WALDEGRAVE, WILLIAM, 1er baron RADSTOCK, officier de marine et gouverneur de Terre-Neuve, né le 9 juillet 1753, deuxième fils de John Waldegrave, 3 e comte Waldegrave, et de lady Elizabeth Gower ; le 28 décembre 1785, il épousa à Smyrne, Turquie, Cornelia van Lennap, et ils eurent deux fils ; décédé le 20 août 1825 en Angleterre.

Entré dans la marine britannique en 1766, William Waldegrave fut promu lieutenant en 1772 et prit le commandement d’un navire dès 1775. Ayant servi avec distinction, il obtint le grade de contre-amiral en 1794 et celui de vice-amiral un an plus tard. Le 14 février 1797, à titre de commandant en troisième dans la flotte de sir John Jervis, il participa à la bataille du cap Saint-Vincent, au large de la côte portugaise. Pour avoir contribué à la victoire, on lui offrit un titre de baronnet, mais il le refusa, jugeant apparemment cette récompense indigne de sa qualité de fils de comte. Le 16 mai 1797, il fut nommé gouverneur et commandant en chef de l’île de Terre-Neuve « et des îles adjacentes, y compris les îles Saint-Pierre et Miquelon ».

Waldegrave se retrouvait donc en pleine guerre à la tête d’une partie de l’Empire britannique particulièrement exposée aux dangers. En septembre 1796, une escadre française avait attaqué et incendié Bay Bulls, établissement situé juste au sud de St John’s, et la menace française, toujours présente, allait amener Waldegrave à se préoccuper principalement d’affaires militaires tout au long de son mandat. Une grande partie de sa correspondance a trait aux convois, aux batteries, au recrutement et aux déserteurs, ceux-ci ne posant pas le moindre des problèmes étant donné la tendance des habitants à leur prêter asile. Mais les Français ne constituaient pas le seul danger. Peu après son arrivée, pendant l’été de 1797, le gouverneur constata qu’une mutinerie survenue dans la flotte britannique s’était étendue à Terre-Neuve, et il fallut réprimer un dangereux soulèvement parmi les marins du Latona. Même si « le calme le plus parfait » régnait parmi les quelque 5 000 habitants de St John’s, Waldegrave jugea nécessaire de faire prêter le serment d’allégeance en public, devant les magistrats, au sergent James Dayley, cantonné dans l’île, qui était soupçonné de sympathiser avec les mutins. Ceux-ci, croyait Waldegrave, avaient tenté de semer la sédition parmi les soldats de la garnison, dont beaucoup étaient des Irlandais catholiques. La suite des événements allait montrer que ses craintes n’étaient pas dénuées de fondement [V. James Louis O’Donel*].

Selon l’usage, Waldegrave servit comme gouverneur pendant trois ans, mais il ne restait qu’environ trois mois par an à Terre-Neuve et regagnait l’Angleterre à la fin d’octobre. Les Britanniques avaient instauré ce régime dans l’île longtemps auparavant, ce qui supposait qu’un gouvernement n’y était nécessaire que durant la saison de la pêche. Déjà, en 1791, John Reeves avait signalé aux autorités de Londres l’absurdité d’un tel arrangement. L’île, avait-il déclaré, « n’ [était] plus un endroit où ne [venaient] que des pêcheurs » mais, avait-il expliqué, « il s’y troue[ait] beaucoup de marchands qui ne s’occup[aient] pas du tout de pêche ». La population, s’était « accrue au point de former une société », et la présence d’un « pouvoir législatif » sur place aurait été utile. On commença à reconnaître ce changement de conjoncture pendant le mandat de Waldegrave ; en 1798, on décida en effet que le juge en chef résiderait toute l’année à St John’s. Cependant, il subsistait dans les milieux officiels une certaine résistance à admettre que Terre-Neuve devenait une colonie comme les autres, et Waldegrave maintint les vieilles restrictions sur la construction des maisons et publia des proclamations contre les dieters (ainsi qu’on appelait les employés qui restaient à Terre-Neuve pendant l’hiver). Quand les quatre magistrats de St John’s, qui agissaient comme une sorte d’Assemblée officieuse, firent valoir que « les circonstances [avaient] tant changé » à Terre-Neuve pendant la guerre que ces règlements n’avaient plus de sens, le gouverneur répondit qu’il y avait en effet des raisons « de ne pas trop presser » les dieters et que lui-même n’avait « jamais eu l’intention » d’appliquer « dans toute leur rigueur » les proclamations contre la construction. À l’instar de la plupart des gouverneurs en poste de 1770 à 1820, Waldegrave se montrait plus rigide qu’il ne l’était en fait. Néanmoins, il usa à l’occasion de son autorité pour empêcher la construction de maisons et pour en faire démolir d’autres.

En dépit de la prétention selon laquelle Terre-Neuve n’avait pas besoin d’un gouvernement permanent, elle en avait un dans les faits qui n’avait pas de caractère officiel et qui se composait de magistrats, de surrogates résidants, d’un shérif et d’autres fonctionnaires qui travaillaient à titre de volontaires. L’île comptait alors environ 30 000 âmes, et les changements économiques et sociaux qu’elle connaissait exigeaient d’être suivis. La pêche de la côte sud, surtout la pêche au hareng, prenait de l’expansion, ce qui augmentait le nombre de colons de la baie Fortune et de Bay d’Espoir. Le viol d’une femme par cinq hommes près de Harbour Breton fit comprendre à Waldegrave toute la nécessité de protéger les habitants contre l’anarchie qui régnait dans cette région isolée. La pêche au phoque, nouvel élément dans l’économie de Terre-Neuve, se faisait à bord de navires océaniques au début du printemps et requérait par le fait même une main-d’œuvre résidant en permanence dans l’île. Il n’était pas possible, surtout en temps de guerre, de faire venir chaque année des hommes de Grande-Bretagne pour faire cette pêche. De plus, l’état de guerre exigeait la délivrance de permis pour importer des approvisionnements des États-Unis et, avec l’expansion du commerce, l’émigration vers ce pays atteignait des proportions qui inquiétaient le gouverneur. Celui-ci avait aussi des motifs de se soucier de l’influence croissante des méthodistes et des catholiques, et il se montrait préoccupé par le nombre et la condition des démunis. Homme compatissant, Waldegrave prit des dispositions pour que soit créé un « comité de secours aux pauvres » qui recueillerait de l’argent parmi les résidents de St John’s. Pendant l’hiver de 1797–1798, près de 300 personnes, dont plus de la moitié étaient des enfants, reçurent de l’aide de cet organisme. Le gouverneur lui-même contribua généreusement au fonds, incita la garnison et l’escadre à faire de même et préconisa avec quelque succès la constitution de fonds semblables dans les villages de pêcheurs.

La classe d’habitants qui causait le plus d’ennuis à Waldegrave était cependant celle des marchands, qui formaient alors à Terre-Neuve un groupe d’intérêts puissant et organisé. « Le pouvoir des marchands dans les villages de pêcheurs est si grand, disait-il au secrétaire d’État à l’Intérieur, qu’ils règnent en parfaits despotes, étant les seuls propriétaires de la viande, de la boisson et des vêtements nécessaires pour assurer la subsistance de leurs malheureux sujets. » Voulant que les magistrats échappent à l’influence des marchands, Waldegrave proposa à Londres de leur verser un salaire à l’aide d’un impôt sur le rhum et d’un autre qu’auraient à payer ceux qui employaient des dieters. Quand le juge en chef Richard Routh* consulta les marchands de St John’s à propos d’un éventuel impôt sur le rhum (initiative pour laquelle Waldegrave le réprimanda avec colère), ceux-ci exprimèrent une opposition farouche, et la proposition d’un salaire aux magistrats fut abandonnée. Dans une lettre écrite à Routh à la fin de 1798, les marchands se dirent ennuyés de « n’être même pas autorisés à construire ou à réparer [leurs] maisons, sauf dans le but exprès de faire de la pêche » et affirmèrent qu’on devrait permettre aux pauvres de cultiver la terre dans certaines parties de l’île. Ces thèmes seraient repris par les réformistes au xixe siècle [V. William Carson*]. Waldegrave ne pouvait éviter d’avoir affaire aux marchands, mais il les considérait comme des parvenus. Dans des dépêches rédigées vers la fin de son mandat, il dénonçait leur « désir insolent d’indépendance » et mettait en garde contre leur influence sur la population. L’île, écrivait-il, est « de tous les coins des territoires de Sa Majesté celui qui est le plus susceptible d’adopter les doctrines de la liberté et de l’égalité ». Les remarques de ce genre semblent indiquer que Waldegrave s’affolait devant des mouvements mineurs d’insatisfaction.

Waldegrave eut comme successeur au poste de gouverneur Charles Morice Pole, dont le mandat entra en vigueur le 3 juin 1800. Plus tard, la même année, il fut fait pair d’Irlande avec le titre de baron Radstock, puis, en 1802, il devint amiral. En fait, après avoir été gouverneur de Terre-Neuve, il n’occupa plus d’autre poste au service de son pays.

William Waldegrave se révéla un gouverneur prudent, conservateur et peut-être hypersensible. Il défendit avec fermeté, mais sans beaucoup d’habileté ou de patience, les intérêts de la Grande-Bretagne et montra de la compassion pour les membres démunis de la communauté de Terre-Neuve.

Patrick O’flaherty

NMM, WYN (mfm aux PANL).— PANL, GN 2/1/A, 12–15.— PRO, CO 194/38–42 ; 195/15.— DNB.— James Ralfe, The naval biography of Great Britain [...] (4 vol., Londres, 1828), 2 : 27–31.— W. L. Clowes, The Royal Navy ; a history from the earliest times to the present (7 vol., Londres, 1897–1903).— Prowse, Hist. of Nfld (1895).

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Patrick O’flaherty, « WALDEGRAVE, WILLIAM, 1er baron RADSTOCK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/waldegrave_william_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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