LE PRÉVOST DUQUESNEL (Du Quesnel), JEAN-BAPTISTE-LOUIS, officier de marine, commandant de l’île Royale, né probablement vers 1685 ; il épousa à la Martinique dans les années 1730 Marguerite Girault Du Poyet dont il eut deux filles et un fils ; décédé à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), le 9 octobre 1744.
Jean-Baptiste-Louis Le Prévost Duquesnel était un officier de marine de carrière ; il servit en 1704 sur le vaisseau amiral français dans la bataille de Málaga au large de l’Espagne méridionale. Il y fut grièvement blessé et perdit la jambe gauche. En 1708, il devint capitaine de brûlot (l’équivalent de lieutenant de vaisseau) et se vit confier la responsabilité d’une série de petits navires. II fut promu capitaine de vaisseau en 1731. Six ans plus tard, après avoir servi comme second sur l’Achille dans les eaux du nord de l’Europe, il reçut son premier commandement comme capitaine du Jason, lequel était chargé d’effectuer le transport des approvisionnements à Québec et de garder les navires qui faisaient la pêche sur les grands bancs de Terre-Neuve. Le 1er septembre 1740, il fut nommé commandant de l’île Royale, avec toutes les prérogatives d’un gouverneur, mais il n’en reçut pas le titre, peut-être parce qu’il n’était pas en lice pour un poste aussi élevé.
Duquesnel était enchanté de sa promotion et obtint rapidement une avance de 5 000# pour aller vivre à Louisbourg. Cependant, son enthousiasme ne tarda pas à se refroidir : en moins d’un an, il avait demandé d’être muté au premier poste vacant de gouverneur. En inspectant la ville après son arrivée le 3 novembre 1740, il découvrit une garnison à court de personnel et d’équipement, affaiblie en plus par l’indiscipline et l’ivrognerie. Pour ce qui était des officiers, Duquesnel retrouvait à peu près le même problème que son prédécesseur, Isaac-Louis de Forant*. Au fil des années, ils avaient développé une autonomie que le gouverneur considérait inconciliable avec le bien-être de la colonie. Même s’il trouva leurs salaires inadéquats, il croyait que leurs intérêts personnels ne devaient pas aller à l’encontre de ceux de la garnison, et s’efforça donc de limiter l’exploitation qu’ils faisaient subir à leurs troupes. Sa principale tentative visa la suppression des cantines d’officiers, où les soldats contractaient souvent des dettes considérables envers leurs supérieurs. Il permit cependant aux officiers d’offrir du vin à leurs soldats les jours non ouvrables. Des problèmes d’ordre différent surgirent avec François-Joseph Cailly, commandant des troupes suisses à Louisbourg, dont la vigoureuse défense des droits et privilèges de ses hommes mena à des accusations d’insubordination. Accusé par Duquesnel d’entretenir une atmosphère de révolte, il fut par la suite forcé de se retirer. Plus tard, sous l’incitation de l’épouse de Cailly, Duquesnel contribua à faire réinstaller le commandant suisse.
Même si à son arrivée Duquesnel jugea les fortifications généralement en bon état, il n’en était pas entièrement satisfait. Toutefois, les modifications qu’il effectua au demi-bastion Princesse et à la batterie Royale furent non seulement coûteuses et inutiles, mais en plus elles restèrent inachevées. D’autre part, ses projets de neutraliser le terrain élevé situé à l’extérieur des murs de la forteresse ne furent jamais approuvés en raison de leur coût. Duquesnel eut aussi à faire face à de sérieux problèmes concernant l’approvisionnement de la garnison. Celle-ci fut constamment privée de nourriture, notamment durant l’hiver de 1742. Cependant, le commissaire ordonnateur, François Bigot*, était un administrateur de talent, avec qui Duquesnel sut bien coopérer. Il était rare de trouver une telle entraide chez les fonctionnaires de Louisbourg.
Les instructions données à Duquesnel le rendaient spécifiquement responsable de la sécurité de la colonie dans la perspective d’une guerre avec l’Angleterre, mais on l’incita également à ne pas négliger de préparer l’offensive. Il consulta les plans que ses prédécesseurs avaient mis au point en vue d’une attaque éventuelle contre Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse, et Plaisance (Placentia, T.-N.), et lorsque la guerre fut déclarée le 18 mars 1744, il passa immédiatement à l’offensive, même s’il s’était plaint tous les ans d’un manque de troupes et d’artillerie. Son premier objectif fut le petit fort anglais de l’île de Canseau (Grassy Island, N.-É.), que son commandant, Patrick Héron, après une faible résistance, céda à François Du Pont* Duvivier le 24 mai 1744. Rendu plus audacieux par cette victoire, Duquesnel se mit en marche vers la garnison plus importante d’Annapolis Royal. Ignorant ses réserves antérieures quant à l’envoi d’une telle expédition sans l’aide de la France, il fit partir, à la mi-juillet, une compagnie de 50 hommes, également sous le commandement de Duvivier. Il espérait que les navires attendus de France pourraient venir appuyer l’attaque ; toutefois, lorsque l’Ardent accosta un mois plus tard, son capitaine, Jérémie de Meschin*, hésita à s’engager dans des eaux inconnues aussi tard dans la saison. À peu près au même moment, Duquesnel recevait de France des instructions à l’effet que la saison était trop avancée pour une attaque et qu’il devait soumettre les plans avant d’entreprendre toute initiative. Cependant, encouragé par ses succès antérieurs, Duquesnel ignora ces instructions et entreprit d’équiper deux navires privés pour son expédition. II mourut avant que ceux-ci ne soient prêts. Effectivement les deux navires furent envoyés mais l’expédition échoua.
Toutes les opinions émises sur Duquesnel ont subi en fait l’influence de l’auteur anonyme de la Lettre d’un habitant l’accusant d’avoir un tempérament violent, de nourrir toutes formes d’excès, d’éloigner les officiers de leurs soldats et d’être en grande partie responsable de la prise de Louisbourg en 1745 du fait d’avoir provoqué les Anglais. Son mauvais caractère peut être imputable à sa condition physique. Lorsque son corps fut exhumé de la chapelle des casernes de Louisbourg en 1964, l’autopsie révéla qu’en plus de blessures aux jambes, Duquesnel souffrait de sérieux problèmes dentaires, d’arthrite et d’artériosclérose avancée. Ses affrontements avec les officiers contribuèrent probablement aux difficultés que ceux-ci connurent avec leurs troupes, mais son opposition à leur égard était bien fondée. En attaquant les Anglais, il faisait simplement, sinon prudemment, suivre les ordres reçus au début. L’auteur de la Lettre soutient d’autre part que Duquesnel avait subi un revers de fortune puis avait été envoyé à Louisbourg pour rétablir ses finances. Même si l’inventaire après décès de Duquesnel révèle de nombreuses dettes, il dévoile également un certain nombre d’intérêts commerciaux, y compris des parts dans au moins deux navires. En fait, il fut en mesure de laisser plus de 13 000# à sa famille. Il se peut cependant qu’il ait acquis ses intérêts commerciaux durant ses visites à Québec vers 1735.
Le manque d’imagination dont Duquesnel fit preuve comme administrateur était contrebalancé par sa fermeté. Il aurait certes empêché la mutinerie qui éclata deux mois après sa mort, et il semble que, durant le siège de l’année suivante, sa détermination aurait été plus utile à la colonie que l’indécision du gouverneur suppléant, Louis Du Pont* Duchambon.
AN, Col., B, 70–78 ; Col., C11B, 22–27 ; Marine, C7, 50, 181 ; Section Outre-Mer, G1, 407/2, f.42 ; G2, 199, dossier 189 ; Dépôt des fortifications des colonies, Am. sept., nos 209, 210.— Archives Maritimes, Port de Rochefort, 1E, 133–139.— Louisbourg in 1745 (Wrong).— Le Jeune, Dictionnaire, I : 563.— Frégault, François Bigot, I : 103–157.— McLennan, Louisbourg, 98–127.— Parkman, Half-century of conflict (1922), II : 59–64.— Rawlyk, Yankees at Louisbourg, 1–15.
Blaine Adams, « LE PRÉVOST DUQUESNEL (Du Quesnel), JEAN-BAPTISTE-LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/le_prevost_duquesnel_jean_baptiste_louis_3F.html.
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Auteur de l'article: | Blaine Adams |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |