LE MARCHANT, sir JOHN GASPARD, officier, administrateur colonial, né en Angleterre en 1803, troisième fils de John Gaspard Le Marchant et de Mary Carey ; épousa le 28 mai 1839 Margaret Anne Taylor qui lui donna plusieurs enfants ; décédé à Londres le 6 février 1874.

John Gaspard Le Marchant naquit dans une famille éminente de l’île de Guernesey. Entré dans l’armée comme enseigne à l’âge de 17 ans, il obtint de l’avancement en achetant ses grades, tant et si bien qu’en moins de 12 ans il était major à la colonie du Cap. En tout il dépensa £10 000 pour acheter ses brevets et fut l’un des plus jeunes officiers de l’armée britannique à se voir confier le commandement d’un régiment.

En 1846, on lui proposa d’être lieutenant-gouverneur de Terre-Neuve, « poste auquel il ne s’attendait pas », s’il faut l’en croire. Il dut peut-être cette nomination à son frère, Denis Le Marchant, whig éminent qui fut nommé sous-secrétaire au Commerce en 1847, dans le gouvernement de lord John Russell. John Gaspard Le Marchant aimait le métier des armes et n’y renonça que lorsque le duc de Wellington [Wellesley] l’eut assuré que le fait d’accepter une fonction augmenterait ses chances d’avancement dans l’armée. La nomination de Le Marchant devint officielle en février 1847 ; il arriva à St John’s en avril, succédant à sir John Harvey*. Contrairement à Harvey, Le Marchant manquait d’expérience dans l’administration gouvernementale. En outre, il arrivait à un moment difficile : le terrible incendie qui avait dévasté St John’s le 9 juin 1846 avait laissé sans foyer 12 000 de ses 19 000 habitants, et la rouille de la pomme de terre, cause de si grands ravages en Irlande, avait provoqué de fortes diminutions dans les récoltes de 1846 et de 1847.

Mais, après ces heures pénibles, Terre-Neuve et son gouverneur Le Marchant connurent des jours meilleurs. À la fin de l’année 1849 Le Marchant put déclarer que l’activité politique, qui selon lui était un fléau pour la colonie, connaissait une période de déclin. Mais ce ne fut pas pour longtemps. Les libéraux, catholiques pour la plupart, réclamaient à grands cris le gouvernement responsable, mais la classe commerçante de la colonie, en grande partie protestante, s’y opposait de même que Le Marchant et le ministre des Colonies à Londres.

Le Marchant déplorait plusieurs habitudes locales, en particulier la conduite des gros marchands qui, ayant recours à toutes sortes d’expédients pour éviter de payer des impôts, retournaient vivre en Angleterre avec les profits qu’ils avaient réalisés. Il déplorait aussi l’imprévoyance des pêcheurs qui les réduisait à quêter des secours du gouvernement. Il existait de tels préjugés contre la taxation directe que la législature reculait devant l’idée d’établir des organismes municipaux qui prélèveraient des impôts pour défrayer les dépenses des localités.

Au cours de l’été de 1852 Le Marchant fut nommé lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse. Cette colonie étant dotée d’un gouvernement responsable que dirigeaient James Boyle Uniacke*, William Young* et Joseph Howe, la position du lieutenant-gouverneur s’y trouvait bien différente. Le Marchant souleva beaucoup moins de controverses qu’il n’en avait soulevées à Terre-Neuve. Cependant, même si son rôle consistait maintenant à faire preuve d’impartialité, il fut néanmoins critiqué par ceux qui, n’étant pas au pouvoir, auraient désiré l’être. Quand le parti conservateur vint au pouvoir en 1857, le changement ne se fit pas sans heurts. Toutefois, lorsque Le Marchant quitta la Nouvelle-Écosse en février 1858, les journaux conservateurs le louangèrent pour son bon jugement. Les libéraux, qui n’étaient plus au pouvoir, eurent tendance à se montrer plus sévères à son égard, mais ils se sentirent obligés de le faire sans acrimonie.

Le Marchant était persuadé ou du moins confia, le 7 mars 1856, au ministre des Colonies Henry Labouchere, qu’il avait vécu, tant à Terre-Neuve qu’en Nouvelle-Écosse, « en parfaite intelligence avec les membres du Conseil exécutif ainsi qu’avec ceux des deux chambres ». Il ajoutait : « À l’heure actuelle la situation en Nouvelle-Écosse est, en tous points, très satisfaisante. »

Le Marchant fut gouverneur de Malte de 1859 à 1864 « et commandant en chef de Madras (Indes) de 1865 à 1868. Il prit ensuite sa retraite en Angleterre. Il avait été fait chevalier commandeur de l’ordre du Bain en 1865. Fervent écuyer et vivement intéressé à l’agriculture, il s’employa à répandre de meilleures méthodes d’exploitation agricole à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. Il n’était pas homme à se cantonner à la résidence du gouverneur ; au contraire, il cherchait à connaître tout le territoire qu’il avait sous sa juridiction. Le Marchant pensait aussi que pour réussir en Amérique du Nord un gouverneur devait recevoir souvent et bien, voire même somptueusement. En plus de son salaire de £3 000, il dépensa entre £4 000 et £5 000 pour se préparer à ses missions en Amérique du Nord. À cela il faut ajouter un autre £5 000, pris à même sa fortune personnelle, qui passa en dîners et en réceptions dans la colonie.

Il est bon d’ajouter que les prédictions du duc de Wellington ne se réalisèrent pas. On ne fit pas appel aux services de Le Marchant pendant la guerre de Crimée. Il demeura en Nouvelle-Écosse pendant tout ce temps, rongeant son frein, alors que d’autres officiers qu’il avait connus dans l’armée s’illustraient à la guerre et devenaient chefs de brigade.

P. B. Waite

Quelques lettres personnelles de John Gaspard Le Marchant à Henry Labouchere, ministre des Colonies, se trouvent dans une petite collection privée appartenant au professeur R. L. Raymond de Dalhousie University. Les plus utiles pour cette biographie furent celles du 7 mars 1856 (personnelle et confidentielle) et du 18 déc. 1857 (personnelle). Je remercie le professeur Raymond de m’avoir permis de consulter sans restriction ces manuscrits.  [p. b. w.]

La correspondance officielle de Le Marchant qui fut envoyée de Terre-Neuve, se trouve dans les PRO, CO 194/127136, et celle qui fut envoyée de Nouvelle-Écosse dans les PRO, CO 217/122124.— Burke’s peerage (1967).— DNB.— Gunn, Political hist. of Nfld.

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P. B. Waite, « LE MARCHANT, sir JOHN GASPARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/le_marchant_john_gaspard_10F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
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