STEPHENS, GEORGE WASHINGTON, avocat et homme politique, né le 22 septembre 1832 à Swanton, Vermont, fils de Harrison Stephens* et de Sarah Jackson ; le 31 mai 1861, il épousa à Montréal Elizabeth Mary McIntosh, et ils eurent un fils, puis, en 1878 ou 1879, Frances Ramsay McIntosh, et de ce mariage naquirent un fils et deux filles ; décédé le 20 juin 1904 près de Saint-Alexis-des-Monts, Québec.

Fils d’un marchand du Vermont qui venait de s’établir à Montréal, George Washington Stephens naquit néanmoins au Vermont, où sa mère était en voyage. Son père devint rapidement un prospère homme d’affaires et propriétaire foncier de Montréal, et George Washington commença sa carrière dans un des commerces de quincaillerie de cette ville. Au début des années 1860, il s’occupa, avec son frère Sheldon Samuel Stephens, des vastes propriétés de la famille. Il obtint son diplôme en droit du McGill College en 1863, fut admis au barreau et s’associa, peu de temps après, à John Adams Perkins. Cette association fut cependant de courte durée car, en 1868, Stephens pratiquait le droit seul. Il avait rapidement attiré l’attention des juristes en représentant l’une des parties dans la cause Connolly c. Woolrich et Johnson et al. (1867), une affaire hautement controversée portant sur l’état matrimonial d’une autochtone, Suzanne Connolly*, qui avait épousé un trafiquant de fourrures, William Connolly*, à la façon du pays.

À la fin des années 1860, Stephens commença une carrière politique qui s’étendrait sur trois décennies. Il fit ses débuts en politique municipale en 1868, comme conseiller de Saint-Laurent, quartier majoritairement anglo-protestant de l’ouest de Montréal. Durant tout son mandat, il bénéficia d’un important appui de la part des milieux financiers et, en de nombreuses occasions, il exprima le point de vue des principaux capitalistes et grandes entreprises de Montréal. Quand le conseil municipal proposa une majoration importante de ses dépenses, Stephens commença à insister sur la rentabilité financière. Sa vigilance lui valut le titre de « fidèle chien de garde » du conseil municipal. À l’occasion, il remplaça le maire quand celui-ci s’absentait de la ville.

Après 15 ans sur la scène municipale, Stephens se lança en 1881 en politique provinciale comme candidat libéral dans la circonscription de Montréal-Centre. Un des principaux porte-parole de la minorité anglo-protestante dans l’opposition libérale, il ne mâchait pas ses mots lorsqu’il s’agissait d’accuser, à tort ou à raison, les différents gouvernements conservateurs qui se succédèrent de mauvaise gestion des finances publiques, et il fut fréquemment appelé à critiquer les exposés budgétaires du gouvernement. Pendant les années 1880, il s’attaqua particulièrement à l’énorme dette attribuable au financement d’une entreprise ferroviaire toujours en difficulté, le chemin de fer de Québec, Montréal, Ottawa et Occidental. En 1882, il s’opposa avec acharnement à l’adoption, par le gouvernement conservateur, d’un impôt direct sur les sociétés commerciales [V. Jonathan Saxton Campbell Würtele].

La controverse entourant la pendaison du chef métis Louis Riel* le 16 novembre 1885 aurait des répercussions sur la carrière politique de Stephens à l’échelle provinciale. Le chef du Parti libéral, Honoré Mercier*, avait sévèrement dénoncé les conservateurs, tant fédéraux que provinciaux, qui avaient appuyé la décision du gouvernement de sir John Alexander Macdonald* de ne pas sauver Riel de l’échafaud. Mercier avait entrepris de rallier les libéraux provinciaux et les dissidents conservateurs dans une coalition nationaliste, fondée sur la conviction que l’affaire Riel était un exemple patent de l’insensibilité des Canadiens anglais aux points de vue des Canadiens français. Avec la tension qui montait rapidement entre anglophones et francophones, la communauté anglo-protestante du Québec, de plus en plus agacée par Mercier, se tourna vers ses porte-parole politiques, dont Stephens, pour contrer la coalition nationaliste.

Stephens se trouva donc partagé entre sa loyauté envers le Parti libéral provincial et la colère de ses commettants. Il tenta d’éviter de parler de l’affaire Riel en attirant l’attention sur la mauvaise gestion des finances par le gouvernement conservateur, mais ce fut peine perdue. Quand le dissident conservateur Pierre Garneau déposa, le 28 avril 1886, une motion déplorant l’exécution du chef métis, et que les libéraux en déposèrent une autre condamnant les conservateurs provinciaux pour n’être pas intervenus dans l’affaire Riel, Stephens s’absenta de l’Assemblée. Son silence lui attira les critiques de ses commettants anglo-protestants. Soulignant que les électeurs étaient impatients de l’entendre, le Montreal Daily Star conclut que seule une déclaration sur le sujet pourrait mettre Stephens à l’abri du soupçon et lui éviter d’être accusé de duplicité.

Stephens s’avéra incapable de faire face aux critiques suscitées par son inaction. Défait dans Montréal-Ouest par le conservateur John Smythe Hall, en octobre 1886, il fut également battu aux élections de 1890 dans la même circonscription, renommée Montréal, division n4. Cependant, ces deux échecs consécutifs n’affaiblirent pas sa détermination et, en 1892, il réussit à se faire élire député de Huntingdon, circonscription située à l’extérieur de son château-fort montréalais. Quand les libéraux prirent le pouvoir en 1897, sa loyauté fut récompensée ; le 26 mai, le premier ministre Félix-Gabriel Marchand* le nomma ministre sans portefeuille, fonction qu’il occuperait également, à compter du 3 octobre 1900, dans le gouvernement de Simon-Napoléon Parent*. Toutefois, Stephens ne se porta pas candidat aux élections générales de décembre 1900. En 1902, il fut nommé à une commission provinciale sur la colonisation.

À la fin des années 1880, Stephens semblait avoir perdu ses appuis sur la scène politique provinciale à Montréal, mais il n’en avait pas moins conservé sa popularité sur la scène municipale. Élu échevin en 1889, il continua de surveiller l’administration financière de la ville et s’attaqua particulièrement à la clique qui entourait l’échevin Raymond Préfontaine. Il joua un rôle important dans la fondation de la Good Government Association of Montreal, créée pour favoriser l’efficacité dans l’administration publique.

Dans les deux dernières décennies du xixe siècle, Stephens joua un rôle central parmi ceux qui lancèrent le mouvement de réforme de la politique municipale montréalaise. Pendant les années 1890, ses attaques contre l’inefficacité et la mauvaise gestion du conseil municipal permirent de rassembler les opposants au maire Préfontaine et au président du comité des finances, Henri-Benjamin Rainville. Stephens parlait de leur conseil municipal comme d’un « conseil de spéculateurs » dont les extravagances étaient largement payées par les quartiers aisés de l’ouest de la ville. En juin 1892, il tira parti de sa double fonction de député provincial et d’échevin pour demander au gouvernement de Québec de geler la dette de Montréal. Quoiqu’il ait remporté un succès mitigé, sa demande donna néanmoins une grande impulsion à la réforme de la politique municipale.

L’activité politique n’empêcha pas George Washington Stephens de s’occuper de ses affaires financières et de mener une vie personnelle bien remplie. Nommé président de la Citizens Gas Company of Montreal et de l’Association de la bibliothèque de commerce de Montréal pendant les années 1880, il fut également membre du Bureau de commerce de Montréal, et fit partie de son conseil d’administration. Unitarien, il contribua à de nombreuses œuvres philanthropiques. Il fut notamment gouverneur du Montreal General Hospital et de l’hôpital protestant des aliénés. Membre du Fish and Game Protective Club of the Province of Quebec pendant toutes les années 1890 et au début des années 1900, il mourut en se rendant à son camp de pêche au lac à l’Eau Claire. Son fils George Washington ferait carrière en politique provinciale, de sorte que trois générations de Stephens laisseraient leur marque dans l’histoire du Québec.

Jack Jedwab

George Washington Stephens est l’auteur de Forestry and colonization : a report (Montréal, 1903).

ANQ-M, CE1-132, 2 févr. 1846, 31 mai 1861.— Gazette (Montréal), 21 juin 1904.— Montreal Daily Star, juill.–août 1886.— Montreal Daily Witness, juill. 1886.— Montreal Herald, juill. 1886.— Annuaire, Montréal, 1863–1900.— Atherton, Montreal.— R. W. Cox, « The Quebec provincial general election of 1886 » (thèse de m.a., McGill Univ., Montréal, 1948).— Michel Gauvin, « The municipal reform movement in Montreal, 1886–1914 » (thèse de m.a., univ. d’Ottawa, 1972).— RPQ.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, 3–11.

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Jack Jedwab, « STEPHENS, GEORGE WASHINGTON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/stephens_george_washington_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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