SMITHE (Smith, Smyth, Smythe), WILLIAM, fermier et homme politique, né le 30 juin 1842 à Matfen, comté de Northumberland, Angleterre, décédé le 28 mars 1887 à Victoria.
William Smithe, issu d’une famille du Northumberland, fréquenta les écoles de Whittington. Devenu jeune homme, il travailla dans le commerce à Newcastle upon Tyne, puis, en 1862, il immigra en Colombie-Britannique. Il s’établit près de Somenos, dans la région de Cowichan, à l’Île-de-Vancouver ; il y demeurera jusqu’à sa mort, sauf durant une brève période en 1866, lorsqu’il ira vivre à San Francisco, et plusieurs mois en 1868, quand il fera l’expérience du métier de mineur au ruisseau Grouse, dans la région de Cariboo, Colombie-Britannique. En 1865, Smithe fut nommé au poste de commissaire à la voirie pour le district de Cowichan, son premier emploi public.
En 1871, reconnu de plus en plus comme un leader dans la région agricole qui prospérait aux alentours de Somenos et qui, sur le plan de l’agriculture, était la plus prometteuse de l’île de Vancouver, Smithe obtint l’un des deux sièges de Cowichan à la première Assemblée élue après l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération canadienne. Durant son premier mandat, il garda une attitude indépendante, refusant son appui à John Foster McCreight*, le premier à exercer les fonctions de premier ministre, et à ses successeurs, Amor De Cosmos*, qu’il admirait, et George Anthony Walkem*. Aux élections de 1875, Smithe et son ami et voisin, John Drinkwater, assurèrent les deux sièges de Cowichan aux forces de l’opposition, en axant leur campagne sur le fait que le gouvernement de Walkem n’avait pas entrepris la construction d’une route devant mener de Victoria à Cowichan, bien que les crédits nécessaires à cette fin eussent été votés. Smithe était impressionnant à voir sur les tribunes, car il mesurait plus de six pieds, se tenait droit et avait fière allure avec sa barbe abondante. Il se fit connaître par le caractère incisif et spirituel de ses interventions dans les débats, même s’il avait un discours hésitant. En 1873, son mariage avec Martha, la fille d’Archibald Renfrew Kier, fermier et méthodiste en vue à Somenos, augmenta son prestige et le lia davantage au district de Cowichan.
À l’ouverture de la session de 1876, Smithe prit la tête des opposants au gouvernement de Walkem qui avait été reporté au pouvoir. Mais les groupes politiques de cette époque n’étaient pas très unis. On voyait souvent des soi-disant partisans du gouvernement, et parfois même des membres du cabinet, changer de camp. Dans ce climat d’incertitude, le fait que le gouvernement n’avait pas entamé de négociations avec Ottawa en vue d’obtenir la mise en œuvre de la section provinciale du chemin de fer canadien du Pacifique, ainsi que des accusations d’irresponsabilité dans la gestion des finances, forcèrent le cabinet à démissionner le 25 janvier. Il s’ensuivit des intrigues politiques au cours desquelles Smithe abandonna la direction d’une opposition peu consistante à Andrew Charles Elliott, qui devint le quatrième premier ministre en cinq ans. Au début, Smithe ne fut pas membre du cabinet d’Elliott, mais, en juillet 1876, par suite de la démission de l’excentrique Thomas Basil Humphreys, il se joignit au ministère composé de quatre hommes, étant chargé des finances et de l’agriculture. Smithe ne se distingua pas d’une façon particulière dans un cabinet qui, à l’instar du précédent, subissait encore les conséquences du manque de ressources financières et des disputes amères et futiles avec Ottawa, mais il parvint à conserver son siège dans la défaite générale qui emporta ses collègues lors des élections tenues en mars 1878.
Pour la deuxième fois, Smithe fut le leader de l’opposition à Walkem et il remplit ses fonctions avec un sens pratique et une modération rares dans cette Assemblée tumultueuse et partagée en factions. Il devint premier ministre lorsque, en janvier 1883, Robert Beaven*, le successeur de Walkem, ne reçut en chambre l’appui que de huit des 24 députés élus l’été précédent. Bénéficiant de la plus forte majorité depuis l’entrée de la province dans la Confédération, Smithe avait la confiance d’un électorat complètement exaspéré par le fait que le gouvernement s’était montré incapable de s’entendre avec Ottawa à propos de la construction du chemin de fer transcontinental, d’un bassin de radoub à Esquimalt et de la ligne ferroviaire devant relier Victoria et Nanaimo sur l’île de Vancouver.
Cependant, les problèmes que Smithe affrontait à son tour relevaient autant de la politique locale que des difficultés antérieures dans les relations avec le gouvernement fédéral. Les insulaires voulaient avoir leur propre chemin de fer et le bassin de radoub pour contrebalancer la vague de prospérité que le chemin de fer transcontinental allait, croyait-on, apporter aux habitants de la terre ferme. Ceux-ci, depuis longtemps jaloux de la présence en trop grand nombre des insulaires à l’Assemblée, désapprouvaient le projet du bassin de radoub, à cause de son coût qui dépassait les moyens financiers de la Colombie-Britannique, comme on s’en rendait compte de plus en plus, et ils se sentaient grandement lésés par la lenteur des développements relatifs au chemin de fer et par l’impasse dans laquelle se trouvaient les discussions avec Ottawa. Smithe en vint rapidement à une entente avec son collègue fédéral, sir John Alexander Macdonald*, qui désirait lui-même réparer des torts anciens. En vertu du Settlement Act, adopté par la législature de la Colombie-Britannique en décembre 1883 et accepté par le gouvernement fédéral au mois de mars suivant, le cabinet de Macdonald, en échange de 3 500 000 acres de terrain dans le district de la rivière de la Paix, en Colombie-Britannique, accepta d’ouvrir à la colonisation les terres de la région sud, où devait passer le chemin de fer, de prendre à sa charge la construction du bassin de radoub et d’avancer la somme de $750 000 pour la construction de la voie ferrée de l’île. Un contrat relatif à ce dernier projet fut signé par un consortium comprenant des hommes d’affaires locaux, dirigés par Robert Dunsmuir, et les entrepreneurs américains de chemins de fer Collis Potter Huntington et Leland Stanford. Le consortium reçut une concession de près de 2 000 000 d’acres dans l’île de Vancouver, et Dunsmuir obtint, en outre, les droits d’exploitation de gisements houillers dans l’île.
D’un seul coup, Smithe avait mis au point un règlement acceptable aux insulaires comme aux habitants du continent et avait lancé une politique d’expansion économique fondée non pas sur des capitaux, mais sur des valeurs foncières. On eut recours également à des concessions de terrain pour encourager des projets, comme celui proposé par William Baillie-Grohman, visant à défricher et à coloniser des terres à l’extrémité sud du lac Kootenay, et d’autres pour la construction de chemins carrossables et de voies ferrées dans l’intérieur. L’une de ces concessions souleva l’ire de la population et fut l’objet d’une enquête minutieuse. En 1884, Smithe octroya à William Cornelius Van Horne*, de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, une concession de 6 000 acres, par laquelle, semble-t-il, plusieurs squatters se trouvaient dépouillés de leurs terrains. En retour, la compagnie ferroviaire s’engageait à prolonger la ligne de Port Moody jusqu’à l’actuel emplacement de Vancouver, prolongement qu’elle aurait été obligée de faire, de toute manière, afin de protéger ses intérêts.
De fortes pressions sociales amenèrent le gouvernement de Smithe à adopter plusieurs projets de loi régissant la population chinoise, notamment l’assujettissement de tous les Chinois âgés de plus de 15 ans à un permis annuel dont les frais étaient de $10 et une loi empêchant les Chinois d’acquérir des terres de la couronne. Une autre loi visant à mettre un terme à l’immigration chinoise fut désavouée par le gouvernement fédéral. Mais celui-ci, en raison de l’agitation qui régnait en Colombie-Britannique, créa, en 1885, une taxe de $50 par tête, frappant tous les immigrants orientaux. Smithe se prononçait, avec la même ardeur que ses collègues, en faveur de ces lois discriminatoires et d’une politique d’« immigration blanche [...] pour enrayer le mal chinois ». De même, concernant sa politique relative aux affaires indiennes, Smithe se conformait aux idées reçues dans son entourage. En dépit du fait qu’il avait, en une occasion, accusé Walkem et Beaven de contrecarrer le règlement de la question des terres des Indiens « en finassant, en faisant de l’acrobatie, en usant d’astucieuses manigances », il n’en limita pas moins de façon drastique les concessions de terre aux Indiens, lorsqu’il se vit confier la tâche de sanctionner l’établissement de réserves indiennes, en se rabattant sur l’argument selon lequel les Indiens n’avaient pas besoin de beaucoup de terre vu qu’ils n’en cultivaient guère.
La victoire de Smithe aux élections de 1886 montra que les gens approuvaient ses initiatives concernant les concessions de terrain, le défrichement, les chemins de fer et l’exclusion des Chinois. Le chemin de fer canadien du Pacifique avait été achevé l’année précédente, et la population, de plus en plus nombreuse, envisageait une période de prospérité et de stabilité, sans s’inquiéter, semble-t-il, des frais qu’elle allait être obligée de payer à long terme. Ayant mis fin aux disputes avec le gouvernement fédéral, Smithe connut, à la tête de la province, une période d’expansion et de prospérité. Homme calme et modeste, il lui arriva de montrer sa vivacité d’esprit lorsqu’en 1883 des journalistes américains en visite lui demandèrent si la Colombie-Britannique n’allait pas un jour s’annexer aux états de l’Union pour satisfaire ses intérêts commerciaux naturels, il leur répondit que la province, au contraire, pourrait bien annexer le Territoire de Washington et l’état de l’Oregon. Il semble que la réussite financière lui était venue avec les succès politiques, car il s’était fait construire à Victoria une vaste maison où il se préparait à installer sa famille au début de 1887, lorsqu’il tomba malade. Il succomba à une néphrite avant son 45e anniversaire de naissance. On pourrait difficilement ne pas être d’accord avec l’un de ses contemporains, Peter O’Reilly*, lequel affirma que Smithe avait été « de loin le meilleur homme au gouvernement » et que son décès prématuré allait être « une très grande perte ».
PABC, O’Reilly coll., 21, 27 mars 1887 ; Vancouver Island, Colonial secretary, Corr. outward, 20 sept. 1864–11 sept. 1865 (copies de lettres).— Canada, Parl., Sessional papers, 1884, IX, no 15 : 7–15.— C.-B., Legislative Assembly, Journals, 1879–1883 ; Sessional papers, 1883–1884.— Cariboo Sentinel, 6, 9, 16 juill., 6 sept. 1868.— Daily Colonist, 1879–1883, 22 janv. 1887.— Victoria Daily Standard, 29 mars 1887.— CPC, 1885.— R. E. Gosnell, A history of British Columbia (s.l., 1906).— E. B. Mercer, « Political groups in British Columbia, 1883–1898 » (thèse de m.a., Univ. of British Columbia, Vancouver, 1937).— M. A. Ormsby, « The relations between British Columbia and the dominion of Canada, 1871–1885 » (thèse de ph.d., Bryn Mawr College, Pa., [1937]).— E. O. S. Scholefield et F. W. Howay, British Columbia from the earliest times to the present (4 vol., Vancouver, 1914).— R. E. Gosnell, « Prime ministers of British Columbia : William Smithe » , Vancouver Daily Prov., 29 mars 1921 : 10.
T. M. Eastwood, « SMITHE (Smith, Smyth, Smythe), WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/smithe_william_11F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
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