CHAUCHETIÈRE, CLAUDE, jésuite, missionnaire, mathématicien, peintre et mystique, né à Saint-Porchaire-de-Poitiers, province d’Aquitaine, le 7 septembre 1645, décédé à Québec le 17 avril 1709.
À l’âge de 17 ans, Chauchetière vit mourir un prêtre qui s’apprêtait à partir pour les missions canadiennes et il écrivit par la suite : « Celà me fit goûter qu’il faisait bon de se donner à Dieu ». En 1663, le jour de son 18e anniversaire de naissance, il entra au noviciat des Jésuites à Bordeaux. Il se sentait attiré par le Canada, pays où il savait pouvoir trouver d’innombrables occasions de souffrir et de se sacrifier. Il se prépara spirituellement à partir en mission mais, malgré sa grande ferveur « et son désir constant de faire toujours la volonté de Dieu », il avait le sentiment d’avancer trop lentement et de détruire un peu chaque jour le travail déjà accompli. De 1665 à 1667, il étudia la philosophie à Poitiers puis il enseigna successivement à Tulle, à La Rochelle et à Saintes. À la fin de décembre 1672, il rencontra le père François-Joseph Le Mercier*, qui lui donna quelques leçons de huron. Il apprit à réciter le chapelet et trouva de grandes consolations à prier en huron.
Chauchetière arriva au Canada en 1677 (certains disent 1674) et il passa un an à la mission huronne de Québec avant d’être envoyé à la mission iroquoise de Saint-François-Xavier, à Sault-Saint-Louis (Caughnawaga). En 1677, on trouve son nom inscrit aux registres de Laprairie et de Lorette. Cette année-là Kateri Tekakouitha*, une convertie du village agnier de Gandaouagué, arriva à la mission de Saint-François-Xavier et en devint bientôt l’âme dirigeante pour le plus grand bien de la jeune communauté. Chauchetière fut très impressionné par le mysticisme et la grande spiritualité de Kateri ; il ne s’attendait pas à trouver une vie spirituelle aussi intense chez une convertie indigène. Kateri Tekakouitha vécut à Saint-François-Xavier jusqu’à sa mort survenue le 17 avril 1680. L’année suivante, le père Chauchetière fit un portrait à l’huile de la jeune Indienne et écrivit une courte biographie du « lys des Agniers ». Il attribua à l’intercession de Kateri d’avoir survécu presque miraculeusement lorsque la chapelle de la mission s’écroula au cours d’une violente tempête.
En 1682, le père Chauchetière mit ses talents artistiques au service d’une autre cause. Mettant à profit la technique utilisée par Pierron* chez les Agniers, quelque dix ans plus tôt, il fit pour la réserve de Caughnawaga de petites peintures représentant des scènes bibliques, et illustrant les sacrements et les sept péchés capitaux. Ces peintures étaient reliées en petits livres que les Indiens pouvaient facilement apporter avec eux aux champs ou dans la forêt.
Ses nombreux écrits sont toujours pittoresques et divertissants, tout en étant instructifs. D’un style rapide, son récit des 19 années passées à la mission de Caughnawaga est tout imprégné de mysticisme. Ses lettres démontrent la sollicitude avec laquelle il veillait au bien-être spirituel et temporel des Iroquois convertis et des quelque 100 familles françaises dont il fut le père spirituel, de 1678 à 1685. Dans un écrit sur l’ivrognerie, il parle de ce grave problème social, auquel ses compagnons eurent à faire face dans leurs efforts pour convertir et franciser les Indiens. Il décrit les effets désastreux de la traite de l’eau-de-vie : les pertes de vie et de biens personnels, la débauche et la violence, mais il ne propose aucun nouveau moyen propre à remédier à la situation.
La santé du père Chauchetière n’était pas très bonne. En 1692, il souffrit de violents maux de tête et d’érysipèle et, peu après, il fut affaibli par un « fluxe de sang ». Il raconte que, pendant une visite au fort Frontenac (Kingston, Ont.), il subit une attaque de scorbut. Sa vue diminuait, au cours des dernières années de son ministère, mais il refusait de porter des lunettes.
En 1694, après 16 années de dévouement, il quitta la mission iroquoise de Laprairie. Le 20 septembre, il écrivit à un ami de Bordeaux qu’il devait accompagner Pierre Le Moyne d’Iberville à la baie d’Hudson « pour tenir classes de mathématiques dans le vaisseau ». Toutefois, il fut remplacé par le père Antoine Silvy à qui l’on substitua au dernier moment le père Pierre-Gabriel Marest. Chauchetière s’attendait alors à être nommé à la mission huronne de Michillimakinac, mais il fut nommé à Montréal pour enseigner aux garçons « la marine et les fortifications et autres choses de mathématiques. » Parlant de ses nouvelles fonctions, il se dit « protorégent de Ville-marie » et professeur de mathématiques pour une quinzaine d’élèves dont quelques jeunes officiers. En 1694, il signale que deux ou trois de ses élèves sont des marins et que l’un d’eux est second sur un navire du roi.
En plus d’enseigner les mathématiques tous les après-midi, de 4 à 5 heures, il devait entendre les confessions le dimanche et prêcher à l’église paroissiale le premier dimanche de chaque mois. L’on peut croire qu’il n’était pas très enthousiaste au sujet de cette dernière occupation car il écrit : « Il faut prêcher et je n’ai point de sermons ». Il s’intéressa toujours aux questions scientifiques comme l’indiquent ses lettres et ses écrits : il prit soin d’observer attentivement et de noter les éclipses, faux-soleils, tremblements de terre et autres phénomènes de la nature, et il a laissé des descriptions très vivantes de la faune et de la flore.
Le ministère sacerdotal de Chauchetière, à Montréal, ne fut pas facile. Il partageait la méfiance des Jésuites à l’égard des Sulpiciens qui jouissaient d’une grande influence dans l’île. Il fut souvent en désaccord avec Mgr de Saint-Vallier [La Croix] et ce dernier le menaça d’interdiction à plus d’une reprise. Chauchetière s’aperçut que le fait d’être le confesseur de Callière, gouverneur de Montréal et ennemi acharné de l’évêque, rendait sa position encore plus difficile. Quand il osa s’opposer aux nombreuses restrictions et cas réservés imposés par Mgr de Saint-Vallier, ce dernier mit en doute les intentions et la probité du missionnaire.
On ne connaît que très peu de détails concernant les dernières années de la vie de Chauchetière, si ce n’est qu’il demeura fidèle à sa vocation missionnaire jusqu’à sa mort, survenue à Québec le 17 avril 1709.
ASJ, France (Chantilly), Fonds Brotier, CLXII : 78–88, 108–120.— ASJCF, Collection générale, Série A, ff.VIII (b), XI (a), 1, 5, XI (b), XII (a) (APC, FM, 17, 6–3) ; 343.— Charlevoix, History (1890), IV : 283.— Claude Chauchetière, La vie de la B. Catherine Tegahkouita dite à présent la Sainte Sauvagesse, (Manate [New York], 1887) ; Narration annuelle de la Mission du Sault depuis la fondation jusqu’à l’an 1686.— Jug. et délib., I : 511.— JR (Thwaites), LX, LXII, LXIV, LXXI.— Lettres édifiantes et curieuses escrites des missions étrangères par quelques missionnaires de la Compagnie de Jésus (30 vol., Paris, 1707–1773 ; nouv. éd., Paris, 1871), XII : 119–211.— François Élesban de Guilhermy, Ménologe de la Compagnie de Jésus [...], assistance de France, comprenant les missions de l’Archipel de la Syrie, [...] du Canada, de la Louisiane [...], [Jacques Terrien, édit.] (2 part., Paris, 1892), 1re— part., 511–513.— François-Xavier Noiseux, Liste chronologique des évêques et des prêtres ... (Québec, 1934).— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe, siècle, III : 641–678.
C. J. Jaenen, « CHAUCHETIÈRE, CLAUDE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/chauchetiere_claude_2F.html.
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Auteur de l'article: | C. J. Jaenen |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |