POWER, THOMAS JOSEPH, prêtre catholique et évêque, né le 10 décembre 1830 près de New Ross (république d’Irlande), fils de Martin Power, aubergiste, et de Catherine Sutton ; décédé le 4 décembre 1893 à St John’s.

Thomas Joseph Power naquit dans une famille à l’aise de Rosbercon, près de New Ross, dans le comté de Wexford. Il fit ses études à l’école du monastère de St Patrick à Tullow, au Carlow College de 1843 à 1853, à la University of London (où il obtint une licence ès arts en 1850) et au Collège irlandais, à Rome, de 1853 à 1855. Il fut ordonné diacre dans cette ville le 4 juin 1854, et prêtre six jours plus tard. Le jeune ecclésiastique assista à la proclamation du dogme de l’Immaculée-Conception le 8 décembre de la même année. Il remplit pendant quelques mois à Rome les fonctions de chapelain auprès de l’évêque de Clogher, Charles McNally, puis revint en Irlande en juin 1855, en compagnie de Paul Cullen, archevêque de Dublin. Le 10 août, Power devint aumônier à la prison de Dublin et, le 5 février de l’année suivante, on le nomma vicaire à l’église qui tenait lieu de cathédrale, rue Marlborough. Il succéda au chanoine Thomas Pope, mort en juillet 1856, et on le chargea de célébrer les mariages et les baptêmes dans cette grande paroisse urbaine qu’il desservait. Le 9 août 1859, il fut nommé directeur du nouveau séminaire Holy Cross à Clonliffe (Dublin), poste qu’il occupa jusqu’au moment de sa consécration épiscopale en 1870.

À Terre-Neuve, depuis plus d’un an, c’est-à-dire depuis le décès de l’évêque John Thomas Mullock* survenu en mars 1869, le siège épiscopal de St John’s était vacant. Les franciscains irlandais exerçaient de fortes pressions pour qu’un des leurs soit nommé ; depuis 1784, ils avaient d’ailleurs toujours assumé les postes de vicaires apostoliques et d’évêques dans l’île. Toutefois, c’est Power, prêtre séculier et protégé du cardinal Cullen, que l’on nomma au siège épiscopal le 8 mai 1870. Ce dernier le sacra troisième évêque de St John’s le 12 juin à Rome. Le jour suivant, le nouvel évêque siégeait au Premier Concile du Vatican et, le 18 juillet, votait pour le dogme de l’infaillibilité du pape. Cullen pria Power de partir sans délai pour Terre-Neuve afin de corriger chez les membres du clergé certaines situations que le cardinal jugeait intolérables mais attribuables à l’absence de direction épiscopale à St John’s. Après une brève visite à Dublin, Power arrivait à Terre-Neuve le 9 septembre.

Tout au long de son épiscopat, Power ne se mêla pas à la politique d’aussi près que ses prédécesseurs, Michael Anthony Fleming* et Mullock, car l’île avait été dotée d’un gouvernement responsable en 1855, ce que les premiers évêques avaient souhaité pour leurs ouailles irlandaises ; désormais assurés d’être représentés, les Irlandais pouvaient accéder plus facilement à des postes d’élus et, par le fait même, au pouvoir. D’un caractère pacifique, Power était également peu porté à se lancer dans des controverses. Tandis que les trois premiers vicaires apostoliques et évêques titulaires de Terre-Neuve, James Louis O’Donel*, Patrick Lambert* et Thomas Scallan*, avaient cherché à apaiser l’administration coloniale britannique à tout prix, et que leurs successeurs, Fleming et Mullock, animés par une ferveur nationaliste, avaient obtenu un gouvernement responsable par l’intermédiaire du parti libéral, l’épiscopat de Power se caractérisa davantage par un ultramontanisme bienveillant qui visait à assurer la présence de l’Église catholique dans l’île grâce à une consolidation interne. Power lui-même, comme l’indique son journal, vota en 1873 pour le gouvernement du protestant Charles James Fox Bennett*. Il ne participa à des débats publics qu’en deux occasions seulement. La première fois, en 1873–1874, il essaya, mais sans succès, de faire nommer un avocat de nationalité irlandaise, James Gervé Conroy*, magistrat stipendiaire de St John’s. Il fit une autre intervention publique, en 1878, pour exonérer des catholiques après une dispute qui les avait opposés à des orangistes, incident qu’on appela « soirée Kelligrews » ; Power protesta auprès du gouverneur, sir John Hawley Glover*, contre l’inactivité de la police pendant l’échauffourée. Il s’intéressa certes au développement économique de l’île, mais sans mener de campagnes dans les milieux politiques.

Power fit sa réputation presque exclusivement dans le milieu ecclésiastique. En 1875, il fit venir à Terre-Neuve des Frères chrétiens d’Irlande et leur confia la direction du St Bonaventure’s College [V. John Luke Slattery*] et des écoles de la Benevolent Irish Society. Pendant son épiscopat, les congrégations des Sisters of Mercy et des Sisters of the Présentation of the Blessed Virgin Mary augmentèrent leurs effectifs et étendirent leurs activités à des paroisses à l’extérieur de St John’s. Sur le plan religieux, tout en demeurant dans les limites de la piété détachée des contingences du monde, telle que prônée au xixe siècle, Power manifesta une grande vénération pour saint François de Sales. Ce fut moins l’antiprotestantisme radical de ce saint que sa vision de l’union de la vie contemplative et de la vie active qui façonna la piété de l’évêque. Depuis l’époque de ses études en Irlande, on lui reconnaissait des qualités oratoires et un goût raffiné pour tout ce qui touchait la liturgie. Au cours de son épiscopat, on rénova la cathédrale de St John’s (aujourd’hui une basilique), monument témoin de la présence du catholicisme dans l’île ; on construisit aussi un monastère, Mount St Francis, pour les Frères chrétiens d’Irlande, deux orphelinats, le Belvédère pour les filles et la Villa Nova pour les garçons, ainsi que de nombreuses écoles et églises.

Même si la bulle émise à l’occasion de la consécration de Power en 1870 exprimait l’intention du Saint-Siège de faire sous peu de Terre-Neuve une province ecclésiastique distincte, cette promesse ne se réalisa pas du vivant de l’évêque. St John’s et Harbour Grace ne demeurèrent que des évêchés sous la surveillance immédiate de Rome. Les titulaires de ces deux sièges épiscopaux, sans être des suffragants de Québec ou de Halifax, devaient cependant assister aux synodes de l’archidiocèse de Halifax, obligation dont ils tenaient peu compte. En 1870, pendant que Power était en fonction, on établit deux préfectures apostoliques : celles de St George’s et de Placentia. Cette dernière, confiée à l’évêque de St John’s, fut abolie en 1891, tandis que la préfecture de St George’s se vit élever au rang de vicariat apostolique l’année suivante, lorsqu’on nomma évêque titulaire le préfet en poste à cet endroit, Michael Francis Howley*.

En 1893, l’année de son décès, Thomas Joseph Power accueillit Thomas Brennan à titre d’évêque auxiliaire. Premier évêque du diocèse de Dallas, au Texas, cet homme courtois avait été renvoyé à cause de sa mauvaise administration financière. Les membres du clergé local, au courant des raisons du renvoi de Brennan de Dallas, s’assurèrent qu’il ne succéderait pas à Power en envoyant une note de protestation à Rome. Après la mort de Power, survenue à la suite de complications reliées à une grave bronchite, le siège épiscopal de St John’s demeura vacant pendant un an. On nomma son successeur immédiatement après la désastreuse faillite bancaire et le quasi-effondrement de l’économie de Terre-Neuve en 1894 ; c’est Howley, ancien secrétaire de Power pendant un certain temps, que l’on désigna à ce poste ; il devenait ainsi le premier évêque natif de l’île. Sous sa direction, le diocèse deviendrait finalement en 1904 un siège archiépiscopal, et Terre-Neuve une province ecclésiastique indépendante.

Hans Rollmann

Les sources qui nous renseignent sur la vie et la pensée de Thomas Joseph Power comprennent son journal de 1877–1878 (surtout le « Memoranda » autobiographique qu’il rédigea le 22 nov. et le 1er déc. 1877), sa lettre pastorale du 10 juill. 1871, et ses épîtres du Carême de 1881 et 1893, qui se trouvent dans ses papiers aux Arch. of the Archdiocese of St John’s. Parmi sa correspondance, les lettres suivantes et autres documents méritent une mention spéciale : Cyrus Field à Power, 30 mai 1873 ; Power à Glover, 22, 24 janv., 16 févr. 1878 ; Glover à Power, 23 janv. 1878 ; S. J. Hill à Power, 7 mai 1883 ; Frank Evans à Power, 10 août 1887, tous dans les papiers de Power aux archives de l’archevêché ; et, aux PANL, GN 1/3/A, Power à Glover, 10 janv. 1874 ; Glover, notes d’entrevue avec Power, 26 janv. 1878 ; et GN 1/3/A, 1878, file 19, 15 févr. 1878. Les relations de Power et du cardinal Paul Cullen sont traitées dans Paul Cullen and his contemporaries : with their letters from 1820–1902, Peadar MacSuibhne, édit. (5 vol., Naas, république d’Irlande, 1961–1977), 3 : 160–161 ; 4 : 160 ; 5 : 100, 111–112, 116.

Une compilation publiée par la Congregatione de Propaganda Fide de documents concernant l’Église catholique de Terre-Neuve, Nota di archivio : sul reggime ecclesiastico dell’ isola di Terra Nova (Rome, 1870 ; copie disponible aux Arch. of the Archdiocese of St John’s), présente le contexte administratif de l’épiscopat de Power. Parmi les articles de journaux contemporains le concernant, notons : Newfoundland Colonist (St John’s), déc. 1887 ; et Newfoundlander, 9 sept. 1870, 31 mars 1871, 9 déc. 1873, 2 avril 1876 ; des notices nécrologiques figurent dans l’Evening Telegram (St John’s), 4–6, 8 déc. 1893, et dans le Times and General Commercial Gazette (St John’s), 6, 9 déc. 1893.

Il existe peu d’études sur Power. La seule appréciation générale digne de mention est celle de J. G. Higgins, « Right Reverend T. J. Power, D.D., bishop of St. John’s, 1870–1893 », dans The Basilica-Cathedral of St. John the Baptist, St. John’s, Newfoundland, 1855–1980, J. F. Wallis et al., édit. (St John’s, 1980), 125–132. On trouve une courte entrée dans Canadian R.C. bishops, 1658–1979, André Chapeau et al., compil. (Ottawa, 1980). L’influence des Frères chrétiens d’Irlande, des Sisters of the Presentation of the Blessed Virgin Mary et des Sisters of Mercy sur l’enseignement à Terre-Neuve fait l’objet d’une étude de M. P. Penney, « A study of the contributions of three religious congregations to the growth of education in the province of Newfoundland » (thèse de ph.d., Boston College, 1980). Le lien de Power avec la Benevolent Irish Society est traité dans Centenary volume, Benevolent Irish Society of St. John’s, Newfoundland, 1806–1906 (Cork, république d’Irlande, [1906]), 127–166. [h. r.]

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Hans Rollmann, « POWER, THOMAS JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/power_thomas_joseph_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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