RIORDON (Riordan), JOHN, fabricant de papier et éditeur de journaux, né probablement en 1834 à Limerick (République d’Irlande), fils du docteur Jeremiah Riordon et d’Amelia Ames, décédé le 21 septembre 1884 à St Leonards (comté d’East Sussex, Angleterre).
John Riordon arriva au Haut-Canada avec sa famille en 1849 ou 1850. Après avoir exercé, avec des fortunes diverses, la profession de commerçant de « marchandises sèches » à Brantford, puis à St Louis, Missouri, il estima en 1862 que la fabrication du papier constituait une activité plus lucrative et il commença de construire un « moulin à papier » dans le voisinage de St Catharines, sur la rive est du vieux canal Welland. L’établissement fut mis en activité le 30 juillet 1863, et, peu de temps après, Riordon demanda à son jeune frère Charles*, alors installé avec le reste de la famille à Rochester, dans l’état de New York, de prendre la responsabilité de la bonne marche du moulin. Au cours des dix années qui suivirent, les deux hommes, en se partageant le travail – Charles dirigeait la fabrication et John s’occupait de la vente –, transformèrent cette entreprise nouvelle en l’une des plus grosses fabriques de papier au pays.
Dans la réussite de John Riordon entra sans doute une part de chance, mais celui-ci se montra capable de profiter des occasions qui se présentaient – trait caractéristique des entrepreneurs du xixe siècle qui connurent le succès. L’emplacement de son entreprise se révélait avantageux : l’ancien canal Welland approvisionnait le moulin en eau, source d’énergie peu coûteuse (elle revenait à $400 par année en 1863) et qui devint plus considérable par la suite, lorsque le gouvernement canadien accorda des concessions d’eau excédentaire. Mais surtout Riordon saisit rapidement l’importance commerciale des changements technologiques qui révolutionnaient l’industrie. En 1866, Charles Riordon se rendit en Angleterre afin d’acheter la machinerie la plus récente – dont une machine à papier Fourdrinier – pour un nouveau moulin situé à Merritton (maintenant partie de St Catharines), qui produisit bientôt du papier à partir de chiffons et de paille. Deux ans plus tard, on commença d’y utiliser de la pâte de bois pour la fabrication du papier journal, et, en 1875, Riordon commanda une machine à broyer le bois pour une nouvelle fabrique de pâte à papier et une seconde machine Fourdrinier pour un nouveau moulin à papier. Cette modernisation fit de la Riordon Paper Mills l’entreprise la plus avancée au Canada dans la grande production de papier bon marché. Il faut dire aussi que Riordon se révélait un excellent vendeur. Au début, la compagnie s’était spécialisée dans le papier d’emballage, mais Riordon ne tarda pas à fournir toutes sortes de papiers, y compris ceux de meilleure qualité, à une clientèle de plus en plus diversifiée. La compagnie en vint à fabriquer surtout du papier journal (vendu un certain temps à moins de 7 cents la livre), dont les quotidiens en pleine expansion avaient un besoin inassouvissable. Dès 1869, Riordon se trouvait le principal fournisseur de papier journal du Globe de Toronto, quotidien présentant alors le plus fort tirage au Canada. Après la seconde moitié des années 1870, il expédia du papier journal à des villes aussi éloignées que Montréal, Québec, Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, et Halifax. La fortune de Riordon résulta, en vérité, de l’essor que connurent, après la Confédération, les journaux à grand tirage.
Le succès obtenu par Riordon dans la vente du papier journal l’amena directement à la direction de journaux. À part le Globe, son plus gros client était le Mail de Toronto, quotidien fondé en 1872 sous la bannière du parti conservateur de l’Ontario. Cependant, la vive concurrence faite par le Mail au tout-puissant Globe s’avéra trop onéreuse durant la dépression qui survint au milieu des années 1870 ; en 1877, le journal ne se trouvait plus en mesure de régler ses factures, lesquelles comprenaient une somme de $26 000 due à la Riordon Paper Mills. En tant que principal créancier et bon conservateur, Riordon, probablement avec des associés, s’assura la possession du journal en guise de paiement, désintéressa les autres créanciers et entreprit de donner une vigueur nouvelle à cet organe essentiel du parti. En même temps, il contribua à sauver du dépérissement un autre journal conservateur, le Spectator de Hamilton, en se portant acquéreur d’un petit nombre d’actions lorsque William Carey et William Southam* réorganisèrent le journal. L’édition des journaux était devenue une véritable passion chez Riordon. Hector Willoughby Charlesworth*, l’échotier du milieu journalistique de Toronto, affirma plus tard que celui-ci avait voulu imiter « les célèbres éditeurs de journaux new-yorkais d’il y a quarante ans » devenus les premiers dirigeants d’une presse quotidienne peu coûteuse, populaire et supposément influente. Riordon ne modifia ni le ton ni le style du Mail, mais il finança en 1881 l’Evening News de Toronto, quotidien à un cent qui, sous la direction d’Edmund Ernest Sheppard*, avait abondamment recours aux nouvelles locales et aux articles à sensation pour se faire des lecteurs dans la classe ouvrière. Éditeur du Mail, l’un des principaux journaux de parti – lesquels occupaient toujours une place prépondérante dans le journalisme canadien – et propriétaire du News, nouveau venu plein d’ardeur dans les rangs de la « presse du peuple » qui contribuait à populariser cette forme de journalisme, Riordon semblait avoir réalisé ses ambitions.
Pour couronner ses succès, Riordon entreprit, au début de 1879, une campagne en vue d’obtenir un siège au sénat. Même si la situation qu’il occupait en tant que riche entrepreneur, bon conservateur et éditeur du Mail, aurait pu sembler lui conférer un prestige suffisant pour justifier un tel honneur, le premier ministre sir John Alexander Macdonald* ne prêta aucune attention à ses demandes répétées. De nouvelles pressions auraient peut-être réussi à convaincre Macdonald, mais, en 1882, Riordon devint invalide lorsqu’il se blessa à la tête en faisant une chute de cheval. À l’automne de cette année-là, il abandonna son activité commerciale, confiant la direction de ses moulins et de ses journaux à son frère Charles. En compagnie de sa femme et de son fils John, il fit alors un voyage de repos et d’agrément qui le mena au Moyen-Orient et en Europe. Il se trouvait à Venise, Italie, en mai 1883 lorsque son état empira inopinément. Emmené à St Leonards, il y demeura jusqu’à son décès, un an plus tard.
On évalua les biens de Riordon à environ un million de dollars, ce qui montre bien qu’il s’agissait d’un homme d’affaires avisé. Il était devenu millionnaire par ses propres moyens, en se consacrant à la fabrication du papier et à l’édition des journaux, deux domaines où la concurrence se faisait pourtant très vive. Il n’apparaît donc pas étonnant que le Monetary Times ait écrit de lui que « sa vie constitu[ait] un exemple de travail que les jeunes gens feraient bien de suivre ».
Les principaux renseignements concernant John Riordon, notamment sa carrière de fabricant de papier, se trouvent dans George Carruthers, Paper-making (Toronto, 1947), 483–511. D’autres données, fondées dans une large mesure sur l’ouvrage de Carruthers, apparaissent dans J. A. Blyth, « The development of the paper industry in old Ontario, 1824–1867 », OH, 62 (1970) : particulièrement aux pages 131s. À lire également, les notices nécrologiques dans le Toronto Daily Mail, 22 sept. 1884 ; le Daily News (St Catharines, Ontario), 22 sept. 1884 ; et le Monetary Times, 26 sept. 1884. Le Thorold Port and Niagara District Intelligencer (Thorold, Ontario), 14 nov. 1884, rend compte de la succession et du testament de Riordon. Diverses informations, dans les papiers de John Alexander Macdonald (APC, MG 26, A), concernent le désir de Riordon d’entrer au sénat et sa maladie soudaine à Venise, Italie. Les propos d’Hector Willoughby Charlesworth sur Riordon figurent dans Candid chronicles ; leaves from the note book of a Canadian journalist (Toronto, 1925), 75. [p. r.]
Paul Rutherford, « RIORDON (Riordan), JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/riordon_john_11F.html.
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Auteur de l'article: | Paul Rutherford |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
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