SLATTERY, JOHN LUKE, frère chrétien d’Irlande et éducateur, né en 1847 à Nenagh (république d’Irlande), sixième enfant d’un prospère fermier ; décédé le 15 novembre 1909 à Cork (république d’Irlande).

John Luke Slattery fréquenta d’abord une école établie par la National Society à Nenagh, puis étudia chez les Frères chrétiens d’Irlande, dans la même ville. En 1864, il entra dans cette congrégation et reçut sa formation au collège des Frères chrétiens à Dublin. Après avoir enseigné pendant 11 ans à St Kevin’s, également à Dublin, il fut directeur adjoint de l’Our Lady’s Mount, à Cork ; c’est de là qu’il partit pour Terre-Neuve en 1881.

Slattery arriva à St John’s en septembre pour enseigner au St Patrick’s Hall, l’une des écoles que dirigeaient les Frères chrétiens depuis qu’ils étaient venus à Terre-Neuve, en 1875, à la demande de l’évêque Thomas Joseph Power*. Huit ans plus tard, il fut appelé à assurer la direction du St Bonaventure’s College, principal établissement d’enseignement catholique de Terre-Neuve. Ce collège récemment réorganisé, qui décernait des diplômes d’études générales, attirait tout autant des protestants que des catholiques des classes moyenne et aisée. Les membres de la future élite catholique de l’île sur les plans religieux et politique y faisaient leurs études et, pendant le mandat de Slattery, ils se distinguèrent en remportant des bourses et des prix. L’énergie que Slattery avait mise dans l’amélioration de l’enseignement secondaire à Terre-Neuve porta fruit, car plusieurs étudiants furent reçus avec grande distinction aux examens d’admission de la University of London. En 1891, dans le but d’assurer l’avenir de la congrégation à Terre-Neuve, Slattery ouvrit un noviciat pour les Frères chrétiens au St Bonaventure’s College, mais l’établissement ne survécut que cinq ans. Le grand incendie de 1892 avait obligé Slattery à consacrer tout son temps à la reconstruction et à l’administration des établissements d’enseignement catholiques de St John’s.

Les 25 années de service de Slattery à Terre-Neuve ne furent interrompues que par un séjour d’un an en Irlande en 1896–1897, d’abord au St Vincent’s Orphanage, puis à la direction du collège des Frères chrétiens, tous deux à Waterford. Slattery revint à St John’s en novembre 1897, à la demande de l’évêque Michael Francis Howley*, pour fonder un orphelinat à Mount Cashel, domaine de la famille Howley. L’évêque entreprit d’acheter cette propriété qu’il souhaitait céder ensuite aux Frères chrétiens, et Slattery s’occupa de cette délicate transaction, qui fut achevée en 1902. Directeur de l’orphelinat jusqu’à sa retraite en 1907, il mit également sur pied une « école professionnelle », qui lui était rattachée. Après son départ de Terre-Neuve, Slattery retourna à l’Our Lady’s Mount, à Cork, où il mourut deux ans plus tard de complications reliées au diabète.

L’importance de Slattery dans l’histoire de Terre-Neuve tient surtout à son œuvre d’éducateur. Dès 1890, Slattery avait énoncé les éléments nécessaires à la bonne administration d’un réseau d’écoles confessionnelles dans un essai qui lui valut un prix, « Suggestions for the improvement of éducation in Newfoundland ». Il y préconisait la création d’un conseil central chargé d’évaluer les candidats aux bourses d’études, aux prix et aux places gratuites dans les écoles normales confessionnelles. On donna suite à ses suggestions en 1893 en créant le Council of Higher Education, qui avait pour mandat de faire passer des examens et d’accorder diplômes, prix et bourses d’études. (Ce conseil ne serait remplacé qu’en 1949 par la Division des examens publics du département de l’Éducation.) Slattery proposait également la mise en place d’un régime uniforme de primes généreuses pour hausser le salaire des enseignants en fonction de leur sexe, de leur diplôme et du classement de leur école.

La correspondance de Slattery avec ses supérieurs indique qu’il était profondément motivé par le désir de venir à bout, par l’éducation, de toute faiblesse culturelle que les catholiques pouvaient avoir comparativement à leurs concurrents protestants. Pendant qu’il était directeur à Mount Cashel, il avait jugé nécessaire de mettre en place un système d’enseignement professionnel pour les Terre-Neuviens, inspiré des écoles techniques et des écoles d’arts et métiers d’Allemagne, dont les Frères chrétiens d’Irlande avaient adapté la structure à d’autres endroits. Ce projet s’était concrétisé à Mount Cashel même, dans l’école professionnelle qui offrait, outre l’enseignement primaire, une formation en agriculture pendant l’été et une préparation aux métiers pendant l’hiver. Cette formule coïncidait avec la vision que Slattery entretenait du pêcheur autonome de Terre-Neuve, qui « exploit[ait] une petite ferme en dehors de la saison de pêche ».

Durant son séjour dans l’île, John Luke Slattery eut l’oreille de l’évêque Howley, qui le consultait sur toute question d’éducation. Il joua aussi un rôle important dans l’administration de sa congrégation à Terre-Neuve. Bien que ses activités à Mount Cashel ne lui aient pas permis de s’occuper de l’enseignement secondaire à St John’s d’aussi près qu’à l’époque où il était directeur du St Bonaventure’s College, il continua à assurer la liaison entre les Frères chrétiens de Terre-Neuve et leurs supérieurs en Irlande. Plaçant toujours avant toute chose l’intérêt de son ordre religieux, il défendit l’autonomie et la conduite de sa congrégation et protégea ses établissements d’enseignement contre toute ingérence ecclésiastique et sociale.

Hans Rollmann et Marcella Rollmann

Deux publications de John Luke Slattery expriment le mieux sa pensée sur l’éducation. D’abord, son essai intitulé  « Suggestions for the improvement of education in Newfoundland », pour lequel il a remporté un prix, figure avec des documents connexes dans T.-N., House of Assembly, Education : report of select committee, House of Assembly, and prize essays (St John’s, 1891), essai n° 1 ; un exemplaire de ce rapport est conservé aux PANL avec les projets de loi de la Chambre d’assemblée pour 1891. Ensuite, son article intitulé « Thoughts on education » a paru dans le Christian Brothers’ Educational Record (Dublin), 1907.

Les propositions de Slattery concernant l’école technique de Mount Cashel sont énoncées dans une lettre imprimée datée du 14 févr. 1898 et adressée à chaque député de l’Assemblée de Terre-Neuve ; un exemplaire de ce document est conservé aux Brothers of the Christian Schools of Ireland, Generalate Arch. (Rome).

Les publications de Slattery comprennent aussi « Mount Cashel », récit de la vie et des activités à l’orphelinat, paru dans Christian Brothers’ Educational Record, 1900 : 721–725 ; elles comprennent aussi plusieurs petites biographies rédigées de façon sporadique, par exemple, « Father Matthew’s tomb », St John’s Total Abstinence and Benefit Soc., Jubilee volume, 1858–1908 ([St John’s, 1908]), app. : xlvi–li. L’entrée écrite par Slattery et intitulée « Christian Brothers of Ireland », qui figure dans The Catholic encyclopedia, CG. Herbermann et al., édit. (15 vol., New York, 1907–12), 3 : 710s., a apporté une contribution plus durable à l’histoire. Pendant qu’il se trouvait à Mount Cashel, Slattery a aussi publié un magazine, l’Orphan’s Friend (St John’s), dont seulement un numéro, celui de décembre 1902, est conservé aux Brothers of the Christian Schools of Ireland, St Joseph’s Provincialate Arch., Toronto.

Le seul récit de la vie de Slattery datant de son époque est une notice nécrologique rédigée en Irlande par « J.E.R. » et qui a été reproduite dans plusieurs publications, dont Brothers of the Christian Schools of Ireland, Christian Brothers’ jubilee, 1876–1926 (St John’s, [1926]), 110–113. Une étude utile, basée sur la correspondance non publiée de Slattery avec ses supérieurs en Irlande et comprenant une biographie digne de foi, a été rédigée il y a quelques années par J. T. Holden, « A heart big enough to embrace all mankind : Brother John Luke Slattery », Christian Brothers’ Educational Record, 1987 : 214–232, avec annexes, 233–237. On trouve aussi une brève biographie dans DNLB (Cuff et al.).

Slattery a échangé, entre 1882 et 1907, une vaste correspondance de nature privée, que nous avons consultée pour la biographie, avec son supérieur et avec le premier assistant de la congrégation à St Mary’s, Marino, Dublin ; cette correspondance se trouve maintenant aux Generalate Arch. (Rome). Des coupures de journaux et d’autres documents concernant les Frères chrétiens d’Irlande à Terre-neuve sont conservés dans l’album du St Bonaventure’s College et dans les annales de Mount Cashel aux St Joseph’s Provincialate Arch.

Les activités de Slattery au Council of Higher Education sont décrites dans les procès-verbaux manuscrits du conseil, vol. 1 à 4 (1893–1910), conservés aux PANL, GN 21/7. Les lois pertinentes adoptées en matière d’éducation au cours de cette période figurent dans T.-N., Acts, 1891, c.10 ; 1892, c.5 et c.25 ; et 1893, c.7. Le Council of Higher Education fait l’objet d’une analyse dans Arthur Barnes, « The history of education in Newfoundland » (thèse de d.paed., New York Univ., 1917) ; on trouve aussi un article sur l’histoire et l’utilité du processus d’examens publics dans Newfoundland Teachers’ Assoc., N.T.A. Journal (St John’s), 59 (1967), n° 2 : 8–22.

Parmi les études qui retracent l’histoire des Frères chrétiens d’Irlande à Terre-Neuve, on trouve Centenary volume, Benevolent Irish Society of St. John’s, Newfoundland, 1806–1906 (Cork, [République d’Irlande, 1906 ?]), 148–152, l’ouvrage – déjà cité – publié par la communauté de cet endroit sur son jubilé de 1926, et Journey into a new century ([St John’s, 1975]).

Un commentaire datant de l’époque de Slattery sur l’enseignement professionnel et de niveau intermédiaire au sein de la communauté figure dans le Christian Brothers’ Educational Record, 1887–1893. On peut constater les progrès accomplis par l’école technique de Mount Cashel dans T.-N., Superintendent, Roman Catholic Boards, Report of the public schools (St John’s), particulièrement 1901–1905. Les activités des Frères chrétiens d’Irlande dans le milieu de l’éducation à Terre-Neuve sont analysées dans deux thèses : M. P. Penney, « A study of the contributions of three religious congregations to the growth of education in the province of Newfoundland » (thèse de ph.d., Boston College, 1980), et Louis Burke, « Some Irish contributors and contributions to Newfoundland education in the last century » (thèse de m.litt., Univ. of Dublin, 1975).  [h. r. et m. r.]

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Hans Rollmann et Marcella Rollmann, « SLATTERY, JOHN LUKE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/slattery_john_luke_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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