SILVY, ANTOINE, prêtre jésuite, missionnaire, né le 16 octobre 1638, à Aix-en-Provence, France, mort le 24 septembre 1711, à Québec.
Après ses études classiques au collège de sa ville natale, dirigé par les Jésuites, il entre dans la Compagnie de Jésus, à Lyon, le 7 avril 1658. Deux ans plus tard, il enseigne dans les maisons de la communauté à Grenoble, Embrun et Bourg-en-Bresse. Il achève ses études de théologie à Dole de 1667 à 1671 et fait le Troisième An à Lyon (1671–1672).
Arrivé à Québec le 30 septembre 1673, il est désigné l’année suivante pour les missions chez les Outaouais. C’est là qu’il prononce ses vœux de profès, le 15 août 1675. De Michillimakinac, il étend son apostolat aux tribus qui habitent au sud du lac Michigan et entre les Grands Lacs et le Mississipi : Outaouais et Mascoutens (auprès de qui il aida le père Claude Allouez*), Kristinaux (Cris), Témiscamingues, Sauteux, Amikoués, Sakis (Sauks), Puants, Renards, Illinois.
Reconnu comme missionnaire « d’un mérite consommé », il est associé en 1678 au père François de Crespieul dans les pénibles missions du Saguenay. Cet immense territoire s’étendant de la baie James au golfe Saint-Laurent comprenait les groupes distincts des Mistassins, des Montagnais, des Papinachois et des Esquimaux. Toutefois les missionnaires jésuites n’exercèrent pas leur apostolat chez les Esquimaux. À l’époque, d’ailleurs, comme l’a démontré J. A. Burgesse, on étendait parfois ce nom à des Naskapis. Le père Silvy œuvre dans divers postes : Chicoutimi (1678, 1679), Métabetchouan (1678, 1679, hivers de 1681 et de 1682), lac Mistassini (1679), baie des Papinachois et Portneuf (hiver de 1683), maîtrisant en peu de temps les idiomes, d’ailleurs étroitement apparentés, de ces diverses nations. Dans l’été de 1679 il se rend à la baie James avec Louis Jolliet* et fonde au retour une mission (Saint-François-Xavier) à Nemiskau, à mi-chemin entre la baie James et le grand lac Mistassini.
En 1684 Silvy accompagne comme aumônier l’expédition que le sieur Bermen de La Martinière conduit par mer à la baie d’Hudson. Il tient le journal de la marche et des incidents du voyage à partir de l’Île-aux-Coudres, le 12 juillet, jusqu’au retour au détroit de Belle-Isle, le 15 août de l’année suivante. Ce journal intitulé « depuis Bell’Isle jusqu’à Portnelson », et reproduit dans le préface de la Relation par lettre (Rochemonteix) contient des détails précis sur la course du vaisseau et sa position quotidienne, sur les distances et les données météorologiques, et sur les opérations militaires et autres incidents de toutes sortes. Il y met volontiers un peu d’humour ; par exemple dans cette description de la première rencontre avec des Esquimaux au Labrador : « Nous apperçûmes venir à nous entre 21 eaux comme des anguilles une douzaine de canots d’esquimaux avec un homme seul dans chacun, aussi n’en peuvent-ils porter davantage, n’aiant qu’un trou rond au milieu pour l’y recevoir. Ils venoient en criant continuellement et maniant en l’air quelque pièce de leur butin, en signe qu’ils vouloient traitter, ils n’ont que des peaux de loups marins ou en capots ou autrement, pour lesquelles ils ne demandent que des couteaux, ils ne petunent point du tout, ce qui est bien extraordinaires pour des sauvages. Ils sont d’un naturel enfant et rieurs au possible, mais d’une manière puérile et niaise. S’ils présentent une peau de loup marin pour laquelle on leur donne une petite jambette [petit couteau], ils ne l’ont pas plutost receüe qu’ils esclattent de rire comme s’ils avoient gagné un thrésor, et s’ils nous donnent un capot composé de 2 ou 3 peaux aussy grandes, et même plus grandes et plus belles et fort délicatement cousües pour lequel on leur présente une jambette seulement, ils la reçoivent avec les mêmes démonstrations de joie, et les mêmes esclats de rire comme s’ils gagnoient beaucoup ; leur déffiance est telle qu’ils veulent tenir d’une main quand ils lâchent de l’autre ». Et au retour : « Nous y vîmes des Esquimaux en canots et en biscayennes, lesquels estoient bien aussi gras que les loups marins dont ils vivent. Leurs yeux estoient si enfoncés dans leurs joües qu’ils ne paroissoient presque point ». Au havre Saint-Pierre, « entouré de grandes montagnes de roche pelée, [...] nous trouvâmes quelque peu de chaleur, et quantité de maringouins noirs comme des Éthiopiens ».
Le père de Crespieul mentionne qu’au cours de cet hiver passé au port Nelson « avec M. de la Martinière et 50 Français » le père Antoine Silvy « a commencé la mission du Nord de ce côté-là ».
Au mois de mars 1686, il accompagne comme aumônier l’expédition du chevalier de Troyes* qui se rend par terre à la baie d’Hudson pour prendre les postes établis là par les Anglais ; sa connaissance des lieux et des Indiens de ces parages est très utile aux dirigeants de ces opérations. « Le P. Silvy me suivit pas à pas et courut les mêmes dangers », écrit le chevalier de Troyes. Dans une lettre datée du 30 juillet 1686, Silvy donne de l’expédition une relation brève mais substantielle dont le texte sera inscrit par Mgr de Saint-Vallier [La Croix] dans son rapport sur l’Estat présent de l’Eglise : « Ce n’a pas este sans bien des risques et des fatigues qu’avec l’aide de Dieu nous sommes venus à bout de nos desseins. La route depuis Mataoüan est extrêmement difficile ; ce ne sont que des rapides très-violents et très-périlleux à monter et à descendre ; je fus plusieurs fois en danger de me perdre avec tous ceux qui m’accompagnoient, le Charpentier Noel le Blanc, un de nos meilleurs hommes et dont nous avions le plus besoin, fut englouti tout d’un coup sans reparoître sur l’eau, M. d’Iberville [Pierre Le Moyne], qui le menoit avec lui, ne se sauva que par son adresse, et par sa présence d’esprit qu’il conserva toûjours toute entière. D’autres s’étans sauvez à la nage en furent quittes pour la perte de leur canot, de leur bagage, et de leurs vivres ». Après le récit des brillantes opérations militaires de la petite troupe, le père conclut : « Voilà, Monseigneur, les coups d’essai de nos Canadiens, sous la sage conduite du brave M. de Troyes, et de messieurs de Sainte-Hélène [Jacques Le Moyne*] et d’Iberville, ses Lieutenants. Ces deux généreux frères se sont merveilleusement signaléz et les Sauvages, qui ont vû ce qu’on a fait en si peu de temps et avec si peu de carnage, en sont si frappés d’étonnement qu’ils ne cesseront jamais d’en parler partout où ils se trouveront ». Le père ajoute, au sujet des indigènes à évangéliser : « Je n’en ay vû qu’un très-petit nombre de diverses Nations, dont les uns m’entendoient, et les autres ne m’entendoient pas : comme on ne leur parle qu’en passant, parce qu’ils courent toûjours ; il n’y a guères d’apparence qu’on puisse si tôt les faire Chrétiens : il faut esperer néanmoins que Dieu par sa bonté toute puissante leur donnera les moyens de se convertir, s’ils veulent concourir avec nous à cet important ouvrage ». Il s’applique avec plus de loisir à ce travail apostolique au cours de l’hiver au fort Monsoni (fort Moose) pris le 21 juin 1686.
Revenu à Québec en 1687, il retourne à la baie d’Hudson, où il exerce le ministère dans les postes français, surtout au fort Sainte-Anne (fort Albany), et auprès des Indiens jusqu’à 1693. Il revient alors à Québec et y passe le reste de sa carrière au collège des Jésuites, d’abord comme professeur de mathématiques, ensuite comme ministre (administrateur), père spirituel et consulteur des missions. Il mourut le 24 septembre 1711.
En plus des écrits déjà cités, on possède, du père Antoine Silvy, une lettre écrite de sa mission chez les Mascoutens en 1676. Pendant l’hiver passé au lac Saint-Jean (1678), il écrivit des « catecheses » sorte de répertoire d’expressions en langue montagnaise que le père Claude-Godefroy Coquart* traduisit et commenta plus tard. On lui a attribué la Relation par lettres éditée par Rochemonteix qui écrivait : « Parmi les Jésuites de la Nouvelle-France, nous n’en connaissons pas un seul de cette époque qui ait été à même de connaître et ait connu à fond, comme le père Silvy, les Canadiens-français, les sauvages, tout cet immense pays de l’Amérique du Nord ». Cette observation est justifiée, mais elle ne prouve pas suffisamment l’affirmation que Silvy serait le véritable auteur du texte en question. En regard de l’affirmation de Rochemonteix, le père Arthur Melançon, éminent archiviste des Jésuites du Canada, a noté : « Nix, mais de Raudot junior [Antoine-Denis Raudot] ». Cette opinion fait autorité. Une observation l’appuie. Ces lettres s’attardent longuement sur les Indiens de la région des Grands Lacs, y compris les Iroquois, et donnent aussi des détails sur ceux de l’Acadie, que le père Silvy n’a pas connus lui-même, tandis qu’elles ne donnent aucune place ni même une allusion à ceux du Saguenay qui offraient beaucoup de traits particuliers et chez qui il a exercé son apostolat pendant sept années ; un tel silence des textes est un argument contre la supposition qu’il en serait l’auteur. Il peut cependant avoir fourni beaucoup d’éléments de ces lettres à Antoine-Denis Raudot, avec qui il a pu être en contact pendant quatre ans (1705–1709).
En annonçant la mort du père Antoine Silvy dans son rapport sur les missions du Canada, le père Joseph-Louis Germain écrit de lui : « [Il] a passé 40 ans dans le Canada [...] ; il s’est toujours aquitté dignement de tous ses devoirs envers Dieu par une constante exactitude dans tous les exercices de pieté, envers le prochain par une grande charité et un grand zele pour le salut des ames, envers soi même par une continuelle mortification de ses sens et de ses passions ».
Le père Antoine Silvy réalisait le type complet du missionnaire au Canada, doué pour tous les genres de fonctions, prêt à tout accepter et capable de tout accomplir avec succès.
AAQ, Registres des missions des Postes du Roy.— Archives de la Société historique du Saguenay, Lorenzo Angers, Curriculum vitae d’Antoine Silvy.— Chevalier de Troyes, Journal (Caron).— Documents relating to Hudson Bay (Tyrrell).— HBRS, XXI (Rich).— JR (Thwaites), passim.— La Potherie, Histoire, I : 147.— Relation par lettre de l’Amérique septentrionale, années 1709 et 1710, Camille de Rochemonteix, édit. (Paris, 1904).— Saint-Vallier, Estat présent de l’Église.— Le Jeune, Dictionnaire.— Liste des missionnaires jésuites, Nouvelle-France et Louisiane, 1611–1800 (Montréal, 1929), 69.— Frégault, Iberville.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au, XVIIe siècle, III : 269.— J. A. Burgesse, Esquimaux in the Saguenay, Primitive man, XXII (1949) : 23–32.— Rochemonteix, Biographies canadiennes, BRH, XX (1914) : 83–85.— P.-G. Roy, Le chevalier de Troyes, BRH, X (1904) : 284.
Victor Tremblay, p.d., « SILVY, ANTOINE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/silvy_antoine_2F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |