HALL, JOHN SMYTHE, avocat, homme politique et rédacteur en chef, né le 7 août 1853 à Montréal, fils de John Smythe Hall, marchand de bois, et d’Emma Brigham ; le 3 janvier 1883, il épousa à Ottawa Victoria Rosina Brigham, et ils eurent quatre enfants ; décédé le 8 janvier 1909 à Calgary et inhumé le 14 à Montréal.

Issu de familles engagées dans le commerce et la transformation du bois, le jeune John Smythe Hall étudie au Bishop’s College de Lennoxville, dans la province de Québec, puis fait son droit au McGill College, où il obtient une licence en droit civil en 1875. Admis au barreau en janvier 1876, il entreprend une solide carrière juridique. Il exerce d’abord avec Donald Macmaster et, quelque temps plus tard, avec James Naismith Greenshields* dans le cabinet Macmaster, Hall, and Greenshields. En 1881, il se joint au prestigieux bureau conservateur Carter, Church, Chapleau, Carter, and Busteed. En compagnie d’Albert William Atwater, il y rejoint Edward Carter, Joseph-Adolphe Chapleau*, alors premier ministre de la province de Québec, et le conservateur Levi Ruggles Church*. La firme devenue la Church, Chapleau, Hall, and Atwater se transforme au gré des départs et des recrues et, en 1892, Hall se retrouve associé principal de la société connue alors sous le nom de Hall, Cross, Brown, and Sharp. Il établit des relations professionnelles et personnelles importantes, notamment avec Donald Alexander Smith*, de la Banque de Montréal et de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, Thomas George Shaughnessy* et William Cornelius Van Horne*.

Bien ancré dans la communauté d’affaires anglophone, conservatrice et protestante de Montréal, Hall entreprend à 33 ans une carrière politique provinciale. Il se fait élire député de Montréal-Ouest, le 14 octobre 1886, l’emportant par 127 voix de majorité sur le libéral George Washington Stephens. Réélu sans opposition, le 17 juin 1890, dans la nouvelle circonscription anglophone de Montréal, division no 5, puis à nouveau, le 8 mars 1892, avec plus des deux tiers des voix, il connaîtra la défaite en 1897.

Après sa première élection, Hall se retrouve dans l’opposition face au gouvernement national d’Honoré Mercier*, mis en place en janvier 1887, et le demeure jusqu’en décembre 1891. À titre de député, il s’intéresse de façon générale aux dossiers qui concernent Montréal et la minorité anglo-protestante, tout particulièrement la McGill University, au contrôle des corporations professionnelles sur le contenu des programmes universitaires donnant accès aux professions libérales, aux questions juridiques et aux conditions d’administration de la justice à Montréal, de même qu’à l’augmentation de la représentation électorale montréalaise. Il adopte des positions partisanes, mais relativement modérées, sur les sujets qui opposent les communautés francophone et anglophone de la province, notamment celui des biens des jésuites, dont il trouve les modalités de règlement acceptables tout en s’y opposant en principe. Il regrette la polarisation que cette mesure provoque, surtout la présence de l’Equal Rights Association [V. D’Alton McCarthy*], mais il en attribue la responsabilité au Parti national, qui attise les préjugés de race. Il émet des doutes sur la constitutionnalité du projet visant à établir des cours de magistrat de district et n’est pas surpris que le gouvernement fédéral refuse de le reconnaître. Enfin, ses liens avec la Banque de Montréal expliquent certainement son opposition au projet du gouvernement Mercier, en 1888–1889, de convertir la dette publique de la province. Dans l’ensemble, les interventions de Hall dans l’opposition se sont révélées solides, bien informées et respectées.

Après la révocation du gouvernement Mercier en décembre 1891, les conservateurs se retrouvent au pouvoir. Le cabinet formé par Charles-Eugène Boucher* de Boucherville, le 21 décembre, inclut Hall comme trésorier provincial et principal représentant de la minorité anglophone et protestante. En un peu moins de trois ans au poste de trésorier, Hall provoque toute une commotion. Il adopte dans ses exposés budgétaires un conservatisme fiscal et financier particulièrement rigide, voire intransigeant. Il décrie de plus en plus vigoureusement les excès du gouvernement Mercier en matière d’endettement et de déficits budgétaires, en particulier l’emprunt lancé en France en 1891 à des conditions qu’il juge très onéreuses comparativement à celles qu’auraient pu accorder les établissements canadiens, notamment la Banque de Montréal. Pour tenter d’équilibrer les finances provinciales, Hall réduit substantiellement les dépenses. Il instaure de nouvelles taxes, en augmente d’autres et rend plus ferme la perception des taxes et droits existants. Le tout doit rapporter un million de dollars de plus sur des revenus de près de 3,5 millions en 1891–1892. Hall s’engage également à emprunter le moins possible et uniquement sur le marché britannique par l’intermédiaire des établissements locaux. Il doit affronter des réactions prévisibles aux hausses de taxes et tenter de justifier son programme en décrivant les finances provinciales sous un jour catastrophique. Cette stratégie a l’inconvénient de maintenir et même d’amplifier les inquiétudes des marchés financiers britannique et français sur la capacité de la province à faire face à ses obligations. Elle suscite également des tensions au sein du cabinet dirigé depuis le 16 décembre 1892 par Louis-Olivier Taillon*.

Les relations entre Hall et Taillon commencent à se détériorer en 1893, au moment des négociations pour le remboursement de l’emprunt à court terme contracté en France en 1891. Hall n’a certes pas l’intention de renouveler l’emprunt auprès du syndicat français du Crédit lyonnais et de la Banque de Paris et des Pays-Bas ; il n’engage des négociations avec celui-ci que pour la forme, tandis qu’il tente avec vigueur de trouver des fonds sur le marché britannique. Toutefois, son retard à conclure un emprunt en Grande-Bretagne menace le remboursement, à son échéance, de l’emprunt de 1891 et oblige le premier ministre Taillon à s’interposer : il contraint Hall à négocier précipitamment avec le syndicat français un simple renouvellement à court terme de l’emprunt à des conditions financières onéreuses et à des modalités de remboursement contraignantes. Au début de 1894, Hall réussit à rétablir les liens avec le marché britannique en obtenant, par l’intermédiaire d’un courtier montréalais, un emprunt d’un peu moins de 3 millions, sans participation de la Banque de Montréal.

En mars 1894, Hall tombe malade et remet sa démission comme trésorier le 20 avril. Taillon ne l’accepte pas et remplace lui-même Hall temporairement, de cette date jusqu’au retrait de sa démission à la fin d’août 1894. Pendant cette période, à l’insu de Hall, Taillon négocie avec le syndicat français le renouvellement de l’emprunt de 1893 dans une émission à long terme. À son retour, Hall prend connaissance de la situation et, le 25 septembre 1894, présente sa démission à Taillon, qui l’accepte deux semaines plus tard. Hall dénonce les conditions de l’emprunt et remet en question sa nécessité même. Dans cet imbroglio, il faut souligner le rôle décisif mais discret de Chapleau, qui intervient auprès du syndicat français pour qu’il conserve son calme et ne profite pas de la situation. Le conflit oppose donc par personnes interposées deux syndicats financiers puissants et concurrents, l’un français et l’autre montréalais-britannique.

La démission de Hall embarrasse sérieusement le gouvernement, d’autant plus que ce dernier faisait déjà l’objet d’attaques répétées de l’opposition libérale pour ses mesures fiscales. Hall était également le dernier représentant anglophone au cabinet. Après des consultations difficiles, il sera remplacé par deux anglophones à des postes ministériels secondaires. Taillon conserve toutefois le poste de trésorier, rompant, comme Henri-Gustave Joly l’avait fait en 1878, avec la tradition d’un trésorier anglophone.

Toujours député, Hall ne joue plus toutefois un rôle aussi actif sur la scène politique. Sa carrière juridique, qu’il n’avait pas abandonnée complètement, reprend de l’ampleur. Il participe notamment aux négociations reliées au partage de l’actif de la province du Canada, qui durent encore 30 ans après l’entrée en vigueur de la Confédération. Le gouvernement conservateur lui offre un poste de juge en 1895, mais il le refuse. Il est défait aux élections générales du 11 mai 1897 par 16 voix à peine, ce qui met un terme définitif à sa carrière politique.

La même année, John Smythe Hall attrape la scarlatine et voit sa vie menacée, au point où il doit se retirer aussi de la pratique juridique. Après une convalescence prolongée à Atlantic City, au New Jersey, il retourne à Montréal, où il est atteint d’une pneumonie. Il quitte à nouveau Montréal en 1901, afin de trouver de l’air frais à Denver, au Colorado. Il s’établit finalement à Calgary, où il agit comme rédacteur en chef du Calgary Herald, ouvre un bureau d’avocats, Hall and Stewart, puis devient conseiller municipal et, en 1906, l’avocat de la ville. En dépit de son départ, Hall apparaît encore jusqu’en 1906 comme associé principal de la firme montréalaise Hall, Cross, Brown, and Sharp. Le 8 janvier 1909, il meurt à Calgary, où a lieu le service funèbre. Il sera inhumé à Montréal le 14, auprès des concitoyens dont il avait défendu les intérêts avec zèle.

Marc Vallières

AC, Montréal, État civil, Anglicans, St James (Montréal), 14 janv. 1909.— ANQ-M, CE1-81, 20 nov. 1853.— Annuaire, Montréal, 1891–1907.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898), 427.— Québec, Assemblée législative, Débats, notamment les discours du budget des 20 mai 1892, 31 janv., 5 déc. 1893 ; Parl., Doc. de la session, 1893–1894, no 43 ; 1894–1895, no 14–15, 20.— RPQ.— Rumilly, Mercier et son temps, 2.— J. A. Savard, Ogilvy, Renault : chronique d’un siècle de droit (1879–1979) ([Montréal], 1979), 33–40.— Michel Stewart, « le Partage de la dette et des actifs de la province du Canada, 1867–1910 » (thèse de m.a., univ. de Sherbrooke, Québec, 1976).— The storied province of Quebec ; past and present, William Wood et al., édit. (5 vol., Toronto, 1931–1932), 3 : 179s. ; 4 : 376.— Marc Vallières, « la Gestion des opérations financières du gouvernement québécois, 1867–1920 » (thèse de ph.d., univ. Laval, 1980), 145–157.

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Marc Vallières, « HALL, JOHN SMYTHE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hall_john_smythe_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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