TREMBLAY, HENRI-JEAN, prêtre, missionnaire, procureur du séminaire de Québec à Paris, directeur du séminaire des Missions étrangères de Paris, né en 1664, probablement à Lagny (Lagny-sur-Marne), France, et décédé à Paris le 9 juillet 1740, et non 1741 ou 1747, comme certains auteurs l’ont prétendu.
Henri-Jean Tremblay entra au séminaire des Missions étrangères de Paris en 1686 et y reçut le sous-diaconat l’année suivante. Ses supérieurs le destinaient aux missions d’Orient, mais Mgr de Laval*, qui avait aussi les yeux sur lui, réussit de justesse à l’obtenir pour son séminaire de Québec et le fit aussitôt partir pour le Canada. Dans une lettre datée du 9 juin 1687, le prélat avertit les officiers du séminaire que M. Tremblay était la seule recrue qu’ils recevraient cette année-là. Mais il s’agissait d’un candidat d’élite, ayant « de la grâce et de la docilité, le jugement bon, l’esprit ferme et généreux [...] Il est sage et prudent, poursuivait le fondateur, capable autant que je puis juger de secret et auquel on peut avoir confiance », bref, « l’esprit le mieux trempé de tous les sujets qui se sont présentés depuis plus de deux ans ». Aussi les directeurs étaient-ils invités à « prendre soin de former et conduire M. Tremblay dans la vertu non pas comme un simple missionnaire pour remplir une cure », mais en vue de son agrégation au « corps du Séminaire » dont, à n’en pas douter, il deviendrait sous peu l’un des plus fermes appuis. Toutefois, Mgr de Laval recommandait de ménager le nouveau venu pour lui permettre de « se faire à l’air du pays et prendre l’esprit du Séminaire » ; son apprentissage terminé, on pourrait ensuite le mettre à la tête du petit séminaire qu’il était « de la dernière conséquence de maintenir dans l’esprit de grâce ».
On ignore si l’abbé Tremblay reçut, peu après son arrivée, la direction des écoliers ; il est certain, en tout cas, que ses supérieurs eurent tôt fait de découvrir qu’il possédait toutes les qualités d’un excellent homme d’affaires. Lorsque Mgr de Saint-Vallier [La Croix*] lui eut conféré le diaconat le 30 novembre et la prêtrise le 18 décembre 1688, le supérieur, Henri de Bernières*, et ses collègues n’hésitèrent pas un instant à nommer leur jeune confrère directeur et procureur du séminaire. Cependant, l’évêque de Québec avait, lui aussi, remarqué ses mérites, Après avoir tenté de l’attacher à sa personne, il lui enjoignit d’aller desservir la paroisse Saint-Pierre, île d’Orléans. Henri-Jean Tremblay accepta de bon gré cette obédience imprévue et se rendit à son poste au début de novembre 1689. Il y demeura trois ans. Mais ce fut son dernier emploi au Canada. En 1692, Mgr de Laval et les directeurs décidèrent de lui confier la procure du séminaire et du chapitre de Québec à Paris, demeurée vacante depuis la mort de Jean Dudouyt* en 1688. Mgr de Saint-Vallier n’ayant pas soulevé d’objection, le procureur, l’automne venu, s’embarqua pour la France.
Ce n’est pas sans appréhension que l’abbé Tremblay avait accueilli sa nomination et, au cours des premières années de son administration, il fut souvent tenté de « déposer cette crasse que le soin des choses temporelles entraîne après soi, disait-il, et qui affaiblit si fort l’ardeur pour les choses de Dieu ». À plusieurs reprises, il réclamera un remplaçant et la permission de se vouer à quelque obscure mission du Canada ou de l’Acadie. Mais le procureur s’acquittait de sa tâche avec tant de compétence et un zèle si exemplaire que le fondateur et les officiers du séminaire de Québec auront bien garde de le déplacer. Du reste, les directeurs des Missions étrangères à Paris n’auraient pas laissé partir un collaborateur qui leur était devenu indispensable. Après l’avoir élu directeur en 1694, ils le chargèrent, à compter de 1697, de la procure du séminaire proprement dit et de celle de toutes les missions d’Asie. En 1736, ses collègues, malgré son âge et ses infirmités, le choisiront pour assistant du supérieur et lui renouvelleront son mandat en 1739.
Bien que l’abbé Henri-Jean Tremblay fût fort lié avec ses confrères de Paris, c’est néanmoins le séminaire de Québec qui demeura l’objet de ses préférences. « Je vous supplie, écrivait-il à M. de Bernières en 1694, de me regarder toujours comme un des membres du Séminaire, plein du désir de lui être utile et de rendre service à toute la mission du Canada. » Non seulement le fondateur du séminaire de Québec et ses dirigeants, mais aussi les autres membres de la communauté, curés et missionnaires de la Louisiane et de l’Acadie, séminaristes et écoliers mêmes, profitèrent largement de l’entière disponibilité du dévoué procureur [V. François Charon* de La Barre]. Chaque automne, il recevait du Canada un volumineux courrier, auquel il s’efforçait de répondre avec la plus grande attention. L’abbé Tremblay n’oubliait personne et sa vigilance s’étendait jusqu’aux moindres détails. Il acquittait de son mieux les lettres de change, payait les factures, procédait lui-même, à Paris, ou par l’entremise de ses agents de Caen et de Châteauroux, à l’achat des provisions et autres effets de toute espèce qu’on lui avait demandés et en surveillait ensuite l’envoi à La Rochelle. Le procureur ne se bornait pas à ce rôle d’intermédiaire : il savait aussi distribuer à chacun des conseils et des avis ou encore commenter les dernières nouvelles avec un à-propos qui témoignait de la sûreté de son jugement et de sa connaissance des hommes et des événements [V. Goulven Calvarin* ; Albert Davion* ; François Dupré*]. Quand il croyait devoir le faire dans l’intérêt de ses correspondants, fussent-ils Mgr de Laval et les officiers du séminaire, l’abbé Tremblay ne se faisait pas faute de multiplier, avec respect et charité toujours, les remontrances et les admonestations [V. Nicolas Foucault*].
Administrateur consciencieux, le procureur du séminaire s’était donné pour règle de prévoir l’avenir prudemment et de prendre en toutes choses de justes mesures pour assurer la conservation de l’œuvre du séminaire de Québec. Or, ses confrères de Québec lui paraissaient au contraire diriger leurs entreprises sans aucune prévoyance et dépenser leurs revenus comme s’ils eussent été inépuisables [V. Jean-Baptiste Gaultier* de Varennes]. Combien de fois ne leur reprocha-t-il pas d’admettre gratuitement un trop grand nombre d’écoliers ou encore d’avoir « toujours la truelle à la main au Séminaire, à la Canardière, à Saint-Michel et à l’Ile Jésus ». À son vif désappointement, l’abbé Tremblay ne parvint pas à convaincre les directeurs de changer de conduite [V. Jean-François Buisson* de Saint-Cosme (1660–1712)]. Ceux-ci lui ayant écrit un jour que leurs comptes étaient bien difficiles à établir : « Connaissez-vous les miens ? » répliqua-t-il vertement. On était alors en 1707, et la liste de ceux qui mettaient à contribution le dévouement et le savoir-faire du procureur s’était allongée considérablement, au cours des récentes années. Au cas où les supérieurs l’eussent oublié, Henri-Jean Tremblay entreprit de le leur rappeler. Il avait à gérer les affaires du séminaire de Paris, du séminaire et du chapitre de Québec, des bénéfices, abbayes et prieurés de Normandie, Touraine et Berry, qui leur étaient unis, de toutes les missions, tant orientales qu’occidentales, enfin, de l’Hôtel-Dieu et de l’Hôpital Général de Québec. Encore faisait-il grâce à ses correspondants d’énumérer nombre de comptes particuliers dont il ne pouvait se dispenser de prendre soin, comme, par exemple, ceux de Mgr de Laval et de sa famille ou d’amis et de relations à Paris et en province. Chaque année, plus de 70 000# lui passaient ainsi par les mains. « Si tout cela, concluait le procureur, vous paraît plus facile à ranger que la recette et la dépense pendant une année du Séminaire et du Chapitre de Québec, je n’y comprends rien ! »
Malgré le peu d’effet que produisaient ses véhémentes objurgations, l’abbé Henri-Jean Tremblay, cependant, ne se laissa jamais abattre. « Je ne me décourage pas aisément, écrivait-il à Mgr de Laval, et quoique je parle fortement à Votre Grandeur et à nos Messieurs, je ne jette pas le manche après la cognée. » Il était en effet persuadé que le séminaire de Québec était vraiment l’œuvre de Dieu, ainsi qu’il l’écrivait à l’abbé Louis Ango* Des Maizerets en 1696. « J’en vois tous les jours de nouvelles marques, ajoutait-il, et c’est ce qui me soutient dans les peines et les chagrins que mon emploi entraîne après soi. » La confiance que lui manifestaient les supérieurs du séminaire ne contribuait pas peu à le réconforter. Mgr de Laval, en particulier, le tenait en haute estime et n’avait pas de secret pour lui. Le procureur, de son côté, éprouvait une profonde vénération pour « le cher ancien prélat ». Quoiqu’il désapprouvât le goût, à son avis trop prononcé, du fondateur pour les beaux bâtiments de pierre, l’abbé Tremblay n’osait pas souvent le réprimander directement. Il préférait s’en remettre à ses confrères : « Il a tant de bonté, écrivait-il à M. Des Maizerets, qu’il entendra toujours raison quand on la lui représentera doucement. » Par ailleurs, l’abbé Tremblay combattra avec la dernière énergie tous ceux qui menaceront de détourner le séminaire de Québec de sa vocation. Mgr de Saint-Vallier, qui prétendait réduire l’institut fondé par son prédécesseur au seul rôle de former les jeunes clercs, devait rencontrer dans le procureur un adversaire irréductible. Il en fut de même des jésuites lorsque ceux-ci, à partir de 1698, s’opposèrent à la présence des prêtres du séminaire de Québec au Mississipi [V. Jean-François Buisson* de Saint-Cosme (1667–1706)]. Henri-Jean Tremblay défendit également, et avec non moins d’ardeur, contre la Compagnie de Jésus, la thèse soutenue par la Société des Missions étrangères dans l’affaire des « Rites chinois ». Plusieurs de ses lettres constituent à cet égard un témoignage non équivoque des violences, au moins verbales, que cette déplorable querelle déchaîna dans les milieux ecclésiastiques au xviiie siècle.
Cependant, le labeur écrasant que s’imposait l’abbé Tremblay ne pouvait manquer de miner sa santé. Déjà, durant son séjour au Canada, il s’était infligé une hernie, accident fréquent à l’époque et qu’on attribuait à l’usage des raquettes à neige. À cette première incommodité, d’autres vinrent s’ajouter en 1706. « Vous apprendrez, annonça-t-il à l’abbé Charles de Glandelet*, son confident, l’affliction que Dieu m’a envoyée de me rendre goutteux à l’âge de 42 ans [...] Je suis devenu en cette année un homme de fluxions et d’infirmités. » Son état continuant de s’aggraver, il fallut bien lui donner en 1712, en la personne de François de Montigny, ancien missionnaire au Mississipi et en Chine, un assistant à la procure des missions. Quelques années plus tard, sa vue commença de s’altérer. Atteint d’une cataracte à l’œil gauche et devenu presque aveugle en 1728, Henri-Jean Tremblay se résigna à remettre l’administration de ses affaires à M. de Montigny. Une opération subie avec succès en 1732 lui rendit l’usage de ses yeux à la grande joie de son entourage et de ses confrères de Québec. Mais il n’avait jamais pu se guérir de sa goutte. C’est cette affection qui entraîna sa mort le 9 juillet 1740.
Avec l’abbé Henri-Jean Tremblay, disparaissait, comme les directeurs du séminaire de Paris le soulignèrent en annonçant son décès à Québec, « le plus ancien de tout notre corps et même de tous les missionnaires du Canada ». Pour sa part, le séminaire de Québec perdait dans son ancien procureur le dernier survivant de l’époque des fondateurs et, sans contredit, l’un de ses bienfaiteurs les plus insignes.
La principale documentation manuscrite consiste dans la correspondance de l’abbé Henri-Jean Tremblay, conservée aux ASQ. En plus d’un certain nombre de mémoires et d’états de compte, on y trouve une centaine de lettres, longues parfois de quelque 100 pages. On peut aussi consulter aux ASQ la correspondance échangée entre le séminaire des Missions étrangères de Paris, d’une part, et Mgr de Laval et les directeurs du séminaire de Québec, d’autre part. Voir également AAQ, 12 A, Registres d’insinuations A, passim, et ANQ, Copies d’archives d’autres dépôts, Paroisses, Saint-Pierre, île d’Orléans. [n. b.]
Provost, Le séminaire de Québec : documents et biographies, 202, 429.— Adrien Launay, Mémorial de la Société des Missions étrangères (2 vol., Paris, 1912–1916), II : 609.
Noël Baillargeon, « TREMBLAY, HENRI-JEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tremblay_henri_jean_3F.html.
Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:
Permalien: | http://www.biographi.ca/fr/bio/tremblay_henri_jean_3F.html |
Auteur de l'article: | Noël Baillargeon |
Titre de l'article: | TREMBLAY, HENRI-JEAN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |