TESSIER, ULRIC-JOSEPH (baptisé Joseph-Ulric), auteur, avocat, homme politique, professeur, homme d’affaires, seigneur et juge, né le 3 mai 1817 à Québec, fils de Michel Tessier, marchand, et de Mariane Perrault, veuve de Jean Naud ; le 4 août 1847, il épousa à Rimouski, Bas-Canada, Marguerite-Adèle Kelly, petite-fille de feu Joseph Drapeau*, et ils eurent huit enfants ; décédé le 7 avril 1892 à Québec et inhumé le 11 suivant dans le cimetière Belmont, à Sainte-Foy.

Ulric-Joseph Tessier descend d’une famille rochelaise établie en Nouvelle-France en 1709. Il fait ses études classiques au petit séminaire de Québec de 1826 à 1835 puis, en 1836, il entre comme stagiaire dans le bureau de l’avocat Hector-Simon Huot*. Les 1er et 3 mai 1837, il publie dans le Télégraphe de Québec un conte romantique intitulé Emma ou l’Amour malheureux [...]. Inspiré par l’épidémie de choléra qui avait répandu la terreur à Québec en 1832, il brode une histoire autour du thème de la mort soudaine et de l’amour impossible. Tessier est admis au barreau de Québec le 22 juin 1839, à l’âge de 22 ans. On ne sait rien de l’activité et des préoccupations du nouvel avocat. Peut-être, à l’instar de la jeunesse de Québec, subit-il l’influence nationaliste d’Étienne Parent*, d’Augustin-Norbert Morin* et de Napoléon Aubin*. Le 9 février 1846, il fait irruption dans la vie politique municipale en devenant échevin du quartier Saint-Jean. Il participe régulièrement à divers comités, ceux du feu, des finances et des règlements en particulier, et prend un intérêt croissant à la chose publique. En 1847, il devient secrétaire-archiviste de la Société Saint-Jean-Baptiste de la cité de Québec. En août de la même année, son mariage avec Marguerite-Adèle Kelly, cohéritière de la seigneurie de Rimouski, lui permet d’entrevoir un avenir prometteur.

En décembre 1851, Tessier brigue les suffrages dans Portneuf sous la bannière réformiste. Élu à l’Assemblée législative de la province du Canada qui siège alors à Québec, il se montre volontiers indépendant par rapport au gouvernement. Il s’oppose notamment à ce que la province garantisse les emprunts nécessaires à l’amélioration du havre de Montréal et s’insurge contre la piètre organisation des sessions des cours de justice.

Tessier s’engage également dans le développement de la région de Québec. Il participe à la fondation de la Compagnie du chemin de fer de la rive nord, reconnue juridiquement en 1853. À titre de maire de Québec, du 14 février 1853 au 13 février 1854, il se montre soucieux de maintenir le crédit de la ville déjà grevé par une dette élevée ; il se contente donc de poursuivre les travaux d’aqueduc, de canalisation des égouts et de macadamisage des rues entrepris par ses prédécesseurs, puis de faire élargir la rue de la Montagne (côte de la Montagne). Libéré de ses mandats de député et de maire, Tessier voit à la publication, en 1854, de son étude intitulée Essai sur le commerce et l’industrie du Bas-Canada. Il accepte en 1855 une charge de cours à l’université Laval où l’on est en train de mettre sur pied une faculté de droit. Il reçoit cette année-là un doctorat en droit du même établissement, qui lui confie en 1856 la chaire de procédure civile. L’année suivante, il accepte d’aller à Londres plaider avec le maire de Québec, Joseph Morrin*, les droits de sa ville au titre de capitale permanente de la province du Canada. La reine Victoria choisira plutôt Ottawa [V. George-Étienne Cartier*].

En décembre 1858, Tessier participe à la fondation de la Banque nationale [V. François Vézina*], où il assumera les fonctions de président ou d’administrateur pendant 20 ans. À l’automne de 1858, il a effectué un retour en politique active en se faisant élire au poste de conseiller législatif de la division du Golfe, région où sa femme a des intérêts fonciers considérables. Il a défendu durant sa campagne un libéralisme modéré qui lui vaut d’être nommé, en mai 1862, commissaire des Travaux publics et leader du gouvernement au Conseil législatif dans le ministère de John Sandfield Macdonald* et de Louis-Victor Sicotte*. Il participe cette année-là à la conférence qui rassemble à Québec des délégués du Canada-Uni, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse pour discuter de la construction du chemin de fer Intercolonial, projet que les hommes d’affaires de Québec appuient vigoureusement et pour lequel le Canada-Uni s’engage alors à payer les sept douzièmes des coûts. Incapable de réconcilier les particularismes régionaux, le gouvernement Macdonald-Sicotte s’effondre le 8 mai 1863 sans que Tessier ait pu donner toute la mesure de son talent. Il redevient simple conseiller législatif et ses collègues le nomment, le 13 août, président du conseil, fonction qu’il remplira jusqu’au 1er juillet 1867.

Le changement de constitution n’affecte guère la carrière de Tessier. Le 22 mai 1867, il est appelé au Sénat pour représenter la division du Golfe. Il semble accepter cette nomination davantage pour le prestige qu’elle confère que par goût. Il s’ennuie à Ottawa et n’y séjourne que durant les sessions parlementaires. Ses intérêts sont ailleurs : d’abord à Québec, où il enseigne à l’université Laval et exerce sa profession dans le bureau Tessier, Hamel et Tessier, puis à Rimouski où son épouse hérite à la mort de sa mère, le 27 septembre 1869, de la seigneurie de Rimouski. Par la suite, il ne cesse d’accroître son patrimoine foncier, en acquérant les seigneuries du Bic, de Saint-Fabien, de Saint-Simon, de Saint-Mathieu, des Trois-Pistoles, puis une partie de la seigneurie de l’Île-d’Orléans.

Le 11 février 1873, Tessier est nommé juge à la Cour supérieure du district de Québec ; cette nomination l’oblige à laisser le Sénat. Déjà, en 1871, il avait confié l’administration de ses seigneuries à son fils Ulric. Le 8 octobre 1875, il est promu à la Cour du banc de la reine. Le même mois, il se rend à Rome négocier une nouvelle charte pontificale pour l’université Laval. Désormais, la justice et l’enseignement du droit accaparent le gros de ses énergies, même s’il demeure membre du conseil d’administration de la Caisse d’économie de Notre-Dame de Québec [V. François Vézina] jusqu’à la fin de sa vie.

En septembre 1891, assailli par la maladie, Ulric-Joseph Tessier donne sa démission comme juge. À sa mort, l’année suivante, il laisse une fortune évaluée à 347 446 $, composée d’obligations, d’actions dans des entreprises financières et commerciales, de dépôts bancaires, de biens fonciers et immobiliers. Avec lui disparaît l’un des derniers survivants de la génération qui, au sortir des rébellions de 1837–1838 – et sans doute influencée par Étienne Parent –, a concerté son action pour créer un ensemble de sociétés financières qui allaient permettre aux francophones de Québec de prendre leur place dans la vie économique de la cité et du pays.

Michèle Brassard et Jean Hamelin

Ulric-Joseph Tessier est l’auteur de : Emma ou l’Amour malheureux ; épisode du choléra à Québec en 1832, conte paru dans le Télégraphe de Québec les 1er et 3 mai 1837 et repris entre autres dans le Répertoire ou Recueil de littérature canadienne, James Huston, compil. (4 vol., Montréal, 1848–1850), 2 : 17–30. Il a aussi publié Essai sur le commerce et l’industrie du Bas-Canada (Québec, 1854). On trouve enfin « Rapport annuel du maire aux membres du conseil de ville de Québec », dans Rapport annuel du trésorier de la cité de Québec pour l’année 1853 (Québec, [18541), 1–4.

AC, Québec, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Québec, 11 avril 1892.— ANQ-BSLG, CE1-6, 4 août 1847 ; P-1.— ANQ-Q, CE1-1, 4 mai 1817.— Arch. de l’univ. Laval, 503/31/1.— ASQ, Fichier des anciens.— Canada, prov. du, Statuts, 1853, chap. 100.— Debates of the Legislative Assembly of United Canada (Abbott Gibbs et al.), 11.— Recensement de la ville de Québec en 1818 par le curé Joseph Signay, Honorius Provost, édit. (Québec, 1976).— Le Canadien, 8 avril 1892.— Le Courrier du Canada, 7 avril 1892.— L’Événement, 8 avril 1892.— Le Journal de Québec, 28 avril 1860.— Almanach de Québec, 1836.— Canadian directory of parl. (Johnson).— J. Desjardins, Guide parl.— DOLQ, 1.— Geneviève Guimont Bastien et al., Inventaire des marchés de construction des archives civiles de Québec, 1800–1870 (3 vol., Ottawa, 1975), 3.— Political appointments, 1841–1865 (J.-O. Coté ; 1866).— Political appointments and the judicial bench (N.-O. Coté).— Quebec directory, 1847–1877.— P.-G. Roy, les Juges de la prov. de Québec.— Turcotte, le Conseil législatif.— Univ. Laval, Annuaire, 1856–1892.— Wallace, Macmillan dict.— Georges Bellerive, Délégués canadiens français en Angleterre, de 1763 à 1867 [...] (Québec, [1913]).— L.-M. Côté et al., les Maires de la vieille capitale.— Antoine Gagnon, Monographie de Matane ([Rimouski, Québec], 1945).— Historique de la Banque d’économie de Québec (the Quebec Savings Bank), 1848–1948 (Québec, 1948).— Mosaïque rimouskoise ; une histoire de Rimouski, sous la dir. de M.-A. Caron et al. (Rimouski, 1979).— Raymond Rioux et Cyr Michaud, les Cent Ans de St-Ulric, de Tessierville à nos jours, 1869–1969 (Mont-Joli, Québec, 1969).— François Vézina, Récit historique de la progression financière de la Caisse d’économie de Notre-Dame de Québec (Québec, 1878).— « Un passé remarquable, un avenir prometteur : portrait de famille de la Banque nationale », La Presse, 25 mai 1985, cahier spécial : 2–3.

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Michèle Brassard et Jean Hamelin, « TESSIER, ULRIC-JOSEPH (baptisé Joseph-Ulric) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tessier_ulric_joseph_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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