PROVOST (Prévost), FRANÇOIS, lieutenant de compagnie dans le régiment de Carignan-Salières, capitaine, major puis lieutenant de roi à Québec, gouverneur de Trois-Rivières ; né à Paris en 1638, de Charles Provost et de Jeanne du Gousset, décédé à Québec le 1er juin 1702.
La première mention que nous trouvons de lui est un brevet du roi du 6 août 1661 qui le nomme lieutenant de la compagnie Montoson dans le régiment du Poitou. Un autre brevet du 6 décembre 1664 le classe lieutenant de la compagnie d’Andigné* de Grandfontaine et c’est comme tel qu’il fait partie du régiment de Carignan-Salières et débarque à Québec le 19 août 1665. Un document du 22 juillet 1666 le signale déjà comme major de Québec, poste auquel il semble avoir été affecté dès son arrivée et qui lui est confirmé par commission royale le 14 mai 1668. Il le détiendra pendant plus de 30 ans, tout en cumulant d’autres responsabilités dans l’exercice desquelles il se révéla un fonctionnaire très consciencieux. Il servit sous six gouverneurs, coopéra avec cinq intendants et aucun d’eux n’a jamais pu mettre en doute son intégrité, son zèle et sa loyauté. Confiné à ses devoirs administratifs, il ne participa à aucune des grandes expéditions militaires de l’époque, sauf lorsqu’il accompagna Buade* de Frontenac en 1673 au lac Ontario.
Frontenac l’eut toujours en haute estime. En 1683, Le Febvre* de La Barre suggéra son nom comme gouverneur de Montréal en remplacement de Perrot*. Provost n’obtint pas le poste, n’ayant aucun atout à la cour dans le jeu des intrigues et des influences. Mais, dès le rappel de La Barre, il gouverne le pays par intérim, charge qui est officiellement ratifiée le 30 mai 1686 en attendant l’arrivée du nouveau titulaire et qu’il remplira par la suite en diverses occasions. En 1687, un décret du roi le nomme temporairement commandant de Montréal, en l’absence de Callière.
Provost fut le principal artisan de la mise en défense de la ville de Québec contre l’attaque de Phips* à l’automne de 1690. Comme le gouverneur était absent, il avait la responsabilité du commandement. Conscient du danger, il se met à l’œuvre sans tarder. Il envoie un émissaire à Montréal pour aviser Frontenac. Une barque, conduite par le beau-frère de sa femme, Pierre Bécart de Granville, qui mieux que quiconque connaît la région, gagne Tadoussac pour épier l’ennemi. Pendant ce temps, le major mobilise les habitants de la ville et des paroisses environnantes, et tous se mettent à l’œuvre pour creuser des tranchées, placer les batteries aux endroits stratégiques et former les bataillons de défense. Arrivé en toute hâte, Frontenac est émerveillé de trouver la capitale prête à faire face à l’ennemi. En moins de six jours, le major Provost avait accompli une tâche qui normalement aurait pris deux mois. Selon l’annaliste de l’Hôtel-Dieu, c’est lui qui se rendit au rivage accueillir l’envoyé de Phips, le major Thomas Savage, et qui lui fit bander les yeux avant de le faire conduire par des chemins détournés au palais du gouverneur. L’histoire accorde à Frontenac, grâce à sa fameuse réponse à ce délégué, le crédit de la victoire. Mais le gouverneur n’aurait certes pu crâner avec autant d’assurance sans le système de défense mis sur pied par Provost. Le roi fut mis au courant des péripéties de cet incident et, le 7 avril 1691, il faisait savoir à Provost sa satisfaction et l’informait qu’il créerait à son intention le poste de lieutenant de roi à Québec. Le monarque tint parole quelques mois plus tard, soit le 29 février 1692. À diverses reprises, tout au long de ses années de service, Provost reçut des lettres d’approbation de sa conduite, principalement de son exploit de 1690, lettres signées tantôt du roi, tantôt de Pontchartrain ou de Maurepas, qu’il avait précieusement conservées et qui sont énumérées dans l’inventaire de ses biens dressé après sa mort.
L’esprit de justice et la probité que Provost a toujours placés à la base de son administration lui suscitèrent quelques ennemis, principalement chez les personnes intéressées au commerce libre. Provost dut quelquefois faire preuve d’une souple diplomatie, alimentée de discrètes suggestions, lors des conflits entre gouverneur et intendant. En 1678, Duchesneau* ayant fait arrêter Pierre Moreau, dit La Taupine, pour avoir fait la traite illégalement, Provost reçut aussitôt de Frontenac l’ordre de libérer le trafiquant ; ce qui fut aussitôt fait. Le dénigreur le plus acharné de Provost fut l’ingénieur Robert de Villeneuve* que le gouverneur Brisay de Denonville décrit comme « un fou, un libertin, un débauché, dont il faut souffrir parce que nous en avons affaire ». Villeneuve adressa même à la cour des plaintes contre la conduite du major, sous prétexte de malversations. Denonville en fut informé et prit énergiquement la défense de Provost. Dans son mémoire du 8 juin 1687, le gouverneur écrit au ministre Seignelay : « Ce que l’on vous a écrit méchamment du sieur Provost, major de Québec, ne le doit pas perdre dans votre esprit, monseigneur, puisque sans contredit c’est le plus honnête homme, le plus droit et le moins intéressé que j’aie trouvé dans le pays. Jusques ici, c’est le seul ancien officier que j’aie vu qui ne s’est point mêlé d’aucun commerce ni entré dans aucun des démêlés passés, ne s’étant attaché qu’à son devoir ».
Provost avait atteint la quarantaine quand il épousa, le 1er août 1679, Geneviève Macard, veuve de Charles Bazire* et bénéficiaire d’un héritage intéressant. En 1682 il acheta la maison de l’intendant Talon*, où avait également résidé l’intendant Duchesneau. Le successeur de ce dernier, Jacques de Meulles, qui désirait l’habiter pour se rapprocher du palais du gouverneur, voulut faire annuler la vente au major Provost. Celui-ci, désireux d’éviter des ennuis, accepta l’offre d’achat de Mgr de Saint-Vallier [La Croix] qui fit démolir la maison pour agrandir le palais épiscopal. Par cette vente Provost réalisa un excellent profit. En 1697, il accepta d’engloutir plus de 13 000# dans une entreprise d’exportation de fourrures mise sur pied par Augustin Le Gardeur de Courtemanche, Raymond Martel et le beau-père de ce dernier, Antoine Trottier Des Ruisseaux. L’acte de société, fait sous seing privé, était fort imprécis ; Provost ne fut jamais remboursé en entier et l’affaire occupa longtemps la justice québécoise.
Le 28 mai 1699 une commission royale accordait à François Provost le poste de gouverneur de Trois-Rivières, où il remplaçait Claude de Ramezay, nommé commandant en chef des troupes de la colonie. Un commentaire de Le Roy de La Potherie lors de ces mutations nous renseigne sur le caractère des deux hommes et sur l’opinion des habitants à l’endroit de leurs gouvernants. Claude de Ramezay administrait « avec une autorité fatigante » et molestait ses sujets. Aussi les Trifluviens applaudirent-ils à la nomination de François Provost comme gouverneur. En 1702, l’écrivain du roi envoyait au ministre de la Marine le message suivant : « On vous a donné mille bénédictions quand vous avez donné à Mr Provost le gouvernement des Trois-Rivières. C’est un homme généreux, il est aimé de toute la ville. Il ne cherche que les moments de faire plaisir à chacun. Il ne se mêle point dans le commerce des pelleteries des bourgeois, qui auraient volontiers chanté le Te Deum en actions de grâce, quand vous leur avez ôté Mr de Ramezay. Les peuples des colonies aiment à être menés par la douceur ».
À sa nomination comme gouverneur de Trois-Rivières, Provost avait atteint 60 ans et il était malade. Dès 1689 Frontenac avait observé qu’il souffrait « de la goutte et de la gravelle ». Prévoyant peut-être que son règne serait court, il n’apporta de son ménage que le strict nécessaire. Le reste fut laissé à Québec, mis en caisses et entreposé chez Pierre Bécart de Granville, rue du Sault-au-Matelot. Provost chercha mais en vain, par l’entremise du gouverneur de Callière, à faire nommer Granville major de Trois-Rivières pour le seconder dans son travail. La cour refusa parce qu’ils étaient parents. Comme son mal empirait, le gouverneur entra à l’hôpital des Ursulines, puis revint à Québec et se plaça sous les soins de son ami, le médecin du roi Michel Sarrazin. Il mourut le 1er juin 1702 et fut inhumé le 5 dans la voûte de la cathédrale. L’inventaire de ses biens, dressé par le notaire Chambalon, couvre près de 50 pages. Ne recevant pas les frais d’honoraires du médecin, la veuve lui fit porter « par honnêteté » une gratification de huit louis d’or. Elle épousa en troisièmes noces, le 5 novembre 1703, Charles-Henri d’Aloigny de La Groye.
Contrairement à ce qu’affirme Le Jeune, François Provost n’a pas laissé d’enfants. Il fut remplacé au poste de gouverneur de Trois-Rivières par le marquis de Crisafy, qui lui avait déjà succédé comme lieutenant de roi à Québec.
AJQ, Greffe de Romain Becquet, 22 juill. 1666 ; Greffe de Jean Lecomte, 20 juill. 1668 ; Greffe de Louis Chambalon, 13 juin, 20 oct., 8 nov. 1702, 20 janv. 1704.— Correspondance de Frontenac (1689–1699), RAPQ, 1927–28 : 26–179.— Gagnon, Noms propres au Canada français, BRH, XV (1909) : 156.— Juchereau, Annales (Jamet).— Le Jeune, Dictionnaire, II, 477.— P.-G. Roy, Les officiers d’état-major ; La Ville de Québec.— R. Roy et G. Malchelosse, Le régiment de Carignan.— P.-G. Roy, François Prévost, BRH, XI (1905) : 22–24.
Raymond Douville, « PROVOST (Prévost), FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/provost_francois_2F.html.
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Auteur de l'article: | Raymond Douville |
Titre de l'article: | PROVOST (Prévost), FRANÇOIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |