CRISAFY, ANTOINE DE, marquis de Crisafy, officier dans les troupes de la Marine, gouverneur de Trois-Rivières, chevalier de Saint-Louis, né à Messine (Sicile), fils de Mathieu de Crisafy et de Françoise de Grimaldi, inhumé à Trois-Rivières le 6 mai 1709.

Antoine de Crisafy acquit le grade de lieutenant-colonel et commanda un régiment d’infanterie dans l’armée du duc de Vivonne, maréchal de France, lorsque la Sicile se révolta contre les Espagnols. Il fut « estropié d’un bras » à la prise de Descalette. Il avait entraîné dans la révolte son frère cadet, Thomas*, chevalier de Malte. Tous deux durent fuir leur île natale, ce qui leur coûta la confiscation de tous leurs biens, qui étaient considérables. Ils se rendirent à la principauté de Monaco, appartenant à la famille Grimaldi, où ils possédaient des terres.

Selon certains auteurs, les frères Crisafy furent jetés à la Bastille en 1683 (sans doute à la suite d’une rixe) et furent bientôt relâchés à condition de prendre du service aux colonies. Nous savons qu’ils furent nommés à la tête de deux des sept compagnies que Louis XIV, à la demande du gouverneur de La Barre [Le Febvre*], envoya en Nouvelle-France en 1684. Le grade de capitaine des deux frères porte la date du 3 avril de cette année. Quatre compagnies, dont les leurs, débarquent à Québec le 24 septembre, vers le même temps où le gouverneur revenait de sa piteuse expédition contre les Iroquois.

C’est d’abord sous l’administration de Brisay de Denonville que les Crisafy firent la preuve de leur formation technique et de leur bravoure. Ces officiers, originaires d’un pays où le froid est inconnu, s’adaptèrent au rude climat canadien, même s’ils voyaient leur santé s’altérer. En 1686, ils accompagnent le gouverneur dans une expédition contre les Tsonnontouans. Denonville les tient en haute estime et il informe Colbert que « des officiers de la marine il n’y a aucun capable de commander un poste de cent hommes, si ce n’est messieurs de Crisafy, plus sages qu’aucun ; qu’il ne peut trop louer les deux frères, qui sont appliqués et qui ont du mérite ; qu’il faut des talents pour commander au Niagara, où le meilleur n’est pas très bon ». Le marquis de Rompré, capitaine d’une compagnie, s’offusqua de cette préférence du gouverneur, prétendant qu’il était le plus ancien enseigne de vaisseau. Les compagnies des frères Crisafy toutefois avaient été formées avant la sienne et cet ordre chronologique, auquel s’ajoutait la compétence réelle, prévalut. Le marquis de Rompré retourna en France et les Crisafy continuèrent à prouver leur valeur et leur expérience. Jusqu’à la mort de Thomas, le 29 février 1696, les autorités de la cour et de la colonie les englobent dans les mêmes compliments.

Antoine se signala particulièrement en 1692 lorsque le gouverneur de Callière lui confia le commandement des troupes de Sault-Saint-Louis. Il réussit par ruse à déjouer les tentatives de 800 Iroquois qui avaient formé le projet de détruire la colonie française. À partir de cet exploit, l’amitié de Callière pour Crisafy ne se démentira plus. En 1696, lors de l’expédition de Buade* de Frontenac contre les Iroquois, Crisafy est chargé, avec le capitaine Raymond Blaise Des Bergères, de la garde du fort nouvellement construit d’Onondaga, où se trouvent les bateaux, provisions et munitions nécessaires à l’expédition.

À la suite de ses 13 années de dévouement à la colonie française d’Amérique, et sur la recommandation de Frontenac et de Callière, la cour créa pour lui le poste de lieutenant de roi à Montréal. Sa nomination est datée du 15 mars 1697 et paraphée par Frontenac le 26 octobre suivant. En 1698 il est fait chevalier de Saint-Louis, en même temps que Frontenac et Callière. Le roi, par une lettre du 19 juin à Rigaud de Vaudreuil, commet ce dernier pour les recevoir tous trois. Le 30 octobre de la même année, les Sulpiciens, seigneurs de Montréal, accordaient à Crisafy à titre de fief noble, sans justice, une concession de terre à la Côte-des-Neiges.

Comme ses attributions de lieutenant de roi l’y autorisaient, Crisafy devint gouverneur intérimaire de Montréal lorsqu’en 1699 Callière remplaça Frontenac au poste de gouverneur général. Selon Le Roy de La Potherie, il fut même question qu’il obtienne le poste, et on s’attendait à sa nomination. Toutefois Vaudreuil fut choisi et Callière fit nommer Crisafy lieutenant de roi à Québec, en remplacement de François Provost, nomme gouverneur de Trois-Rivières. Il devenait ainsi un des principaux personnages de la Nouvelle-France et il n’échappa pas à la contagion des chicanes de préséance et d’abus de pouvoir installée dans les milieux de la haute administration. La correspondance officielle conserve des bribes de ses dissensions ridicules avec l’intendant Bochart de Champigny, Claude de Ramezay, son successeur à Montréal, et son prédécesseur François Provost. Il eut même son « incident de prie-Dieu », en flanquant le sien de l’église des Récollets de trois laquais et de trois soldats de la garnison du château Saint-Louis. Ces divers incidents vinrent malheureusement ternir sa réputation de stratège militaire, qui n’était pas sans valeur.

François Provost étant décédé le 1er juin 1702, Crisafy obtint le poste de gouverneur de Trois-Rivières, exactement un an plus tard. Son voisinage immédiat se composait de 32 maisons dans la haute ville, c’est-à-dire dans l’enceinte, et de 17 maisons hors des murs. C’était le plus petit des trois gouvernements, mais Crisafy semble s’en être accommodé, car on le voit participer à presque toutes les activités sociales et religieuses et il semble avoir conquis l’estime de ses administrés. Il mourut à la tâche et fut inhumé dans l’église paroissiale le 6 mai 1709.

Pendant qu’il était lieutenant de roi à Québec, Crisafy avait épousé, le 17 février 1700, Marie-Claire Ruette d’Auteuil, âgée de 15 ans, fille du procureur général. La jeune épouse accompagna son mari à Trois-Rivières mais, de constitution maladive, elle dut, sur les conseils de sa mère, revenir à Québec où elle mourut le 9 octobre 1705. Des difficultés survinrent, après la mort de Marie-Claire, entre Ruette d’Auteuil et son gendre au sujet de la succession. Tous deux acceptèrent l’arbitrage du marquis de Vaudreuil et de Lamothe Cadillac [Laumet] pour régler le différend. Crisafy termina sa vie bien sagement, en son manoir du gouvernement de Trois-Rivières, en compagnie de son fidèle domestique, Émery Jarry.

Le notaire Pottier a dressé un minutieux inventaire des biens de ce pittoresque militaire de carrière qui ne laissait en ce pays aucun parent.

Raymond Douville

AJQ, Greffe de Florent de La Cetière, 29 mars 1706.— AJTR, Greffe de J.-B. Pottier, 26 nov. 1706.— AN, Col., B, 20.— Charlevoix, Histoire de la N.-F., II : 95–97, 125, 170.— P.-G. Roy, Inv. coll. pièces jud. et not., I : 204.— Fauteux, Les chevaliers de Saint-Louis.— P.-G. Roy, Les officiers détat-major.— J.-B.-A. Ferland, Cours dhistoire du Canada (1534–1751) (2 vol., Québec, 1861–1865), 11 274–282.— Jouve, Les Franciscains et le Canada aux Trois-Rivières.— Lionel Groulx, Le Gallicanisme au Canada, RHAF, I (1947) : 68.— Jean Leclerc, Denonville et ses captifs iroquois, RHAF, XIV (1960) : 548.— É.-Z. Massicotte, Le Marquis de Crisafy, seigneur de la Côte-des-Neiges, BRH, XL (1934) : 431s.— Benjamin Sulte, M. de Galiffet, BRH, V (l 899) : 348.

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Raymond Douville, « CRISAFY, ANTOINE DE, marquis de CRISAFY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/crisafy_antoine_de_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    1 décembre 2024