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TODD, JACOB HUNTER, homme d’affaires et homme politique, né le 17 mars 1827 près de Brampton, Haut-Canada, fils de John Todd et d’Isabella Hunter ; le 25 janvier 1854, il épousa à Brampton Anne Fox (décédée en 1866), et ils eurent deux fils et deux filles, dont un fils et une fille atteignirent l’âge adulte, puis le 24 mars 1873, au même endroit, Rosanna Wigley, et ils eurent cinq fils, dont trois moururent en bas âge, et deux filles ; décédé le 10 août 1899 à Victoria.
D’après les descendants de Jacob Hunter Todd, son père, un fermier irlandais qui passait plus de temps à chasser le renard qu’à cultiver, immigra en 1816 aux États-Unis ; sa femme l’y rejoignit deux ans plus tard. Il exerça plusieurs métiers à New York avant de s’établir en 1820 dans une ferme du canton de Trafalgar, dans le Haut-Canada, préférant, selon les termes du Canada Christian Advocate, la « vie sous l’autorité britannique ». On sait peu de chose sur la jeunesse de Jacob, sinon qu’il fit des études élémentaires et travailla à la ferme familiale. Plus tard, son frère et lui vendirent des machines à coudre de porte à porte, en se déplaçant à cheval et en chariot. C’était une petite entreprise aux revenus modestes.
Todd et sa femme Anne s’installèrent à Victoria, dans l’île de Vancouver, en 1862, année où l’on érigea la ville en municipalité. Jacob arriva le premier en mai, après un voyage de cinq semaines en train à travers les États-Unis, puis en bateau à vapeur, de San Francisco à Esquimalt, dans l’île de Vancouver. Il se peut qu’il soit retourné dans le Haut-Canada plus tard au cours de l’année pour accompagner sa femme et ses enfants qui faisaient route à leur tour vers l’Ouest ; leur fille âgée de deux ans mourut apparemment à bord du navire parti de San Francisco.
Moins de deux semaines après son arrivée en mai, avec seulement 575 $ en poche, Todd lança sa première entreprise : il importa 296 boisseaux de pommes de terre de Seattle, et réalisa sur leur revente un bénéfice net de 148 $ après avoir engagé des dépenses de 356 $. Sa deuxième entreprise digne de mention fut la construction d’une clôture autour de la propriété du gouverneur James Douglas*. En récupérant des douves en bon état sur des barils mis au rebut, il obtint les matériaux presque gratuitement et put ainsi toucher un profit appréciable. Cette clôture demeura un objet de fierté pour Todd, même après qu’il fut devenu l’un des citoyens les plus riches de la colonie. Cependant, c’est surtout d’avoir fait la connaissance du gouverneur qui devait lui porter chance. Dès le départ, Douglas éprouva de la sympathie pour Todd, en qui il voyait un homme d’initiative et attaché aux institutions britanniques.
Todd se rendit en 1863 dans la région de Cariboo, sur le continent, et ouvrit un magasin général à Barkerville, au cœur de la région aurifère [V. William Barker]. L’incendie qui détruisit la ville en 1868 lui fit perdre environ 10 000 $ en marchandises et en bâtiments, mais il reconstruisit immédiatement. Reconnu pour son honnêteté, Todd, qui avait choisi comme devise pour son magasin Vivre et laisser vivre, était populaire auprès des mineurs, Blancs ou Chinois. Son magasin prospéra, et il était disposé à accorder des avances aux mineurs et aux prospecteurs en qui il avait confiance. Même s’il disait souvent que plus d’or allait en terre qu’on n’en retirait, il spécula avec beaucoup de perspicacité sur des concessions et propriétés aurifères, malgré qu’il ne soit jamais devenu mineur lui-même. Ce succès est sans doute en partie attribuable à sa position de marchand, puisqu’il arrivait parfois qu’on lui règle des dettes avec des concessions minières.
Todd passait l’hiver avec sa famille à Victoria, mais retournait chaque printemps dans les régions aurifères. Il quitta Barkerville en 1873, au moment où les mines de la région de Cariboo commençaient à s’épuiser, pour établir de nouvelles entreprises dans l’île de Vancouver et sur la côte. Il ouvrit, rue Wharf à Victoria, un magasin de marchandises sèches et de fournitures pour les navires destinés à la chasse au phoque ; il avait aussi une épicerie dans le bas de la rue Yates. En 1875, il fonda la firme J. H. Todd, épicerie en gros, pour approvisionner les régions intérieures sur le continent. Deux ans plus tard, il fit entrer son fils Charles Fox dans la compagnie et la rebaptisa J. H. Todd and Son. Peu après son départ de Barkerville en 1873, Todd, veuf depuis sept ans, était retourné quelque temps en Ontario pour épouser une institutrice de 35 ans, de Brampton. Il ne lui permit pas de continuer d’enseigner, mais elle eut d’autres occupations dans la collectivité ; elle figura notamment parmi les premiers jardiniers amateurs sérieux qui furent à l’origine de la renommée de Victoria, et soutint fidèlement les activités de l’église anglicane St John.
L’entreprise la plus importante de Todd après son départ de la région de Cariboo fut de se lancer dans l’industrie de la mise en conserve du saumon. On exploitait des conserveries en Colombie-Britannique depuis le début des années 1870, et cette industrie prit de plus en plus d’importance dans la vie économique de la province vers la fin de la décennie [V. Alexander Ewen*]. La marque de commerce « Horseshoe » de la J. H. Todd and Son fut la première à être déposée, soit en 1881. Avec un certain nombre d’autres investisseurs, l’entreprise acheta l’année suivante la Richmond Cannery, située à proximité du fleuve Fraser, puis elle construisit la Beaver Cannery en 1889 ; elle finirait par posséder cinq conserveries sur la côte, dont la plus importante, l’Empire Cannery située à Esquimalt, qu’elle achèterait en 1906. Le succès de Todd était en partie attribuable à l’expérience des affaires qu’il avait acquise dans d’autres domaines. Par exemple, il saisissait l’importance de la publicité et, quand les conserveurs eurent de la difficulté à vendre le saumon sockeye, il lança une vaste campagne publicitaire avec le slogan suivant : « Ce saumon est garanti [contre la perte de] couleur une fois en conserve. »
Todd fut aussi l’un des premiers à établir des parcs à poissons sur une vaste échelle commerciale. Des quatre qui furent exploités par l’entreprise, celui qui était situé près de Sooke survécut jusqu’au milieu des années 1950, probablement le seul parmi les premiers parcs de pêche à durer aussi longtemps. Todd et ses fils Charles Fox et Albert Edward, qui se joignirent tous deux à l’entreprise, choisissaient bien les endroits où ils disposaient les trappes, ce qui rendait cette activité fort lucrative. Par ailleurs les pêcheurs qui utilisaient des bateaux détestaient les Todd à cause de l’efficacité de leur méthode pour capturer du poisson de grande qualité. Parmi la centaine d’hommes employés à Sooke, un grand nombre étaient des gardiens engagés pour prévenir le vandalisme. À la fin des années 1880, la remonte des saumons diminua et le gouvernement fédéral imposa de nouveaux règlements [V. Thomas Mowat], qui amenèrent les propriétaires de conserveries et les pêcheurs indépendants à se faire concurrence pour obtenir des permis de pêche ; les Todd consacreraient des mois et de fortes sommes à exercer des pressions à Ottawa en vue d’obtenir des concessions pour l’entreprise familiale.
Todd adopta les progrès de l’industrie de la pêche avec l’énergie qui le caractérisait. Il possédait un grand nombre de petits bateaux que les pêcheurs pouvaient louer contre un pourcentage de leurs prises. Il acheta des remorqueurs pour amener les bateaux des conserveries ou des villages jusqu’aux lieux de pêche. Il fit construire des bateaux à vapeur pour acheminer le poisson vers des conserveries éloignées. Todd étendit ses marchés en Grande-Bretagne et en Europe ; il remporta d’ailleurs des prix avec sa marque de commerce à des expositions tenues au Crystal Palace de Londres et à d’autres foires mondiales. Grâce aux efforts de la famille Todd et d’autres industriels de la pêche, le saumon en conserve devint un aliment populaire, particulièrement en Grande-Bretagne, où ce produit passait pour le « festin de l’ouvrier ».
