DESBRISAY, THEOPHILUS, ministre de l’Église d’Angleterre, juge de paix, fonctionnaire et homme politique, né le 9 octobre 1754 à Thurles (république d’Irlande), fils de Thomas Desbrisay* et d’Ellen Landers (Landen) ; en 1778, il épousa Margaret Stewart, fille de Peter Stewart*, et ils eurent six fils et sept filles ; décédé le 14 mars 1823 à l’Île-du-Prince-Édouard.

En 1774, Theophilus Desbrisay obtint le, poste d’aumônier du gouverneur de l’île Saint-Jean (Ile-du-Prince-Édouard) par l’intermédiaire de son père, qui était lieutenant-gouverneur. Theophilus étudiait alors au Trinity College de Dublin et avait déjà reçu le diaconat. Le 3 juillet 1775, il fut ordonné prêtre par l’évêque de Waterford, même s’il n’avait pas encore l’âge canonique, puis il partit pour Charlottetown. Dans le détroit de Canso, le navire sur lequel il voyageait fut capturé par des corsaires américains qui venaient de piller la capitale. Après sa libération, il arriva à Charlottetown à la fin de l’année pour simplement découvrir qu’aucun montant n’avait été prévu pour sa subsistance et que la somme de £3 000 affectée par la couronne, en 1772, à la construction d’une église, d’un palais de justice et d’une prison avait été accaparée par le gouverneur, Walter Patterson*, pour payer le salaire des fonctionnaires.

Desbrisay trouva une place à bord d’un bâtiment de guerre, sur lequel il fut aumônier pendant deux ans. En 1777, on lui assura un traitement et il s’installa dans l’île. Lorsque la paroisse de Charlotte fut créée en 1781, il en devint le premier rector. Il exerça par la suite les fonctions de juge de paix et de sous-inspecteur des chemins. Le 7 octobre 1782, il siégeait déjà au Conseil de l’île Saint-Jean, mais sa démission fut acceptée le 16 avril 1784. Nommé au conseil une nouvelle fois le 15 mai 1787, il n’assista à aucune réunion après le 24 septembre ; le fait que son nom ne figure plus aux registres après cette date est peut-être lié à la réintégration, en octobre, de Phillips Callbeck* et de Thomas Wright*, entre autres, qui avaient été suspendus plus tôt cette année-là.

Les liens de parenté ou d’alliance qui unissaient Desbrisay à plusieurs de ses ouailles compliquèrent l’exercice de son ministère. Au début des années 1780, par exemple, il se trouva dans une situation difficile, tant sur le plan pastoral que sur le plan familial, lorsque le juge en chef Peter Stewart accusa sa propre femme, la marâtre de Mme Desbrisay, d’avoir été « compromise » par le gouverneur Patterson, et l’expulsa de son foyer.

De 1780 à 1801, Desbrisay vécut à Covehead, village paisible sur la côte nord de l’île ; il considérait Charlottetown comme « un lieu de perversion » et se trouvait « plus tranquille et heureux à la campagne ». Il se rendait en ville les fins de semaine pour célébrer l’office divin et consacrait le reste de son temps à sa famille et à l’entretien de son jardin, à l’instar des pasteurs anglais qui possédaient des terres. Les cérémonies religieuses avaient lieu dans des demeures privées ou, plus souvent, dans une maison qui abritait également la Cross Keys Tavem. Lorsque l’évêque de la Nouvelle-Écosse, Charles Inglis*, visita l’île en 1789, il dénonça ouvertement l’utilisation d’un « endroit aussi peu convenable » et marqua sa désapprobation en célébrant l’office au domicile de l’ancien gouverneur Patterson. Il reprocha également aux marguilliers et aux membres du conseil d’administration de n’avoir pas construit l’église ; ceux-ci rejetèrent alors la responsabilité sur Patterson qui avait utilisé à d’autres fins les sommes d’argent allouées par la couronne. Cependant, il fut satisfait de Desbrisay, qu’il décrivit comme un « jeune homme convenable et sensé ».

Après qu’une église fut construite à Charlottetown en 1800 et 1801, Theophilus Desbrisay s’établit dans cette ville, où il demeura jusqu’à sa mort en 1823. Il était considéré comme « un homme aux opinions libérales et au caractère bienveillant » qui « ne manquait pas de condamner les péchés les plus fréquents aussi bien en haut qu’en bas de l’échelle sociale, même si cette attitude froissait des gens haut placés ou auxquels il était apparenté ». Sa conception de la théologie et de ses fonctions pastorales était, selon les dires, marquée par les doctrines calvinistes de ses voisins écossais de foi presbytérienne. S’il en était réellement ainsi, cette influence était renforcée par ses antécédents familiaux, car les Desbrisay étaient à l’origine des huguenots français. Quoi qu’il en soit, il entretenait des relations pacifiques avec ceux dont les croyances religieuses différaient des siennes, en particulier les presbytériens, avec lesquels il partageait l’utilisation de l’église. Mais le respect dans lequel on le tenait ne modifia pas beaucoup le sort que l’Eglise établie, à laquelle il appartenait, allait connaître dans la colonie. Elle était en effet identifiée aux propriétaires absentéistes, à l’élite de Charlottetown et à la couronne (qui devait subvenir à tous ses besoins sans que les fidèles n’accomplissent aucun effort) ; de plus, Desbrisay manquait d’enthousiasme dans l’exercice de son ministère auprès des colons des régions rurales. L’Église d’Angleterre connut donc un très lent démarrage dans la colonie et ne commença à manifester des signes de dynamisme qu’à partir des années 1840.

Robert Critchlow Tuck

Diocesan Church Soc. of P.E.I. Arch. (Charlottetown), Peter MacGowan, diary ; Notes on the hist. of the Anglican Church in P.E.I., T. R. Millman et Edgar MacNutt, compil.— PAPEI, RG 5, minutes, 1782, 1787.— P.E.I. Museum and Héritage Foundation (Charlottetown), DesBrisay family notes.— St Paul’s Anglican Church (Charlottetown), Reg. of baptisms, marriages, and burials for the parish of Charlotte.— Prince Edward Island Register, 12 oct. 1824.— « Completion of the correspondence and joumals of the Right Reverend Charles and John Inglis, first and third bishops of Nova Scotia », APC Report, 1913, 227–283.— Frank MacKinnon, The government of Prince Edward Island (Toronto, 1951).— T. R. Millman et A. R. Kelley, Atlantic Canada to 1900 ; a history of the Anglican Church (Toronto, 1983).— George Patterson, Memoir of the Rev. James MacGregor, D.D. [...] (Philadelphie, 1859).— Percy Pope, « The Church of England in Prince Edward Island », Past and present of Prince Edward lsland [...], D. A. MacKinnon et A. B. Warburton, édit. (Charlottetown, [1906]), 244277.— Two hundred and fifty years young : our diocesan story, 1710–1960 (Halifax, 1960).— Warburton, Hist. of P.E.I.

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Robert Critchlow Tuck, « DESBRISAY, THEOPHILUS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/desbrisay_theophilus_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
Date de consultation:    28 novembre 2024