LAURIN, JOSEPH, auteur, notaire, syndicaliste, homme politique et fonctionnaire, né à Québec le 18 octobre 1811, fils de Joseph Laurin et de Catherine Fluet ; le 3 septembre 1839, il épousa, à la paroisse Saint-Joseph (à Lauzon, Québec), Marie-Louise Dalaire, fille du marchand Étienne Dalaire (Dallaire) ; décédé le 3 mars 1888 au village d’Ancienne-Lorette, Québec.
Après des études classiques au petit séminaire de Québec de 1824 à 1833, Joseph Laurin fait une année de théologie dans le même établissement tout en y enseignant. Muté, en 1834, comme professeur au collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, il renonce, cette même année, à la prêtrise et il entreprend un stage de clerc à l’étude du notaire Fabien Ouellet de Québec. Obligé de payer le coût de ces études, Laurin met à profit son expérience pédagogique en rédigeant cinq ouvrages destinés à combler l’absence de manuels scolaires à cette époque. Il publie, de 1836 à 1839, un Traité d’arithmétique [...], un Livre destiné à l’instruction de l’enfance [...], un Traité sur la tenue des livres [...], le Chansonnier canadien, ou nouveau recueil de chansons et une Géographie élémentaire [...]. Ces ouvrages qui, selon le Fantasque de Québec, témoignent d’une rigueur intellectuelle parfois discutable, nous livrent la pensée de l’auteur sur la nécessité de la formation intellectuelle : « Sans l’éducation, l’homme ne peut pas faire à ses semblables tout le bien qu’ils ont droit d’en attendre dans l’état social, et il ne peut non plus occuper le rang distingué que les lumières assurent toujours à celui qui la possède. Il est donc du devoir de chacun [...] de faire usage de son influence pour encourager les hommes à cultiver leur esprit. »
Admis à la pratique du notariat le 20 août 1839, Laurin installe aussitôt son bureau rue Couillard, à Québec. Un examen de son minutier, contenant plus de 9 197 actes étalés de 1839 à 1888, nous révèle qu’il possède une large clientèle se recrutant surtout parmi les couches populaires de la société. Un an après l’ouverture de son étude, une des premières grandes grèves de l’histoire du mouvement ouvrier au Canada éclate aux chantiers navals de la rivière Saint-Charles, à Québec. Plus de 800 charpentiers de navires interrompent la production afin de manifester leur mécontentement envers les propriétaires d’ateliers de construction qui tentent depuis un certain temps d’imposer, par voie de coalition, les salaires les plus bas. Voulant organiser leur défense de façon efficace, ces travailleurs fondent, durant le mois de décembre 1840, la Société amicale et bienveillante des charpentiers de vaisseaux de Québec. À cette occasion, le jeune notaire Laurin, sympathique à la cause ouvrière, est élu secrétaire et conseiller juridique de la société ; à ce titre, il rédige la demande de reconnaissance officielle et les règlements de ce syndicat. Lors d’une réunion, tenue le 21 décembre, Laurin déclare « qu’il fera tous ses efforts pour soutenir les charpentiers dans leur noble résolution de faire une opposition vive et constante au monopole odieux des maîtres constructeurs de vaisseaux qui, non contents d’avoir profité du travail et des sueurs des pauvres charpentiers pour amasser des richesses, veulent encore dans cette saison rigoureuse les priver tout à coup, eux et leurs familles, de tous les moyens de subsistance en leur offrant un vil prix, tandis qu’ils vendent leurs vaisseaux à haut prix au delà de l’Atlantique ». À la suite de cette riposte organisée, les propriétaires de chantiers se rendront, en quelques jours, aux exigences des ouvriers et élèveront leur salaire de 3 à 4 shillings par jour. Cette première victoire consolidera ce syndicat ouvrier naissant.
Laurin participe également à la vie politique de son époque. Aux élections de 1836, il se présente dans le comté de Saguenay, comme candidat favorable aux Quatre-vingt-douze Résolutions ; bien qu’animé d’un patriotisme modéré, Laurin doit affronter une campagne de dénigrement menée par la Quebec Gazette. N’ayant pas suffisamment d’appuis, il retire sa candidature après 13 jours. Néanmoins, en 1844, il est élu député du comté de Lotbinière à l’Assemblée législative de la province du Canada ; il conservera ce poste jusqu’en 1854, année au cours de laquelle il sera défait par John O’Farrell, avocat de Québec, à la suite d’une élection frauduleuse. Pendant son mandat, Laurin lutte contre différentes manifestations de l’oppression nationale. Ainsi en 1844, il proteste contre l’usage trop exclusif de l’anglais à l’Assemblée et demande la mise en pratique du règlement parlementaire ordonnant que toutes les lois et documents s’y rattachant soient traduits dans les deux langues. Mais, l’année suivante, une proposition de Laurin est déclarée irrecevable par l’orateur (président) de l’Assemblée, sir Allan Napier MacNab*, parce qu’elle est écrite en français. Louis-Hippolyte La Fontaine* tentera en vain de contester cette décision de l’orateur. En 1849, à l’occasion du débat entourant le projet de loi sur la réforme électorale, le jeune notaire propose une motion visant à introduire un système de représentation proportionnelle, afin de corriger les injustices électorales faites au Bas-Canada depuis 1840 ; celle-ci ayant été rejetée, il se range parmi les tenants du rappel de l’Union. Le nom de Laurin est surtout associé à la loi de 1847 visant à organiser le notariat dans le Bas-Canada ; sous l’initiative de ce dernier, cette loi prévoyait la mise sur pied de trois chambres de notaires, à Montréal, Trois-Rivières et Québec, ayant le pouvoir d’émettre les certificats aux aspirants et de surveiller l’exercice de la profession.
Soucieux de la bonne marche de sa profession, Laurin a participé, en 1840, à la mise sur pied de l’Association des notaires du district de Québec [V. Louis-Édouard Glackmeyer]. Il devient également le premier secrétaire de la Chambre des notaires de Québec, remplissant cette charge de 1848 à 1862 ; trésorier de 1862 à 1868, il accède à la présidence de la chambre en 1868 et s’y maintient jusqu’en 1870. Durant ces années, Laurin se consacre à l’administration des affaires courantes de cet organisme tout en faisant parfois partie de comités internes, comme celui qui devait étudier, en 1865, le projet du nouveau Code civil [V. René-Édouard Caron*] et celui qui, en 1868, devait préparer un projet de loi pour refondre la législation de 1847 sur le notariat ; ce dernier projet de loi sera adopté en 1870 par l’Assemblée législative de la province de Québec, et il regroupera les membres de la profession en une seule corporation, la Chambre des notaires de la province de Québec.
Tout au long de sa carrière, Laurin accomplit différentes tâches administratives, juridiques et militaires. Ainsi, il occupe, de 1843 à 1846, le poste de représentant du quartier Saint-Roch au conseil municipal de la ville de Québec et, plus tard, celui de maire du village d’Ancienne-Lorette. Commissaire de la Cour du banc de la reine et juge de paix pour le district de Québec pendant plusieurs années, cet homme, que l’on décrit physiquement comme robuste, reçoit en 1847 le grade de capitaine de la milice locale et, en 1858, celui de lieutenant-colonel. Trois ans auparavant, il avait accepté la commission d’agent du Domaine de la couronne et celle d’agent pour la commutation de la tenure des terres dans la censive de Québec. En 1868, il deviendra surintendant des lots de grève dans la province de Québec et agent de la seigneurie de Lauson, deux responsabilités qu’il conservera jusqu’en 1887.
Le notaire Laurin meurt le 3 mars 1888 à sa résidence d’Ancienne-Lorette qu’il avait acquise, en 1845, de son ami, le musicien et notaire Louis-Édouard Glackmeyer. Cette maison avait été baptisée Montebello, en l’honneur de Louis-Joseph Papineau*, pour qui Laurin avait une grande admiration.
Joseph Laurin est l’auteur de : Traité d’arithmétique, contenant une claire et familière explication de ses principes, et suivi d’un traité d’algèbre (Québec, 1836) ; Livre destiné à l’instruction de l’enfance, ou nouvel alphabet français à l’usage des enfans (Québec, 1837) ; Traité sur la tenue des livres, en partie simple et en partie double, rédigé pour la classe mercantile (Québec, 1837) ; le Chansonnier canadien, ou nouveau recueil de chansons (Québec, 1838) ; Géographie élémentaire, par demandes et par réponses, à l’usage des écoles (Québec, 1839). Le minutier de Laurin (1839–1888) est conservé aux ANQ-Q.
ANQ-Q, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Québec, 18 oct. 1811.— Debates of the Legislative Assembly of United Canada (Gibbs et al.), VIII : 189s., 349s., 1 427s.— Le Canadien, 13 janv. 1836, 21 déc. 1840, 20 janv. 1841.— Le Fantasque (Québec), 3 juin 1839, 10 déc. 1840.— DOLQ, I : 244.— Ouellet, Hist. économique, 500s.— J.-E. Roy, Hist. du notariat, III : 57, 137–146, 148, 227, 317, 351, 436s., 446.— S. B. Ryerson, Le capitalisme et la Confédération : aux sources du conflit Canada-Québec (1760–1873), André d’Allemagne, trad. (Montréal, 1972), 231–235.— Réal Bertrand, « Le notaire Joseph Laurin », Vie française (Québec), 15 (1960–1961) : 218–228.— Lionel Groulx, « Faillite d’une politique », RHAF, 2 (1948–1949) : 81–96.
Lucie Bouffard et Robert Tremblay, « LAURIN, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/laurin_joseph_11F.html.
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Auteur de l'article: | Lucie Bouffard et Robert Tremblay |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
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