CONROY, JAMES GERVÉ, avocat, journaliste, homme politique et juge, né le 12 avril 1836 près de Boyle (république d’Irlande) ; en 1870, il épousa Elizabeth O’Neill, du comté d’Antrim (Irlande du Nord), et ils eurent un fils ; décédé le 28 janvier 1915 à Montréal et inhumé au Belvedere Cemetery à St John’s.

James Gervé Conroy fit ses études en Irlande et reçut aussi une formation hors cadres à Paris. Il fut admis aux barreaux d’Angleterre et d’Irlande avant d’immigrer en 1872 à Terre-Neuve, où il enseigna un court moment au St Bonaventure’s College de St John’s. Reçu au barreau de Terre-Neuve la même année, il ouvrit un cabinet, Boone and Conroy, avec John Hoyles Boone. Sociable et préoccupé du bien public, Conroy participait aussi aux affaires locales. Il appartint par exemple au bureau d’Éducation catholique de St John’s. En outre, il fonda et dirigea un journal catholique, le Terra Nova Advocate (lancé en 1875 sous le titre de St John’s Advertiser). Ce fut donc tout naturellement qu’il entra dans la politique terre-neuvienne et ce, en un temps où les tensions religieuses étaient vives et où les échos des débats sur la Confédération retentissaient encore.

Conroy remporta, à la Chambre d’assemblée, l’un des deux sièges du district de Ferryland, dans la péninsule d’Avalon, en 1874 et en 1878. Après la retraite de Charles Jarres Fox Bennett*, il aida à diriger l’opposition contre le gouvernement de William Vallance Whiteway*. Une anecdote à propos du redoutable Pierre Ronayne, un des chefs de clan de Tors Cove, petite localité où les catholiques étaient nombreux, rappelle l’atmosphère des campagnes électorales de l’époque. Conroy avait obtenu un soutien sans équivoque de la part du clergé, mais Ronayne, lui, avait décidé que Conroy ne s’adresserait pas aux électeurs. Avec ses partisans, Ronayne s’embusqua au pied de la colline de Tors Cove et, lorsqu’il vit venir Conroy et le père Nicholas Roche dans deux chariots, il s’écria : « Conroy ne fera pas de discours à Tors Cove ce soir ! » Puis, ses gaillards et lui éloignèrent l’avocat et le prêtre avec des volées de calmar pourri.

Conroy abandonna la politique en 1880 et fut nommé la même année magistrat rémunéré et juge à la Central District Court, où il siégea avec son collègue Daniel Woodley Prowse. Une des affaires les plus délicates qu’il eut à juger se rapportait à la faillite de la Commercial Bank, survenue au cours du krach de 1894 [V. James Goodfellow*]. En février 1895, il entendit les accusations portées contre les administrateurs de la banque et, ayant conclu que, à première vue, l’affaire était fondée, il la renvoya devant la Cour suprême. Plus tard, les poursuites s’embourbèrent à cause des relations complexes qui existaient entre les juges, les jurés et les défendeurs. Pour qu’elles soient menées à terme, il fallut que le ministère des Colonies nomme un juge venant de l’extérieur de Terre-Neuve.

Conroy demeura juge jusqu’à sa mort. D’après l’un de ses nécrologues, « il était de la vieille école et l’entendre interroger un témoin était fort intéressant ». On se souvient de plusieurs de ses observations dans les cercles juridiques et parmi les collectionneurs de remarques incidentes de cette époque. Ainsi, appelé à juger un homme qui était inculpé d’avoir menacé de faire au plaignant une chose terrible « pour deux cents » tout en brandissant un énorme couteau, Conroy le déclara coupable d’« avoir offert, moyennant des honoraires, d’exécuter une opération chirurgicale pour laquelle il n’avait pas les qualités professionnelles requises ». Une autre fois, comme Pierre Ronayne comparaissait devant lui pour contrebande, Conroy, lui jetant un regard pardessus ses lunettes, déclara plaisamment « Ronayne, je vous ai enfin [eu] », et le condamna à 30 jours.

James Gervé Conroy mourut à Montréal ; malade depuis quelques années, il s’était rendu dans cette ville pour y recevoir des soins. Son décès survint exactement un an et un jour après celui de son collègue Prowse. Il échappa donc à la manie que Prowse avait de publier sur-le-champ des nécrologies parfois hautes en couleur. À propos de ces textes de Prowse, Conroy avait dit un jour, citant la remarque de John Arbuthnot au sujet des nécrologies que le libraire Edmund Curll produisait instantanément, à l’époque de la reine Anne, sur les éminents défunts londoniens : « ils donnent une raison de plus d’avoir peur de mourir ». Conroy était un homme plein d’esprit et ses contemporains l’admiraient beaucoup.

G. M. Story

L’anecdote concernant la condamnation prononcée par James Gervé Conroy relativement à une « intervention chirurgicale » et son commentaire à propos des nécrologies de Prowse nous ont été communiqués par un vieil ami maintenant décédé, H. T. Renouf, de St John’s.  [g. m. s.]

Evening Telegram (St John’s), 29 janv. 1915.— Annnaire, Terre-Neuve, 1877.— Peter Cashin, My life and times, 1890–1919 (Portugal Cove, T.-N., 1976), 8s.— M. E. Condon, The fisheries and resources of Newfoundland, « the mine of the sea », national, international and co-operative ([St John’s], 1925), 286.— DNLB (Cuff et al.).Encyclopedia of Nfld (Smallwood et al.), 1 : 508, 691–693.— Newfoundland men [...], H. Y. Mott, édit. (Concord, N.H., 1894).— When was that ? (Mosdell).

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G. M. Story, « CONROY, JAMES GERVÉ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/conroy_james_gerve_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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