KOYAH (Coya, Coyour, Kower, Kouyer ; Koyah signifie corbeau et se prononçait xoˀya), éminent chef des Kunghit-Haïdas, division la plus au sud des Haïdas des îles de la Reine-Charlotte (Colombie-Britannique), décédé probablement le 21 juin 1795.

Le peu qu’on connaisse de la vie de Koyah provient des journaux de quelques marins de la Nouvelle-Angleterre, qui fournissent une documentation fragmentaire et partiale. Mais il apparaît que Koyah, « un petit bonhomme minuscule, à l’allure sauvage », fut mêlé à plus de conflits avec les vaisseaux de traite que tout autre chef de la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord, et sa vie projette quelque lumière sur les origines de la violence qui troubla souvent la traite des fourrures dans le Pacifique.

À Red-Cod-Island-Town (Ninstints, île d’Anthony, Colombie-Britannique), le principal village des gens de Koyah, comme partout ailleurs sur la côte nord-ouest, la traite des fourrures commença d’une manière toute pacifique. L’établissement, que les trafiquants appelaient Koyah, suivant en cela l’usage de donner à chaque village le nom de son chef, avait été visité en 1787 par George Dixon et en 1788 par Charles Duncan. En juin 1789, arrivait le Lady Washington, sous le commandement de Robert Gray*. Comme Robert Haswell* le nota dans le journal de bord, « un commerce actif fut bientôt mis sur pied par Coya, le chef, qui fit le troc pour tous ses sujets, et quelques peaux de loutre marine furent acquises avant la nuit ». Les affaires étaient menées dans un esprit de « parfaite amitié ».

En juillet, Gray changea de navire avec son associé, John Kendrick, et fit voile vers la Chine. Kendrick, qui n’avait pas, dans la traite, l’expérience de Gray, retourna chez Koyah. Il laissa monter à bord un trop grand nombre d’Indiens et s’emporta en constatant que certains articles de peu de valeur, dont son propre linge, avaient été chapardés. Se saisissant de Koyah et d’un autre chef, Skulkinanse, Kendrick leur enchaîna chacun une jambe à l’affût d’un canon, les menaçant de mort si tous les articles volés n’étaient point retournés et si toutes les fourrures du village ne lui étaient pas cédées en échange d’articles de traite. Selon ce que les Indiens en rapportèrent ensuite à Gray, Kendrick « prit Coyah, lui passa une corde au cou, le fouetta, lui peignit le visage, lui coupa les cheveux, lui enleva un grand nombre de peaux et le renvoya à terre ».

Koyah pouvait toujours compter sur la loyauté des siens, mais sa faculté de donner des ordres aux autres habitants du village tenait uniquement à son prestige. Le traitement que lui avait infligé Kendrick constituait, selon les conceptions des Haïdas, un affront révoltant pour un personnage noble. Aussi Koyah fut-il poussé à chercher vengeance à Kendrick quand il revint au village, le 16 juin 1791. On possède, sur cet épisode, un luxe inhabituel de détails, grâce à plusieurs récits de seconde main dans des journaux personnels et à un récit de première main qui nous est parvenu sous la forme d’une chanson, « The ballad of the bold northwestman ». Un jour où le commerce allait bon train, Kendrick, « sous l’effet des boissons », laissa de nouveau un trop grand nombre d’Indiens monter à son bord. Ils envahirent le navire et s’en emparèrent. On raconte que Koyah, montrant sa jambe, s’écria, triomphant : « Maintenant, attachez-moi donc à votre affût de canon ! » Après en être rapidement venu aux mains avec le capitaine, toutefois, Koyah, de même que ceux qui l’avaient suivi, fut jeté par-dessus bord, perdant une quarantaine d’hommes dans l’affaire. Parmi les morts, il y avait sa femme et deux de ses enfants, et lui-même était blessé. Pour Koyah, à l’humiliation subie précédemment, venaient s’ajouter une bataille perdue, des blessures et la perte d’êtres chers.

Cette deuxième rencontre avec Kendrick dut avoir des conséquences désastreuses sur le statut social de Koyah. Gray visita le village le 8 juillet (on lui avait raconté la première visite de Kendrick, mais non pas la seconde) et rapporta que Koyah « paraissait très effrayé, et tremblait sans arrêt durant toute la visite ». En outre, ainsi que le lui expliquèrent les Indiens, « Coyah n’était plus un chef, mais un « Ahliko », c’est-à-dire quelqu’un de rang social inférieur ; ils n’ont plus maintenant de grand chef, mais plusieurs chefs secondaires ».

Les événements subséquents montrent Koyah engagé dans des actions susceptibles de lui redonner un peu de son prestige. Le 27 août, le capitaine Joseph Ingraham, à l’ancre à l’inlet de Cumshewa (île de Moresby, Colombie-Britannique), vit Koyah et Skulkinanse menant 12 grands canots à la guerre contre un ennemi traditionnel, le chef Skidegate. On ne connaît pas le résultat de ce raid. Au cours de l’été de 1794, Koyah, en compagnie des chefs Cumshewa et Scorch Eye, s’empara à l’inlet de Cumshewa d’un brick américain monté par 11 hommes, qu’ils mirent tous à mort, sauf un qu’ils gardèrent un an en esclavage. Pendant l’hiver de 1794–1795, il s’empara d’un gros navire anglais qui était à l’ancre dans les environs pour remplacer ses mâts cassés. L’équipage au complet fut tué.

Le 21 juin 1795, le sloop bostonnais Union, sous les ordres de John Boit, jeta l’ancre au large du village de Koyah. Quarante canots, portant 300 hommes, entourèrent le navire, et huit des chefs, dont Koyah, montèrent à bord. Selon les propres mots de Boit, « Scorch Eye, le grand chef, déclencha l’attaque en se saisissant de M. Hudson, l’officier en second. Au même moment, les Indiens qui étaient sur nos côtés tentèrent de monter à bord, en hurlant de la manière la plus horrible [...] Je tuai leur chef principal, Scorch Eye, dans les bras de l’officier en second, pendant qu’ils étaient à se battre. Le reste des chefs qui étaient à bord fut mis hors de combat et blessé, et nous en avons tué plus de 40 autres, de ceux qui étaient sur les bastingages et dans les canots sur nos flancs [...] Je suppose que, dans tout ce fracas, nous en avons tué et blessé 50 environ, mais les Indiens prétendirent que nous en avions tué 70. » Le lendemain, les Indiens payèrent la rançon des chefs qui étaient prisonniers, et qu’on avait mis aux fers. L’identification de Scorch Eye comme chef principal, faite par Boit, et le rapport de cet incident, rédigé par le capitaine Charles Bishop, selon lequel « Koyer [...] attaqua le navire du capitaine Boyd », amenèrent les historiens à conclure que c’est Koyah, plutôt que Scorch Eye, qui fut tué dans cette affaire. À tout événement, on ne trouve plus mention de Koyah dans les documents de l’époque.

Les Kunghit-Haïdas survécurent pendant quelque temps, mais non point la dynastie de Koyah ; au cours de la décennie suivante, le chef du clan de l’Aigle, Ninstints, imposa son autorité. Diminués par les rencontres avec Kendrick et Boit, de même que par l’épidémie de petite vérole de 1862, les survivants de la tribu quittèrent leur village vers 1885, s’établirent à Skidegate (Colombie-Britannique) et embrassèrent le christianisme.

Wilson Duff

Provincial Archives of B.C. (Victoria), Hope (ship), Journal of the voyage from Boston to the north west coast of America, 1790–1792, par Joseph Ingraham (photocopie de l’original) ; Ruby (ship), Commercial journal, copy’s of letters and accts. of Ship Rubys voyage to N. Wt. coast of America and China, 1794.5.6, par Chas. Bishop.— The sea, the ship, and the sailor : tales of adventure from log books and original narratives, Elliot Snow, édit. (Salem, Mass., 1925).— Voyages of « Columbia » (Howay).— K. E. Dalzell, The Queen Charlotte Islands, 1774–1966 (Terrace, C.-B., 1968) ; The Queen Charlotte Islands, book 2, of places and names (Prince Rupert, C.-B., 1973).— J. R. Swanton, Contributions to the ethnology of the Haida (New York, 1905).— Wilson Duff et Michael Kew, Anthony Island, a home of the Haidas, B.-C., Provincial Museum, Report (Victoria), 1957, 37–64.-F. W. Howay, The ballad of the bold northwestman : an incident in the life of Captain John Kendrick, Washington Hist. Quarterly (Seattle), XX (1929) : 114–123 ; Indian attacks upon maritime traders of the northwest coast, 1785–1805, CHR, VI (1925) : 287–309.

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Wilson Duff, « KOYAH (Coya, Coyour, Kower, Kouyer) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/koyah_4F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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