Au cours des années 1880 et 1890, Todd investit une grande partie de ses profits dans l’immobilier ; il possédait des terrains commerciaux et résidentiels dans la plupart des villes de la province, surtout à Vancouver, ainsi que de vastes terres agricoles dans la vallée du fleuve Fraser. À son décès en 1899, les journaux signalèrent que sa succession était la plus importante à avoir été homologuée en Colombie-Britannique.
Todd ne s’intéressa pas seulement aux affaires ; il prit aussi une part active à la vie publique. Il se porta candidat pour représenter le district de Cariboo à la chambre des Communes aux élections qui suivirent l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération en 1871, mais il fut défait. Avant les élections de 1878, il réussit à se faire désigner candidat du parti libéral-conservateur dans Victoria mais, lorsque sir John Alexander Macdonald perdit son siège en Ontario, Todd céda sa place au chef du parti. Il obtint en retour la promesse de la construction d’un bassin de radoub pour la province, bassin qui fut par la suite construit à Esquimalt, à la grande déception des citoyens de Vancouver. Todd fut échevin à Victoria durant deux ans et participa à la fondation du bureau de commerce de la ville.
Dans les quelques lettres conservées après sa mort, Jacob Hunter Todd donne l’image d’un homme austère typique de l’époque victorienne ; à ses fils étudiants dans le Haut-Canada, il demande d’être pieux, de bien se conduire et, surtout, de s’abstenir de dépenses inconsidérées. Il fut sans doute très déçu de voir sa fille Sarah Holmes s’enfuir avec un élégant médecin de Victoria, le docteur John Chapman Davie (frère des premiers ministres provinciaux Alexander Edmund Batson Davie* et Theodore Davie). Même s’il passa pour un homme d’affaires dur, il ne le fut probablement pas plus que ses collègues. Chose certaine, il était honnête en affaires comme dans sa vie privée, et généreux envers sa collectivité et sa congrégation. Il était réputé pour l’aide qu’il apportait aux personnes en difficulté, et le fait que les prêts qu’il consentait étaient généralement remboursés atteste de son bon jugement ; rien n’indique qu’il profitait du malheur des autres en leur imposant de lourdes modalités de remboursement. Il fit preuve de générosité et d’ouverture à l’égard des immigrants chinois, contrairement à l’attitude générale à son époque. Ses contemporains lui témoignaient beaucoup d’estime et le considéraient, selon la notice nécrologique parue dans le Daily Colonist, comme l’« un de ceux qui acquirent à Victoria sa réputation de centre commercial [de la région désignée à l’époque sous le nom de] Nord-Ouest pacifique ».
Mme J. W. [Sheila] Anderson de Victoria et Bridget Bartlett Todd (Mme Fialkowska) de Senneville, Québec, ont fourni les renseignements qui ont servi à la préparation de cette biographie. [d. a.]
British Columbia Geneal. Soc. (Richmond), File information on J. H. Todd.— Univ. of B.C. Library, Special Coll. (Vancouver), M634 (Todd and Sons Company, Ltd., records).— Victoria City Arch., File information on J. H. Todd.— Canada, Parl., Doc. de la session, 1893, nº 10c.— Canada Christian Advocate (Hamilton, Ontario), 8 mars 1854.— Daily British Colonist and Victoria Chronicle (Victoria), 6 janv., 27 oct. 1863, 28 avril 1872.— Daily British Whig, 10 mars 1873.— Daily Colonist (Victoria), 11 août 1899.— B.C. directory, 1863, 1877–1878, 1883.— Cicely Lyons, Salmon & our heritage : the story of a province and an industry (Vancouver, 1969).— H. W. McKervill, The salmon people : the story of Canada’s west coast salmon fishing industry (Sidney, C.-B., 1967).— Daily Colonist, 5 nov. 1961.
David Anderson, « TODD, JACOB HUNTER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/todd_jacob_hunter_12F.html.
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Auteur de l'article: | David Anderson |
Titre de l'article: | TODD, JACOB HUNTER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |