tarif et les douanes. En vertu de ce projet, la valeur imposable des importations serait établie au port d’exportation, mesure que Watt considérait comme une forme d’« extorsion légalisée » à l’encontre des importateurs de marchandises européennes et des transporteurs transatlantiques. En 1888, comme Watt avait contribué à convaincre le gouvernement fédéral de décharger le port de Montréal du fardeau de l’administration des droits perçus au lac Saint-Pierre – ce qui, dans les faits, transformait Montréal en port franc –, les marchands montréalais lui exprimèrent leur gratitude par la lecture d’un discours et la remise d’une coupe contenant 500 souverains. Deux ans après, au nom des transporteurs maritimes de Montréal, Watt et Andrew Allan protestèrent auprès du Sénat contre l’autorisation donnée par le gouvernement de construire d’autres ponts sur le Saint-Laurent. En 1903, même s’il se considérait comme un impérialiste libéral, Watt s’opposa aux propositions de préférence impériale mises de l’avant par l’homme politique britannique Joseph Chamberlain, parce qu’elles allaient à l’encontre de ses idées sur le libre-échange.
Watt participait à la vie culturelle, artistique, religieuse et scientifique de Montréal. Ce fervent presbytérien fréquentait l’église Erskine. Membre à vie de la Société d’histoire naturelle de Montréal, il en fut vice-président ; de plus, il appartint à son conseil et à plusieurs de ses comités. De 1862 à 1865, il occupa la direction générale du bimensuel de la société, le Canadian Naturalist, et, par la suite, il fut membre du comité de rédaction. Il collectionnait des spécimens de poissons et de plantes, et faisait autorité en matière de fougères. Dans les années 1860, il se mit à travailler à un catalogue de plantes indigènes et se fit aider par des amis pour recueillir des échantillons. En 1885, la direction du comité montréalais de la British Association for the Advancement of Science, dont il était membre, lui donna une montre en or pour sa contribution au succès de l’assemblée que l’association avait tenue à Montréal l’année précédente. Il avait figuré en 1860 parmi les premiers membres de l’Association des beaux-arts de Montréal, il appartint à son conseil de 1893 à 1895, ainsi qu’à des comités, et fut élu en 1895 membre bienfaiteur à vie. Apparemment, il collectionnait aussi des pièces d’artisanat, surtout de la broderie vénitienne et anglaise.
Watt, que d’aucuns tenaient pour un radical et un « publiciste vigoureux et habile », fut l’un des fondateurs de la Good Government Association of Montreal et de la Citizens’ League de Montréal. Il croyait au suffrage pour les adultes des deux sexes, moyennant certaines conditions touchant l’instruction et le domicile, et il se battit avec obstination pour que soient levés tous les obstacles à l’instruction des femmes. Il se signala surtout en tant qu’« âme dirigeante » de la Society for the Protection of Women and Children en travaillant inlassablement pour cette association et en défendant cette cause par des écrits qualifiés de « volumineux ». En 1892, il demanda à l’Assemblée générale de l’Église presbytérienne au Canada d’appuyer la campagne qu’il menait auprès du gouvernement fédéral en vue de faire modifier certaines dispositions du droit criminel pour protéger les mineurs, en particulier les jeunes filles, contre la « débauche ». L’Assemblée remit l’examen de cette question à une date indéterminée. Dans une requête de neuf pages qu’il avait adressée au même organisme en 1885, Watt avait précisé que la loi existante était insuffisante parce qu’elle protégeait mal les mineurs, immorale parce qu’elle ne permettait pas de punir les criminels et injuste parce qu’elle établissait une nette distinction entre riches et pauvres.
Les hommes politiques, y compris le ministre de la Justice, John Sparrow David Thompson*, semblent avoir été plus attentifs aux arguments de Watt. Entre autres révisions, le nouveau Code criminel de 1892 modifiait les articles douteux pour mieux protéger les mineurs contre la « souillure » et la prostitution. Non seulement l’âge du consentement pour toutes les femmes fut-il porté à 18 ans, mais l’âge pour « hébergement illicite dans une maison de débauche » fut porté à 20 ans et, pour la première fois, les mineurs des deux sexes furent visés.
David Allan Poe Watt était un homme sérieux et réfléchi qui s’intéressait à de nombreux domaines du savoir et s’engagea socialement pour de multiples causes. Il utilisa son esprit incisif et sa plume acérée pour s’assurer un niveau de vie confortable et travailler à l’amélioration de la société.
David Allan Poe Watt est l’auteur de trois brochures : An open letter to the Hon. the minister of finance in re « tariff of customs » (Montréal, 1879) ; Immoral legislation : a statement printed (but not published) for the information of the commissioners of the Presbyterian Church in Canada meeting in general assembly, Montreal, June 10, 1885 (s.l., s.d.) ; Moral legislation : a statement prepared for the information of the Senate (Montréal, 1890).
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Carman Miller, « WATT, DAVID ALLAN POE (David Allan Poe) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/watt_david_allan_poe_14F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
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