CONNOLLY, WILLIAM, trafiquant de fourrures, né vers 1786 à Lachine, Québec ; décédé le 3 juin 1848 à Montréal.
Embauché à titre de commis par la North West Company en 1801, William Connolly partit pour l’Ouest, où il allait rester 30 ans. En 1802–1803, il était à Nelson House (Manitoba) et, l’hiver suivant, il se trouvait non loin de là, à Rat River House. Il se préparait à passer l’hiver au lac Southern Indian avec cinq hommes lorsque, le 9 octobre 1804, il vit arriver David Thompson*, qui devait noter à son sujet : « [c’est] un jeune homme qui n’a guère eu sous les yeux que des exemples d’inconduite et d’extravagance ». En 1810, Connolly faisait de nouveau la traite à Nelson House.
Commis principal en 1817, Connolly devint chef de poste l’année suivante. De 1818 à 1821, il dirigea Cumberland House (Saskatchewan), où la Hudson’s Bay Company avait aussi un poste. En décembre 1819, il accusa le gouverneur de cette compagnie, William Williams, d’être indirectement responsable du sort tragique de Benjamin Joseph Frobisher*, Nor’Wester qui, après sa capture par Williams l’été précédent, s’était enfui aux rapides Grand (Manitoba) ; Connolly le croyait mort.
En pleine période d’intense rivalité entre la North West Company et la Hudson’s Bay Company, Connolly conclut le 1er décembre 1820 avec son concurrent de Cumberland House, Thomas Swain, une entente en vertu de laquelle « aucune des parties ne [devait] faire de transaction avec les Indiens qui traitaient avec l’autre [...] ni envoyer chercher des Indiens sans avoir donné un préavis de 12 heures à l’autre ». L’année suivante, la fusion vint mettre un terme à la lutte entre ces compagnies [V. Simon McGillivray] et Connolly demeura chef de poste au sein de la nouvelle organisation.
En août 1821, le conseil du département du Nord confia à Connolly la responsabilité du district de Petit lac des Esclaves. Il y demeura jusqu’en 1824 puis reçut une mission plus difficile : la gestion, de concert avec le chef de poste William Brown, du district de New Caledonia (Colombie-Britannique), où s’étaient produits « des différends et des cas d’insubordination graves ». Il établit son quartier général d’abord au lac Fraser, puis au lac Stuart. Le gouverneur George Simpson* avait demandé à Brown (qui allait quitter le district en 1826 pour cause de maladie) d’affirmer la présence de la Hudson’s Bay Company dans la lointaine région de la rivière Babine, car il jugeait que le district de New Caledonia pouvait expédier encore plus de fourrures. Le transport posait un problème majeur : les voyages par terre étaient difficiles, et on manquait de chevaux ainsi que de cuir pour faire des harnais. En 1825, année où Connolly devint agent principal, Simpson obtint l’autorisation d’annexer le district de New Caledonia à celui de la Colombie pour faciliter l’approvisionnement et le transport. En décembre, avec des chevaux de bât, Connolly longea le Fraser en direction du sud puis coupa vers le nord-ouest pour suivre la rivière Chilcotin jusqu’à son cours supérieur ; à cet endroit, constata-t-il, les chevaux pouvaient traverser la Chaîne côtière. Selon l’agent principal John McLoughlin*, cet itinéraire constituait le « chemin le plus court [...] entre New Caledonia et la mer ». Au printemps suivant, sur l’ordre de Simpson, Connolly apporta les fourrures de son district au fort Vancouver (Vancouver, Washington) plutôt qu’à la baie d’Hudson. Trois de ses hommes se noyèrent dans le Columbia en 1828, pendant qu’ils transportaient des fourrures vers l’océan, et des Indiens en tuèrent deux autres. Dans une lettre à James Hargrave*, d’York Factory (Manitoba), Connolly se plaignit qu’en raison de ces pertes et de la rareté des vivres, 1828 avait été l’année la plus triste de sa vie.
En 1829, Simpson jugeait que le district de New Caledonia était bien géré et en mars, dans une dépêche au comité de Londres de la Hudson’s Bay Company, il faisait l’observation suivante : « la situation du district de New Caledonia dénote une excellente administration et, si ses recettes n’ont pas augmenté aussi rapidement qu’on aurait pu le souhaiter, il faut l’attribuer uniquement à des circonstances malheureuses sur lesquelles l’agent principal Connolly n’avait aucune prise ». En juin, le conseil du département du Nord ordonna à Connolly de « faire de son mieux pour étendre la traite » dans la région de New Caledonia, « jusqu’à l’ouest et au nord des rivières Babine et Simpson, [secteurs] tombés aux mains des trafiquants américains et russes ». Connolly se trouvait au fort Vancouver lorsqu’on apprit, en août, que le William and Ann, navire ravitailleur de la Hudson’s Bay Company, s’était échoué à l’embouchure du Columbia et que les Indiens clatsops l’avaient pillé. McLoughlin l’envoya récupérer les marchandises avec un groupe d’hommes. Trois Indiens trouvèrent la mort dans le combat qui s’ensuivit et, lorsque la cargaison fut découverte, Connolly fit incendier le village indien où elle avait été cachée. En 1831, il abandonna l’administration du district de New Caledonia à Peter Warren Dease* ; selon Charles Ross, trafiquant de la région, il « laiss[ait] le district dans une situation bien plus prospère qu’auparavant ».
La même année, Connolly prit congé et retourna dans le Bas-Canada en compagnie de Suzanne*, une Crie qu’il avait épousée à la façon du pays vers 1803, et de leurs six enfants. Le 16 mai 1832, après avoir répudié Suzanne, il épousa sa petite-cousine Julia Woolrich. En juin, toujours pendant son congé, on le mit en charge de l’année de traite 1832–1833 dans les postes du roi, territoire que le Bas-Canada louait à la Hudson’s Bay Company. Il partit donc avec sa nouvelle femme pour Tadoussac, sur la rive nord du Bas-Saint-Laurent. Six ans plus tard, on ajouta la seigneurie de Mingan à son territoire.
Les dernières années de Connolly dans la traite des fourrures ne furent pas heureuses. D’abord, il devait subvenir aux besoins de sa famille indienne qui vivait à Montréal mais ne s’adaptait pas à la civilisation blanche. Ensuite, Julia était un peu maladive et gardait la nostalgie des agréments de la ville. Les Connolly s’absentaient donc souvent du poste de traite, au grand mécontentement de Simpson. En outre, comme celui-ci le fit remarquer à Connolly en avril 1841, la traite dans les postes du roi et les seigneuries adjacentes était devenue « excessivement improductive », et les postes ne présentaient plus « aucun intérêt, sinon à titre de protection […] pour les parties des territoires de la compagnie qui les jouxt[aient] ».
Plus tard le même mois, Connolly demanda un congé à la dernière minute. Simpson, mécontent de ce qu’il y avait droit, proposa au comité de Londres de le forcer à se retirer en lui demandant de choisir entre une affectation au fort Albany (Fort Albany, Ontario) et un congé de deux ans à la suite duquel il prendrait sa retraite. Le gouverneur savait que Julia Connolly ne laisserait pas son mari partir si loin de Montréal. Connolly choisit en effet le congé et prit sa retraite le 1er juin 1843 ; il conservait toute sa part du produit de l’année de traite 1843–1844 et, pour les six saisons suivantes, la moitié. Il s’installa avec Julia à Montréal, où ils menèrent « grand train ». Suzanne, de son côté, s’était retirée dans un couvent de Saint-Boniface (Manitoba) en 1841. Quand Connolly mourut, en 1848, il légua à Julia toute sa fortune, qui était considérable. En 1864, John Connolly, fils aîné de Suzanne, contesta le testament, ce qui déclencha une série de procès dans le but d’établir lequel des deux mariages était valide ; John eut finalement gain de cause.
William Connolly se disait « un brin Irlandais et [...] très fervent catholique ». Ross Cox*, ancien Nor’Wester, soutenait en 1817 que c’était « vraiment un bon garçon et un excellent fils de la verte Érin ». Quant à Simpson, il en a laissé ce portrait dans son « Character book » de 1832 : « homme actif et utile dont le zèle et les efforts ont généralement été couronnés de succès, qu’on peut croire sur parole dans la plupart des cas, [il est] selon moi incapable de rien faire de mesquin ou de déshonorant ». Par ailleurs, le gouverneur le trouvait « parfois hypocondriaque », fier, prompt à s’emporter et « plutôt dominateur et tyrannique ».
PAM, HBCA, B.49/a/35–36 ; B.141/a/1, 4 ; B.179/a/5 ; B.188/a/5 ; D.4/119 : fos 58–58d.— Les Bourgeois de la Compagnie du Nord-Ouest (Masson), 2 : 225–226.— Ross Cox, The Columbia River ; or, scenes and adventures during a residence of six years on the western side of the Rocky Mountains [...], E. I. et J. R. Stewart, édit. (Norman, Okla., 1957).— John Franklin, Narrative of a journey to the shores of the polar sea, in the years 1819, 20, 21, and 22 [...] (Londres, 1823 ; réimpr., Edmonton, 1969).— Hargrave, Hargrave corr. (Glazebrook).— HBRS, 2 (Rich et Fleming) ; 3 (Fleming) ; 4 (Rich) ; 10 (Rich) ; 18 (Rich et Johnson) ; 29 (Williams).— New light on the early history of the greater northwest : the manuscript journals of Alexander Henry [...] and of David Thompson [...], Elliott Coues, édit. (3 vol., New York, 1897 ; réimpr., 3 vol. en 2, Minneapolis, Minn., [1965]), 3.— Simpson, « Character book », HBRS, 30 (Williams).— The Lower Canada jurist (35 vol., Montréal, 1857–1891), 11 : 197–265.— Brown, Strangers in blond.— Rich, Hist. of HBC (1958–1959), 2.— Van Kirk, « Many tender ties ».
Bruce Peel, « CONNOLLY, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/connolly_william_7F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
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