MARTEN (Martin), HUMPHREY, agent principal de la Hudson’s Bay Company, né vers 1729 en Angleterre, décédé entre 1790 et 1792, probablement en Angleterre.
Humphrey Marten fut d’abord engagé par la Hudson’s Bay Company en 1750, à titre de commis aux écritures à York Factory (Manitoba) ; le contrat couvrait une période de cinq ans, au salaire de £15 par année. Il dut donner satisfaction à ses supérieurs d’York, puisqu’on le suggérait en 1755 comme un des responsables possibles de Flamborough House, un poste dépendant d’York, et qu’il fut plus tard délégué comme agent principal intérimaire d’York pendant le séjour de James Isham* en Angleterre, en 1758–1759. Il estimait néanmoins que ses services n’étaient pas reconnus à leur juste valeur et, en 1759, il fit des pressions pour que son salaire fût augmenté à £50 par année. Il fut presque congédié pour sa témérité ; la compagnie, cependant, le nomma second à York et responsable d’un poste projeté, à l’embouchure de la rivière Severn (Ontario), pour faire obstacle à une pénétration possible des Canadiens.
À la suite de la mort d’Isham en avril 1761, Marten fut nommé agent principal intérimaire d’York par le conseil de ce poste. À son grand déplaisir, le comité de Londres ne donna pas un caractère permanent à cette nomination et, en septembre 1762, c’est Ferdinand Jacobs qui prit la direction du poste. Rappelé à Londres, Marten fut nommé second au fort Albany (Fort Albany, Ontario) ; il y arriva en août 1763 et en devint l’agent principal l’année suivante.
Tout au long de la carrière de Marten, la Hudson’s Bay Company fut soumise à une pression croissante due à la concurrence des trafiquants de Montréal (rattachés à une compagnie de Montréal) à l’intérieur des terres. Après sa nomination au fort Albany, le principal objectif de Marten et du comité de Londres devint le rétablissement de Henley House (au confluent des rivières Albany et Kenogami), saccagé par Wappisis* en 1755. En l’absence d’employés de la compagnie qui, sur la rivière Albany, encourageraient les Indiens à descendre sur la côte, le système de traite du fort Albany passerait sous la direction des trafiquants montréalais. En dépit d’un ralentissement de la part des hommes de Marten, qui craignaient d’être scalpés, le nouveau poste fut finalement achevé en 1768.
En septembre 1775, Marten fut promu agent principal d’York. Le comité de Londres le pressa de pousser les opérations de la traite jusque dans la région de la Saskatchewan, afin d’y faire une concurrence directe aux trafiquants de Montréal. Marten seconda fortement les activités de William Tomison* et de Robert Longmoor* à Cumberland House (Saskatchewan), mais leurs entreprises eurent à souffrir du manque de canots, d’hommes et de marchandises de traite, et les trafiquants montréalais maintinrent leur suprématie. En 1780, néanmoins, les revenus de la traite dans cette région contribuaient à assurer le maintien d’York comme principal poste de la compagnie en Amérique du Nord, même si Samuel Hearne, au fort Prince of Wales (Churchill, Manitoba), incitait sans cesse les Indiens d’York à venir traiter chez lui. La poussée de la compagnie vers l’intérieur fut arrêtée par l’épidémie de petite vérole de 1781–1782, qui décima les chasseurs de castors, et par la reddition d’York, alors aux ordres de Marten, devant les forces françaises du comte de Lapérouse [Galaup], en août 1782. Amené prisonnier en France, Marten fut incapable de retourner à la baie d’Hudson avant septembre 1783. Sa reddition, à York, bien qu’elle ait été jugée par Edward Umfreville comme un acte de lâcheté, geste d’un homme ivre, fut une décision réaliste, étant donné que ses hommes étaient largement inférieurs en nombre aux Français.
Les intérêts de Marten ne se limitèrent pas seulement à la traite des fourrures. Dans un effort pour s’insinuer dans les bonnes grâces des membres influents de la Royal Society de Londres, la compagnie lui avait donné l’ordre de recueillir des spécimens de la faune et de la flore de la baie. Il s’intéressa au projet en 1771, mais ses efforts, bien que prodigieux, restèrent entachés d’amateurisme et n’eurent pas l’importance de ceux d’Isham ou d’Andrew Graham*.
La vie privée de Marten est difficile à débrouiller. On sait qu’il avait au moins deux parents en Angleterre. Lors de son séjour dans Rupert’s Land, il entretint de nombreuses liaisons avec les filles des principaux Indiens Home Guard (Cris). Au fort Albany, il partagea sa couche avec Pawpitch, fille de Questach, ou Cockeye, capitaine des chasseurs d’oies et personnage puissant autant que respecté à la baie. Pawpitch mourut le 24 janvier 1771, laissant un fils, John America, que son père envoya à l’école en Angleterre. En 1781, alors que Marten songeait à se retirer définitivement, un vieil Indien vint du fort Albany à York pour réclamer sa fille et les deux enfants de celle-ci, qui vivaient avec lui. À York, en 1786, la « vie familiale » de Marten s’était modifiée puisqu’il entretenait deux ou trois jeunes femmes. Des liaisons de ce genre étaient chose courante à la baie en partie parce qu’elles servaient à sceller les relations avec les Indiens qui étaient indispensables à la compagnie pour l’approvisionnement en vivres et en fourrures. On n’a aucune trace des dispositions prises par Marten en faveur de ses femmes et de ses enfants quand il prit sa retraite de Rupert’s Land en 1786.
On a discuté du caractère de Marten, mais il est certain qu’il se révéla de plus en plus difficile à mesure que des afflictions variées – goutte, troubles de l’estomac, maladie du foie, cécité croissante, souffrances consécutives à de nombreux accidents – le frappèrent l’une après l’autre. Son corps torturé par la souffrance semble avoir aigri une humeur déjà instable, et dans les années 1780 il avait peu d’amis. Un jour, il lança sa nourriture au visage du chirurgien, essaya de le pousser au bas de l’escalier et l’exclut de sa table, tout cela par « mauvaise humeur ». C’est à peine si Tomison et Hearne communiquaient avec lui, et seulement par écrit, et le charpentier d’York, qui travaillait sous ses ordres, était sur le point de se rebeller ouvertement. En dépit de sa mauvaise santé et des pressions très grandes qu’exerçaient sur lui ses subordonnés, Marten, économe mais besogneux, n’aurait pas quitté Rupert’s Land. Il était prêt à endurer bien des choses pour un salaire de £130 par année. En 1786, incapable de tolérer davantage ses souffrances et les insultes de ses subordonnés, il démissionna. On ne trouve plus trace de lui par la suite. Il vivait probablement encore en 1790 quand Umfreville, dans The present state of Hudson’s Bay [...], le traita d’ivrogne, de brute et de lâche, mais sans le nommer, par crainte d’une poursuite en justice. Quoi qu’il en soit, peu de temps avant sa propre mort en 1792, Hearne, en révisant son journal en vue de la publication, faisait allusion à lui comme à feu Humphrey Marten.
HBC Arch., A.5/1, f.36 ; A.11/3, ff.57, 69, 105, 114, 145, 166, 202d ; A.11/114, f.141 ; A.11/115, ff.24, 27, 63, 65, 106 ; A.11/116, ff.85, 180–181 ; A.14/12, f.70 ; A.16/13, f.62 ; B.3/a/60, f.10 ; B.3/a/63, f.19 ; B.198/a/1 ; B.239/a/37, f.7 ; B.239/a/78 ; B.239/a/79, f.45 ; B.239/a/81 ; B.239/a/87, f.2 ; B.239/b/37, f.9 ; B.239/b/39, ff.9d, 27d.— Hearne, Journey from Prince of Wales’s Fort (Tyrrell).— HBRS, XIV (Rich et Johnson).— Journals of Hearne and Turnor (Tyrrell).— Edward Umfreville, The present state of Hudson’s Bay [...] (Londres, 1790).— Rich, History of HBC.
F. Pannekoek, « MARTEN (Martin), HUMPHREY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/marten_humphrey_4F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
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