RAIZENNE, MARIE, dite Saint-Ignace, sœur de la Congrégation de Notre-Dame, supérieure de la communauté (supérieure générale), née le 14 juillet 1735 à la mission de Lac-des-Deux-Montagnes (Oka, Québec), fille de Josiah Rising (Shoentakwanni, Ignace Raizenne) et d’Abigail Nims (Towatogowash, rebaptisée Élisabeth) ; décédée le 20 avril 1811 à Montréal.
Les parents de Marie Raizenne étaient originaires de Deerfield, au Massachusetts. Capturés par des Indiens au cours de la guerre de la Succession d’Espagne [V. Jean-Baptiste Hertel* de Rouville] et amenés à Sault-au-Récollet (Montréal-Nord) en 1704, ils furent baptisés dans la religion catholique. « Élevés à la façon des sauvages », les deux captifs fréquentèrent les écoles de la mission dirigées par les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame et par les sulpiciens. À la fin de la guerre, ils renoncèrent à retourner dans leur pays d’origine et se marièrent le 29 juillet 1715. Trois de leurs enfants se consacrèrent à Dieu. En effet, quand Marie entra au noviciat de la Congrégation de Notre-Dame à Montréal en 1752, elle suivait les traces de sa sœur aînée, Marie-Madeleine, dite Saint-Herman, entrée 21 ans plus tôt ; son frère, Amable-Simon, avait été ordonné prêtre en 1744. Ayant fait profession en 1754 sous le nom de sœur Saint-Ignace, la nouvelle religieuse vécut à Montréal les événements de la guerre de la Conquête [V. Marie-Angélique Lefebvre* Angers, dite Saint-Simon], puis participa, en 1761, au rétablissement de la mission de Sainte-Famille, dans l’île d’Orléans. Elle remplissait la charge de maîtresse des novices à Montréal lors de l’incendie de la maison mère en 1768 [V. Marie-Josèphe Maugue-Garreau*, dite de l’Assomption] mais l’année suivante, elle fut envoyée à Québec pour diriger la mission de la basse ville, récemment rétablie après avoir été interrompue lors de la prise de la ville par les Britanniques en 1759. La reconstruction du couvent avait nécessité un emprunt de 11 000# auprès du marchand Jean-Baptiste Amiot*. Ne pouvant compter sur l’aide des citoyens, eux-mêmes victimes de la guerre, sœur Saint-Ignace réussit pourtant, en six ans, à rembourser une bonne partie de cette dette, donnant ainsi la preuve de ses qualités administratives. Rappelée à Montréal en 1775, elle devint assistante de la supérieure Véronique Brunet, dit L’Estang, dite Sainte-Rose, qu’elle remplaça en 1778.
Pendant le premier supériorat de sœur Saint-Ignace, la communauté partagea la misère du pays due à la guerre d’Indépendance américaine. Les ressources étaient si rares que le conseil de la communauté ne consentait à réparer l’une ou l’autre des maisons que lorsqu’ »il [y] pleuv[ait] beaucoup » ; en 1780, les sœurs n’arrivèrent à acheter leur provision de blé (300 minots) qu’à la suite d’un legs de 3 000 « chelins » d’un de leurs bienfaiteurs réguliers, Étienne Augé*. En 1781, le supérieur du séminaire de Saint-Sulpice à Montréal, Étienne Montgolfier*, déchargea la communauté des droits de lods et ventes, représentant 1 600#, qu’elle devait au séminaire pour l’acquisition du parc à Baron, emplacement compris entre le fleuve Saint-Laurent et le chemin conduisant à Lachine. Au cours de la même année, le gouverneur Haldimand accorda à la supérieure, qui en avait fait la demande, la remise de la rente d’amortissement seigneurial du fief de l’Île-Saint-Paul (île des Sœurs), de Montréal.
Dans les missions, vu l’état de gêne où se trouvait la communauté, la tentation était forte pour les directrices d’accepter toutes les pensionnaires qui se présentaient. Toutefois, afin de garantir la qualité des services et de ménager la santé des missionnaires, un règlement passé en 1780 limita à 40 le nombre des pensionnaires tout en donnant la priorité aux élèves qui se préparaient à la première communion.
Par ailleurs, cette extrême pauvreté rendit sœur Saint-Ignace très prudente quand elle fut appelée, en 1782, à étudier un projet de mission à Detroit. Déjà, en 1755, une requête avait été présentée en ce sens par les habitants du « Bas de la colonie », mais en vain. Cette fois, Jean-François Hubert*, alors curé de la paroisse Notre-Dame-de-l’Assomption près de Detroit, qui adressait la demande à l’évêque de Québec, Mgr Briand*, était si confiant d’obtenir une réponse favorable qu’il envoyait 2 400# pour le voyage des missionnaires et promettait de leur fournir une maison convenable. Cependant, une telle fondation posait des problèmes à la Congrégation de Notre-Dame. D’une part, elle signifiait un nouveau fardeau financier pour la communauté qui arrivait à peine à soutenir ses missions toutes proches et déjà organisées ; d’autre part, en plus d’être précaire, la mission de Detroit risquait d’être éphémère. En outre, la supérieure considérait ne pouvoir obliger aucune sœur à s’expatrier à Detroit, vu qu’un tel éloignement n’avait pas fait partie, jusque-là, des engagements implicites à la profession. Dans la série des conditions matérielles et spirituelles qu’elle jugea à propos de soumettre à l’évêque avant d’accepter le projet de mission, la supérieure révélait à la fois ses réticences, sa sagesse et son respect de la liberté des sœurs. Puis, après en avoir pesé les avantages et les désavantages, elle y renonça définitivement. Par contre, la congrégation établit une mission à Saint-Denis, sur le Richelieu, en 1783, prenant possession d’un couvent bâti pour les sœurs par le curé François Cherrier. La direction en fut confiée à Marie-Louise Compain, dite Saint-Augustin.
En 1784, son sexennat terminé, sœur Saint-Ignace devint maîtresse des novices et, quatre ans plus tard, seconde maîtresse ; puis elle fut réélue supérieure en 1790. Pendant son second supériorat, elle éprouva des inquiétudes bien légitimes au sujet des affaires de la congrégation en France. C’était la révolution et le procureur de la communauté, Jean-Louis Maury, n’avait pas donné de nouvelles depuis le 25 février 1789. La communauté se trouvait ainsi privée de ses rentes annuelles qui constituaient ses principaux revenus. Apprenant la spoliation des biens du clergé et des communautés religieuses de France, sœur Saint-Ignace s’inquiétait à bon droit de l’avenir des biens de la congrégation en France, sans désespérer cependant de voir traiter les biens du Canada comme ceux des autres pays étrangers, la colonie n’étant plus sous la puissance française depuis de nombreuses années. Dans une lettre datée du 11 mars 1791, qui devait être sa dernière à la communauté jusqu’en 1802, le procureur expliquait qu’il ne pouvait plus acquitter les lettres de change comme auparavant parce qu’il n’était plus sûr de pouvoir toucher l’argent qu’il avancerait. Il se faisait aussi peu rassurant sur l’avenir des biens des communautés canadiennes en France.
Au terme de son second supériorat, en 1796, sœur Saint-Ignace n’avait reçu aucune rente de France et ignorait toujours le sort fait aux biens de la congrégation dans ce pays. On comprend qu’une telle période ait marqué un temps d’arrêt bien net dans l’évolution de la communauté. Aucune mission ne fut alors fondée. Les sœurs se contentèrent de faire les réparations qui s’imposaient, elles haussèrent la pension dans toutes les missions à 7# par mois et un minot de blé, et les demi-pensions à 4# et un demi-minot de blé. Elles vendirent le parc à Baron le 14 mai 1793 et un emplacement au faubourg Québec, dans l’est de Montréal, qui provenait de la dot d’une sœur.
À la suite d’un sexennat pendant lequel l’avenir de la congrégation qu’elle dirigeait avait été ébranlé en même temps que ses assises financières, redevenir maîtresse des novices fut un véritable repos pour sœur Saint-Ignace. Elle assuma cette tâche jusqu’en 1802 puis vécut retirée pendant les neuf dernières années de sa vie.
Arch. de la Congrégation de Notre-Dame (Montréal), Fichier général ; Personnel, V ; Reg. général.— Louise Dechêne, « Inventaire des documents relatifs à l’histoire du Canada conservés dans les archives de la compagnie de Saint-Sulpice à Paris », ANQ Rapport, 1969 : 273.— [Sœur Saint-Jean l’Évangéliste] [Guillelmine Raizenne], Notes généalogiques sur la famille Raizenne ([Ottawa, 1917]).— J.-B.-A. Allaire, Histoire de la paroisse de Saint-Denis-sur-Richelieu (Canada) (Saint-Hyacinthe, Québec, 1905), 176.— C. A. Baker, True stories of New England captives carried to Canada during the old French and Indian wars (Cambridge, Mass., 1897), 235–249.— C.-P. Beaubien, Le Sault-au-Récollet, ses rapports avec les premiers temps de la colonie ; mission-paroisse (Montréal, 1898), 182–184, 192–195, 201, 212–218.— [Prosper Cloutier], Histoire de la paroisse de Champlain (2 vol., Trois-Rivières, Québec, 1915–1917), 2 : 144s.— [É.-M. Faillon], Mémoires particuliers pour servir à l’histoire de l’Église de l’Amérique du Nord (2 vol., Paris, 1852–1853).— Lemire-Marsolais et Lambert, Hist. de la CND de Montréal, 4 : 237–239, 380s. ; 5–6.— Sulte, Hist. des Canadiens français, 6.— Trudel, L’Église canadienne, 2 : 338, 347.
Andrée Désilets, « RAIZENNE, MARIE, dite Saint-Ignace », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/raizenne_marie_5F.html.
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Auteur de l'article: | Andrée Désilets |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
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