CAMERON, JOHN, journaliste et fonctionnaire, né le 22 janvier 1843 dans le canton de Markham, Haut-Canada, troisième des huit enfants de William Cameron et d’Elizabeth Redfern ; le 30 septembre 1869, il épousa à London, Ontario, Elizabeth Millar, et ils eurent un fils et quatre filles ; décédé le 1er décembre 1908 au même endroit.

John Cameron fit ses études dans le canton de Markham puis à London, où ses parents s’installèrent au début des années 1850. Il commença à s’initier au métier d’imprimeur en 1859, au London Free Press ; son apprentissage dura quatre ans, et se fit à London et à Sarnia. De retour à London en 1863, il offrit ses services à Joseph Hiram Robinson*, qui cherchait quelqu’un pour produire l’Evangelical Witness, hebdomadaire de l’Église méthodiste wesleyenne canadienne New Connexion, et pour administrer son imprimerie en échange de l’utilisation des bureaux et de la presse du journal. Cependant, Robinson modifia sa proposition après être tombé malade et avoir reçu une donation imprévue qui lui permit de rembourser les dettes qu’il avait accumulées au Witness. Il offrit à Cameron de lui vendre la presse à la condition qu’il s’engage à poursuivre la publication de l’hebdomadaire.

Cameron accepta la proposition et publia le Witness jusqu’à la fusion de l’Église New Connexion et de l’Église wesleyenne en 1874. En outre, il se mit sans tarder à préparer son propre journal, le London Evening Advertiser and Family Newspaper, qu’il lança le 27 octobre 1863. Peut-être parce qu’il avait un budget limité, ce quotidien était politiquement indépendant et de petit format. Toutefois, il paraissait le soir de façon à faire état, avant ses concurrents du matin, des dépêches télégraphiques tant attendues qui donnaient des nouvelles de la guerre de Sécession. L’Advertiser fut tout de suite une réussite et passa en moins d’un an à un format in-plano. Cameron augmenta son équipe et améliora la présentation et les articles de fond. En 1864, il lança un supplément hebdomadaire, le Weekly Advertiser et, en 1878, une édition du matin. Ces progrès lui permirent d’accéder à l’indépendance financière et d’être reconnu aussi bien dans la région que dans les milieux de la presse. Devenu membre de la Canadian Press Association, il en fut président en 1872 et en 1875. La force de l’Advertiser tenait en partie au concours que Cameron savait obtenir de sa famille. Son frère William était chef des nouvelles locales et participait à la gestion de l’entreprise ; son père, prénommé aussi William, tenait les livres.

La famille de John Cameron avait longtemps soutenu les réformistes, et lui-même avait des idées libérales avancées. En outre, il y avait deux journaux libéraux-conservateurs à London. Pour toutes ces raisons, il était peut-être inévitable que l’Advertiser devienne un organe libéral. Dès le début des années 1870, il se classait au deuxième rang des publications libérales de l’Ontario, derrière le Globe de Toronto, publié par George Brown*. Il prônait la réciprocité avec les États-Unis, une plus grande autonomie du Canada au sein de l’Empire britannique, le suffrage féminin – de même que la tempérance et l’observance du dimanche, causes que Cameron défendait par ailleurs à titre de président d’une organisation de tempérance et de vice-président de la Lord’s Day Alliance, chapitre de London. John Carling*, conservateur et brasseur, était l’une des cibles favorites du journal.

En 1874, par conviction politique, Cameron se joignit à un groupe de libéraux rebelles qui comprenait David Mills, collaborateur de l’Advertiser, et qui entendait soutenir Edward Blake* en défiant l’autorité du premier ministre Alexander Mackenzie*. En janvier 1875, Cameron s’installa à Toronto pour lancer un quotidien du matin, le Liberal, avec l’appui financier de Blake et de Goldwin Smith. Ce faisant, non seulement prenait-il la tête d’un journal qui défendait les idées de Blake, mais il faisait aussi une audacieuse tentative en vue de supplanter le Globe. Toutefois, la révolte de l’aile blakiste, qui avait si bien commencé, ne fut qu’un feu de paille. Le fait d’être passé au Liberal eut des conséquences désastreuses pour Cameron. Publier à Toronto coûtait beaucoup plus cher qu’il ne l’avait cru et la concurrence du Globe était féroce. Le Liberal subit de lourdes pertes ; en juin, Cameron le ferma et rentra à London. De retour à la direction de l’Advertiser, il dut livrer bataille au Free Press, qui avait une édition du soir. En plus, en 1876, George Brown se mit à affréter des trains qui livraient chaque jour le Globe dans le sud-ouest de la province, territoire de l’Advertiser.

Chose étonnante, Cameron et ses collègues partisans de Blake ne sortirent pas brouillés de leur échec. En 1877, Mills devint rédacteur principal à l’Advertiser. Puis, lorsque, en décembre 1882, John Gordon Brown, qui avait succédé à son frère George, fut évincé du poste de directeur de la rédaction du Globe, Cameron obtint cette place, en grande partie grâce à Blake, alors chef des libéraux. Outre que cette nomination était tout un honneur, elle représentait sûrement une douce revanche pour la perte du Liberal. Mills, de son côté, devint rédacteur en chef de l’Advertiser.

Le tirage et les recettes de publicité du Globe stagnaient depuis des années, et Cameron ne parvint pas à corriger la situation. Le principal concurrent du Globe, le Toronto Daily Mail [V. Christopher William Bunting*], conservateur, était devenu rentable ; en plus, en 1887, on en reconnaissait l’impartialité, car il avait pris ses distances vis-à-vis les partis politiques. Les infortunes que les libéraux connurent sous la direction de Blake, puis de Wilfrid Laurier*, firent perdre encore plus de lecteurs au Globe. Par loyauté envers le parti, le journal se devait d’adopter une position modérée sur des questions comme la rébellion du Nord-Ouest et l’Acte relatif au règlement de la question des biens des jésuites – position qui ne correspondait pas du tout aux sentiments de la majorité en Ontario. Cameron s’efforçait tant de plaire à la fois au parti et aux lecteurs que le Globe paraissait irrésolu et s’aliénait ces deux maîtres. En 1890, il quitta son poste ; John Stephen Willison*, qui s’était joint à l’Advertiser en 1881, le remplaça.

Cameron retourna à l’Advertiser, dont la situation financière était loin d’être rose. Plusieurs fois, des rivaux tentèrent de lancer des quotidiens à London. En 1896, l’Advertiser dut affronter une concurrence de plus en plus dure de la part d’un autre journal du soir, le News. Quotidien indépendant à un sou, le News grugeait le marché et les revenus de publicité de l’Advertiser. Cameron, qui n’avait guère de liquidités, dut faire passer le prix de son journal de deux cents à un cent. Cette réduction de prix le mena au désastre : en 1899, il avait d’énormes dettes envers son fournisseur de papier journal, la Compagnie de fabrication de papier du Canada. Celle-ci saisit l’Advertiser et se mit en quête d’un acheteur. Cameron n’ayant pas trouvé de bailleur de fonds, ce fut un avocat de London, le libéral Thomas Hunter Purdom, qui se porta acquéreur du journal. Cameron tenta désespérément de conserver une part dans l’entreprise et embarrassa beaucoup Purdom par ses plaintes au sujet de la façon dont on le traitait. Ce fut probablement à cause de ses récriminations qu’il fut nommé en 1903 maître de poste de London. Il exerça cette fonction jusqu’au 1er décembre 1908, date où il mourut d’une crise cardiaque au cours d’une conférence qu’il prononçait à London. Il laissait dans le deuil sa femme, Elizabeth Millar, qui avait publié dans les années 1890 l’hebdomadaire Wives and Daughters.

Journaliste et éditeur talentueux et fidèle à ses principes, John Cameron se hissa au pinacle de la presse canadienne. Il fit de l’Advertiser l’un des meilleurs quotidiens du pays et dirigea le Globe avec compétence tout au long des années 1880, décennie extrêmement troublée pour le Parti libéral et son principal organe. À sa mort, on en parla comme de l’un des derniers représentants de la vieille garde des rédacteurs en chef-éditeurs qui avaient commencé leur carrière comme simples apprentis et avaient accédé à des positions de premier plan dans le journalisme hautement partisan du xixe siècle.

Neil Matheson

Univ. of Western Ontario Library, Regional Coll., T. H. Purdom papers.— Globe, 2 déc. 1908.— London Advertiser, 29 oct. 1888, 2 déc. 1908.— London Free Press, 5 août 1905.— Canadian album (Cochrane et Hopkins), 1 : 418.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Canadian Printer and Publisher (Toronto), oct. 1895 : 8.— Cyclopœdia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1.— « John Cameron and the Globe », Saturday Night, 12 déc. 1908 : 10.— D. J. [A.] McMurchy, « David Mills : nineteenth century Canadian Liberal » (thèse de ph.d., Univ. of Rochester, N.Y., 1968).— Joseph Schull, Edward Blake, the man of the other way (1833–1881) (Toronto, 1975).— D. C. Thomson, Alexander Mackenzie, Clear Grit (Toronto, 1960).— Willison, Reminiscences.

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Neil Matheson, « CAMERON, JOHN (1843-1908) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cameron_john_1843_1908_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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