NOBLE, SETH, prédicateur congrégationaliste et chef rebelle, né le 15 avril 1743 à Westfield, Massachusetts, fils de Thomas Noble ; décédé en 1807, vraisemblablement le 15 septembre, à Franklinton (Columbus, Ohio).

À l’instar de la plupart des ministres puritains des premières années de la Nouvelle-Écosse, Seth Noble s’était senti appelé à la prédication, mais il n’avait pas la formation officielle nécessaire à l’obtention d’un poste fixe dans les colonies plus organisées de la Nouvelle-Angleterre. Devenu membre de l’Église congrégationaliste à Westfield en 1770, il exprima le désir d’être ministre et se laissa attirer vers la frontière, au nord de la Nouvelle-Angleterre, où les colons, qui désespéraient d’obtenir un enseignement religieux, étaient nécessairement moins exigeants.

En 1774, Noble aboutit à Maugerville, sur la rivière Saint-Jean (Nouveau-Brunswick). Cette communauté avait été fondée en 1763 par des familles venant surtout du comté d’Essex, au Massachusetts [V. Israel Perley]. Une église covenantaire y avait rapidement été organisée ; elle adhérait au petit catéchisme de Westminster et à la discipline ecclésiastique du programme de Cambridge, mais, jusqu’à l’arrivée de Noble, elle avait été incapable d’attirer un ministre permanent. Le 15 juin 1774, la communauté invita Noble à devenir son ministre, lui offrant d’abord £120 en espèces, pour l’inciter à s’établir parmi elle, et un salaire annuel de £65 « en espèces ou en fourrures ou en grains payés au comptant ». Établissant un précédent dont il ne dérogera pas au cours de sa carrière, Noble négocia durement. Les « souscripteurs du fonds d’appui à la prédication de l’Évangile » durent se réunir de nouveau le 29 juin 1774 ; ils acceptèrent alors de « couper vingt-cinq cordes de bois », annuellement, et de « les transporter » à la maison de Noble, « tant qu’il sera[it leur] ministre ». En novembre 1775, Noble épousa Hannah Barker, fille de Joseph Barker, de Maugerville, et, au début de 1776, le couple emménagea dans une nouvelle résidence construite en même temps que le temple. À cette époque, la carrière de Noble, jusque-là semblable à celle de centaines de pasteurs de la « frontière » américaine, fut bouleversée par la rébellion américaine qui gagnait la région de la rivière Saint-Jean.

Selon une tradition du xixe siècle, Noble aurait écrit à George Washington pour prôner la conquête par les Américains de la région de la Saint-Jean, en promettant de l’aide pour cette entreprise ; mais il ne subsiste aucune preuve à l’appui de cette histoire. Par contre, on sait, d’après des documents, que les chefs laïcs de l’église de Noble, à Maugerville, et parmi eux Israel Perley, furent les premiers à essayer de mettre la région sous la domination des Américains, et que Noble fut l’un de ceux qui quittèrent le village pour apporter son appui à la cause américaine. Le 14 mai 1776, au cours d’une assemblée, les habitants de Maugerville formèrent un comité de 12 personnes « pour solliciter immédiatement du Congrès ou de l’Assemblée générale de la baie de Massachusetts une aide dans les circonstances pénibles du moment ». Le comité rédigea un certain nombre de résolutions favorables à la résistance américaine et affirma que 125 adultes mâles les avaient signées, soit la totalité de ceux qui habitaient la région de la rivière Saint-Jean, à l’exception d’une douzaine d’hommes. Plus tard, au cours de la même année, les citoyens de Maugerville apportèrent un appui à l’expédition avortée de Jonathan Eddy contre le fort Cumberland (près de Sackville, Nouveau-Brunswick). Quand, au printemps de 1777, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse exigea le serment d’allégeance de la part des habitants de la rivière Saint-Jean, Noble quitta Maugerville. Comme un « proscrit », il s’enfuit à Machias (Maine) avec Eddy et d’autres chefs rebelles, laissant sa femme à Maugerville pendant plus de deux ans, apparemment pour maintenir ses liens avec la communauté (et son salaire) bien qu’il signifiât clairement qu’il n’avait aucunement l’intention de vivre sous une constitution britannique. Enrôlé comme simple soldat dans l’armée américaine le 17 mai 1777, le pasteur Noble apporta son concours à John Allan, comme agent de renseignements, lors de l’expédition à la Saint-Jean, la même année ; en août, il retourna à Machias où il se trouvait lors de l’attaque des Britanniques au cours de ce même mois, et il prononça un sermon « sur les récents événements ».

Noble ne revint pas rapidement voir les habitants de Maugerville, bien qu’en 1779 les autorités du Massachusetts eussent essayé de l’intéresser de nouveau à un travail d’agent de renseignements dans la région de la Saint-Jean. Il passa le reste de la guerre à prêcher « à plein temps et [avec] un bon salaire » à Woburn, au Massachusetts. Quand, en 1784, il tenta de renouer, par correspondance, ses relations avec la population de Maugerville et de toucher ses arrérages de salaire, les chefs laïcs de l’église, dans leur réponse, ne cachèrent pas leur colère ; ils étaient particulièrement outrés que leur pasteur pût prétendre avec insistance que les chefs laïcs l’avaient abandonné en restant dans l’« immorale » Nouvelle-Écosse.

Noble retourna vers le nord au milieu des années 1780, ayant obtenu une terre dans ce qui allait devenir le canton d’Eddy (Maine), grâce aux efforts de ses vieux compagnons Eddy et Allan. Il fit occasionnellement du ministère dans la région de la rivière Penobscot et devint finalement prédicateur résidant à Kenduskeag Plantation (Bangor, Maine), le 7 juin 1786. Il visita la vallée de la Saint-Jean en 1791, peu après la mort de sa première femme. À Bangor, où il épousa, le 11 avril 1793, la veuve Ruhama Emery, Noble découvrit qu’il ne pouvait percevoir son salaire et, malgré des revenus d’appoint provenant de l’enseignement du chant et de la vente de terres, il dut partir en 1797. En se dirigeant vers l’ouest, il trouva de nouvelles chaires, d’abord à Montgomery, au Massachusetts, en 1801, puis à Franklinton, dans le pays de l’Ohio, en 1806. Le 3 juin 1807, quelque temps avant de mourir, il se maria une troisième fois, à la veuve Mary (Margaret) Riddle. Au moins un fils, né de son premier mariage, se fixa au Nouveau-Brunswick.

Seth Noble incarne le type même du pasteur puritain qui exerçait son ministère le long de la frontière à la fin du xviiie siècle ; il suivit constamment le mouvement d’expansion des établissements, dans l’espoir d’une réussite qui ne vint jamais. Sa carrière n’est remarquable qu’en raison du fait qu’il se trouva du mauvais côté de la frontière quand éclata la rébellion.

J. M. Bumsted

« Documents of the Congregational Church at Maugerville », N.B. Hist. Soc., Coll., 1 (18941897), no 1 : 119152, spécialement 119s.— Military operations in eastern Maine and N.S. (Kidder), 92, 99, 110, 129.— « Papers relating to the townships of the River St. John in the province of Nova Scotia », W. O. Raymond, édit., N.B. Hist. Soc., Coll., 2 (1899–1905), no 6 : 287–301.— G. A. Rawlyk, Nova Scotia’s Massachusetts : a study of Massachusetts-Nova Scotia relations, 1630 to 1784 (Montréal et Londres, 1973).— G. O. Bent, « Parson Noble », Acadiensis (Saint-Jean, N.-B.), 7 (1907) : 46–57.— James Hannay, « The Maugerville settlement, 1763–1824 », N.B. Hist. Soc., Coll., 1 (1894–1897), no 1 : 63–88, spécialement 74.— G. B. MacBeath, « New England settlements in pre-loyalist New Brunswick », N.B. Hist. Soc., Coll., no 18 (1963) : 27–33.— « Rev. Seth Noble, the first minister of Bangor », Bangor Hist. Magazine (Bangor, Maine), 3 (1887–1888) : 66–69.— « Some of the early pioneer business men », « Old Northwest » Geneal. Quarterly (Columbus, Ohio), 15 (1912) : 96s.

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J. M. Bumsted, « NOBLE, SETH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/noble_seth_5F.html.

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Année de la publication:    1983
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