MILES, HENRY HOPPER, administrateur scolaire, professeur, auteur et fonctionnaire, né le 18 octobre 1818 à Londres, fils de L. Richard Miles, officier de marine, et de Mary Hopper ; en 1847, il épousa Elizabeth Wilson, et ils eurent quatre enfants ; décédé le 4 août 1895 à Montréal.
Après avoir fréquenté une grammar school à Exeter, en Angleterre, Henry Hopper Miles fit des études de sciences et de médecine au King’s College de la University of Edinburgh et à la University of Aberdeen, où il obtint une maîtrise ès arts. Cependant, il ne pratiqua jamais la médecine. En 1845, il immigra à Lennoxville, au Bas-Canada, où il devint directeur de l’école de garçons. L’année suivante, il accéda à la chaire de mathématiques et de philosophie naturelle du Bishop’s College, que dirigeait alors Jasper Hume Nicolls*. Fervent anglican mais d’un naturel irascible, il reprocha bientôt au professeur d’hébreu du collège, Isaac Hellmuth*, d’avoir renoncé à la foi judaïque pour embrasser l’anglicanisme. Il s’ensuivit une longue et amère querelle qui ne prit fin qu’en 1853, avec la démission de Hellmuth. Par ailleurs, peut-être à cause de sa formation en sciences et en médecine, Miles travaillait à l’instauration de programmes d’hygiène publique. Il fut l’un des premiers à en faire valoir la nécessité et publia en 1858 On the ventilation of dwelling-houses & schools [...], texte d’une communication qu’il avait lue à l’Institut des artisans de Montréal. En 1862, à titre de délégué des Cantons-de-l’Est, il accompagna sir William Edmond Logan*, directeur de la Commission géologique du Canada, à l’Exposition universelle de Londres. La même année, il publiait dans cette ville Canada East at the International Exposition et The Eastern Townships of Canada. En 1863, la University of Aberdeen lui décerna un doctorat honorifique en droit ; trois ans plus tard, le McGill College fit de même, et le Bishop’s College lui en décerna un en droit civil.
Peu après, Miles quitta le Bishop’s College pour devenir, en 1867, secrétaire intérimaire du conseil de l’Instruction publique de la province de Québec. Nommé en 1869 secrétaire du comité protestant du conseil, créé cette année-là en même temps qu’un comité catholique, il était le porte-parole de la minorité protestante mais son rang était inférieur à celui de Louis Giard*, secrétaire du comité catholique. Bien que ses attributions se soient étendues à mesure que croissait l’influence du comité protestant, il ne parvint jamais à se tailler un rôle suffisamment indépendant au sein du conseil. En fait, il exerçait bon nombre de ses activités éducatives en dehors du champ gouvernemental. Bruyant défenseur des droits des protestants, il fut président de la Provincial Association of Protestant Teachers en 1878–1879. Pendant son mandat, il fit pression pour que l’on augmente le salaire des instituteurs et préconisa la mise en place d’un système d’écoles normales pour former tous les enseignants et créer parmi eux un esprit de corps. Au nom de ce même idéal, il se prononça en faveur de la loi provinciale qui, en 1880, créa une caisse de retraite qui favorisait les enseignants à temps plein. Toutefois, les instituteurs réagirent mal en voyant que l’on prélevait 6 % de leur salaire et ils protestèrent contre l’intrusion du gouvernement dans leur vie professionnelle. Les institutrices, main-d’œuvre mal payée et aux emplois temporaires, étaient les plus grandes adversaires de Miles et de la caisse de retraite.
Miles, qui ne considérait guère son poste de fonctionnaire comme autre chose qu’une sinécure, pouvait consacrer beaucoup de temps à d’autres occupations. Peut-être parce qu’il avait accompagné Logan à l’Exposition universelle de Londres, il s’était mis à s’intéresser aux cartes géographiques, aux spécimens naturels et aux artefacts. En 1871, il donna à la Société littéraire et historique de Québec une vaste collection de fibres naturelles et d’échantillons de bois en provenance du Canada et de pays exotiques (collection qui, disait-on, rivalisait avec celle de l’université Laval) afin de sensibiliser les magnats québécois du bois à la préservation des richesses naturelles. Deux ans plus tard, autant pour l’intérêt qu’il portait à la chorographie et à la topographie que parce qu’il souhaitait « populariser et répandre » la connaissance de la géographie au Canada, il fit valoir, à une réunion de la société, l’utilité de rendre accessibles au public toutes les cartes que possédait le département des Terres de la couronne. En 1877, il contribua à la fondation de la Société géographique de Québec où, en qualité de vice-président, puis de président, de 1879 à 1881, il s’efforça, comme bien des auteurs de la fin du siècle, de démontrer que la géographie du Canada pouvait servir au développement politique et social du pays.
L’histoire du Canada était un domaine qui passionnait encore plus Miles et auquel il souhaitait encore davantage voir le public s’intéresser. Il donna des artefacts à son avocat, David Ross McCord, qui les collectionnait. En 1870, à titre de membre de la Société littéraire et historique de Québec, il proposa la création d’un dépôt d’archives publiques. Selon lui, c’était une tâche particulièrement urgente dans un pays neuf comme le Canada, où pendant si longtemps les traditions orales (qu’il assimilait à de simples ouï-dire) avaient témoigné de la barbarie. Seuls les documents écrits, estimait-il, montraient qu’une société était parvenue à des « stades avancés ». Or, exception faite de ceux du Régime français, les documents relatifs à l’histoire du Canada étaient très difficiles à consulter pour les historiens parce qu’ils n’étaient pas classés, qu’on les conservait dans de mauvaises conditions, éparpillés dans une foule d’endroits et non inventoriés. Miles fit pression auprès de sir Alexander Tilloch Galt, sir George-Étienne Cartier, Hector-Louis Langevin* et Richard John Cartwright* et, le 24 mars 1871, il présenta à la chambre des Communes une pétition qui déboucha sur la création d’une commission préliminaire des archives. L’année suivante, on nomma Douglas Brymner* archiviste du dominion.
Un souci exagéré de la « vérité historique » conduisit Miles à accuser en 1872 un autre membre de la Société littéraire et historique de Québec, James Anderson, de déformer certains faits de l’histoire du Canada, ce qui amena bientôt les deux hommes à s’affronter par l’intermédiaire des quotidiens de Québec. La même année, comme il sentait parmi les anglophones, depuis la Confédération, « une volonté croissante de connaître davantage et plus exactement » l’histoire des Canadiens français, il publia The history of Canada under the French régime, 1535–1763 [...], destiné aux étudiants en histoire, aux juristes et aux hommes d’État désireux d’avoir « un exposé exact, complet et impartial des faits ». En parlant des historiens anglophones qui l’avaient précédé, Miles affirmait dans sa préface : « ils ont trop peu parlé du Régime français [...] et, [comme ils s’alimentaient à] des sources pleines de préjugés, nationales ou autres, le cours de l’histoire, en passant entre leurs mains, a pris un ton et une couleur contraires à la stricte impartialité historique ». D’après lui, cet état de choses avait eu des conséquences plus néfastes au Canada qu’il n’en aurait eu dans un pays plus homogène. Étant donné ses objectifs, il avait écrit, sur un ton passablement conciliant, un récit plein de vie, quoique conventionnel. Il s’était beaucoup servi des ouvrages de François-Xavier Garneau*, de Jean-Baptiste-Antoine Ferland* et de l’historien américano-catholique John Dawson Gilmary Shea, de même que des éditions savantes de documents originaux qui paraissaient en nombre toujours croissant, notamment grâce à la Société littéraire et historique de Québec. Son ouvrage, qui remporta un succès populaire, apporta un complément au maigre salaire annuel de 200 $ qu’il touchait du ministère de l’Instruction publique. En commentant le livre en 1885, James MacPherson Le Moine* fit les conjectures suivantes : « nul doute que si le savant historien protestant se fût trouvé dans un autre milieu, il aurait eu ses coudées franches, et ses appréciations de plusieurs incidents du passé, auraient eu un caractère plus tranché ». On annonça une suite, « Canada under British rule », mais elle ne parut jamais.
Les livres d’histoire que Miles écrivit par la suite visaient expressément le marché scolaire. The child’s history of Canada [...], traduit pour les écoles de langue française, fut aussi un succès populaire, et A school history of Canada [...] connut au moins sept éditions de 1870 à 1888. Autorisé dans les écoles tant catholiques que protestantes, ce manuel contenait (dans l’édition de 1888) 320 pages, dont 189 étaient consacrées au Régime français. Miles terminait son exposé sur cette période en disant que l’on trouvait encore, sur les plaines d’Abraham, des vestiges de la sanglante bataille de Sainte-Foy, où s’étaient affrontés en 1760 « les ancêtres des deux plus puissantes nations du globe, aujourd’hui unies, heureusement, par les liens de la paix, de l’amitié et de l’intérêt mutuel ». En parlant des rébellions de 1837–1838, il concédait qu’« il y avait réellement [eu objets de] griefs et abus, comme tous l’admett[aient depuis] », mais il affirmait que les insurgés n’en étaient pas justifiés pour autant de « prendre les armes contre leur souveraine et les autorités légalement constituées ». Bien qu’ils aient porté surtout sur les aspects politiques et militaires de l’histoire, les ouvrages de Miles n’en négligeaient pas entièrement les dimensions culturelles, sociales et économiques.
Autant Henry Hopper Miles s’efforçait d’être conciliant dans ses livres, autant il avait tendance à soulever la controverse par ses déclarations publiques. En mars 1881, après avoir semblé pendant des années ne pas se préoccuper de sa fonction officielle, il explosa. Il écrivit à la Gazette de Montréal en sa qualité de fonctionnaire et fit allusion à la domination exercée par les catholiques sur le département de l’Instruction publique. Il eut beau se rétracter publiquement dix jours après, le surintendant de l’Education, Gédéon Ouimet*, interpréta sa lettre comme un geste de déloyauté et d’insubordination. Obligé de se retirer, Miles quitta la vie publique et, 14 ans plus tard, mourut dans une quasi-obscurité.
Henry Hopper Miles est l’auteur de : A school history of Canada prepared for use in the elementary and model schools (Montréal, 1870 ; 7e éd., 1888) ; Canada East at the International Exposition (Londres, 1862) ; The child’s history of Canada ; for the use of the elementary schools and of the young reader (Montréal, 1870 ; 2e éd., 1876), dont la première édition a été traduite par J. Devisme sous le titre de Histoire du Canada pour les enfants à l’usage des écoles élémentaires (Montréal, 1872) ; The Eastern Townships of Canada (Londres, 1862) ; The history of Canada under French régime, 1535–1763 [...] (Montréal, 1872) ; « Nelson at Quebec : an episode in the life of the great British admiral », Rose-Belford’s Canadian Monthly and National Rev. (Toronto), 2 (janv.–juin 1879) : 257–275 ; « On Canadian archives », Literary and Hist. Soc. of Quebec, Trans., nouv. sér., 8 (1870–1871) : 53–71 ; On the ventilation of dwelling-houses & schools [...] (Montréal, 1858) ; « Recent Arctic explorations and projects », Soc. de géographie de Québec, Bull. (Québec), 1 (1881), n° 2 : 82–90 ; et « Some observations on Canadian chorography and topography, and on the meritorious services of the late Jean-Baptiste Duberger, Senr. », Literary and Hist. Soc. of Québec, Trans., nouv. sér., 10 (1872–1873) : 95.
Un portrait de Miles a été publié dans le Montreal Daily Star, 7 août 1895, et un autre dans W. P. Percival, Across the years : a century of education in the province of Quebec (Montréal, 1946).
AN, MG 29, D62.— ANQ-M, CE1-84, 7 août 1895.— Musée McCord, H. H. Miles papers ; M21411.— Educational Record of the Province of Quebec (Montréal), 1 (1881) : 9, 29.— Provincial Assoc. of Protestant Teachers of Quebec, Annual convention (Montréal), 5 (1881) : 4, 29.— Gazette (Montréal), 9, 15 mars 1881.— Montreal Daily Star, 5 août 1895.— Borthwick, Hist. and biog. gazetteer.— L.-P. Audet, Histoire du conseil de l’Instruction publique de la province de Québec, 1856–1964 (Montréal, 1964).— G. E. Flower, « A study of the contributions of Dr. E. I. Rexford to education in the province of Quebec » (thèse de m.a., McGill Univ., Montréal, 1949), 35.— K. D. Hunte, « The Ministry of Public Instruction in Québec, 1867–1875 : a historical study » (thèse de ph.d., McGill Univ., Montréal, 1964), 48, 214, 347.— D. C. Masters, Bishop’s University, the first hundred years (Toronto, 1950), 6, 39–40.— Christian Morissonneau, la Société de géographie de Québec, 1877–1970 (Québec, 1971).— M. B. Taylor, « The writing of English-Canadian history in the nineteenth century » (thèse de ph.d., 2 vol., Univ. of Toronto, 1984).— I. E. Wilson, « A noble dream » : the origins of the Public Archives of Canada », Archivaria (Ottawa), n° 15 (hiver 1982–1983) : 16–35.
Nancy J. Christie, « MILES, HENRY HOPPER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/miles_henry_hopper_12F.html.
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Auteur de l'article: | Nancy J. Christie |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |