KENDRICK (Kenwick, Kenwrick), JOHN, trafiquant de fourrures, né vers 1740 à Harwich, Massachusetts, fils de Solomon Kenwrick et d’Elizabeth Atkins ; il épousa en décembre 1767 Huldah Pease ; décédé le 12 décembre 1794 dans le port d’Honolulu, Oahu (Hawaii).
John Kendrick prit la mer alors qu’il était encore jeune et, à 20 ans, il était déjà engagé dans l’industrie baleinière du Saint-Laurent. Il servit pendant une campagne, au cours de la guerre de Sept Ans, mais retourna ensuite à la mer, s’introduisant dans le commerce côtier de la Nouvelle-Angleterre. Pendant la Révolution américaine, il commanda plusieurs navires armés en course qui s’attaquaient au commerce britannique.
Le troisième voyage de Cook dans le Pacifique révéla les prix élevés que rapporteraient en Chine les fourrures de loutre marine. Pendant que la nouvelle des possibilités de cette exploitation faisait son chemin dans le monde du commerce, des marchands réagirent en envoyant des expéditions sur la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord ; James Hanna, faisant voile de Macao, Chine, en 1785, fut le premier à tirer parti de ce commerce. En 1787, Kendrick reçut le commandement d’une expédition de traite organisée par Joseph Barrell, un marchand de Boston, et composée de deux navires, le Columbia Rediviva et le Lady Washington, celui-ci aux ordres du capitaine Robert Gray*. Les navires portaient des cargaisons d’articles de traite, surtout des objets de cuivre et de fer, des médailles spéciales pour les Indiens, des passeports et des lettres du gouvernement américain et du Commonwealth du Massachusetts.
L’expédition quitta Boston en septembre 1787, mais Kendrick, selon Gray, n’était pas un « chef très preste ». Les navires flânèrent dans plusieurs ports en cours de route. L’un de ces arrêts, à l’île de Juan Fernández (Robinson Crusoe), au large des côtes du Chili, alerta les autorités espagnoles sur leur destination et suscita quelques inquiétudes concernant des empiétements possibles de la part des Américains à l’endroit de territoires revendiqués par les Espagnols sur la côte du Pacifique. Kendrick et Gray arrivèrent finalement à la baie de Nootka (Colombie-Britannique) en septembre 1788, ayant pris trois mois de plus que le temps normal de navigation, et décidèrent d’y passer l’hiver. Kendrick fit à Muquinna, un des principaux chefs des Indiens nootkas, une cour systématique. En mars 1789, quand son associé fit voile vers le sud, trafiquant le long de la côte jusqu’au détroit de Juan de Fuca, Kendrick conduisit son navire, en remontant le bras de mer, jusqu’à l’anse de Mawinna (baie de Marvinas, Colombie-Britannique), et construisit une maison et une batterie qu’il nomma fort Washington.
Le 5 mai, le navire de guerre espagnol Princesa, commandé par Esteban José Martínez, arriva à la baie de Nootka. Martinez avait l’ordre d’établir un poste temporaire, en vue d’assurer la reconnaissance des revendications espagnoles sur la côte du Pacifique. Kendrick put persuader l’Espagnol que ses deux navires étaient à la baie de Nootka aux fins de réparations, et non pour la traite. Plusieurs navires britanniques, toutefois, dont l’Argonaut, commandé par James Colnett*, furent saisis par Martinez pour atteinte à la souveraineté espagnole. La saisie de ces navires fit éclater la crise de la baie de Nootka, qui allait conduire l’Angleterre et l’Espagne au bord de la guerre en 1790. Kendrick paraît avoir contribué à l’établissement de la présence espagnole à cet endroit : il présenta Martinez à Muquinna, pointa ses canons sur l’Argonaut quand il en fut requis, et donna l’ordre à son armurier de fabriquer les fers destinés aux prisonniers britanniques. Pendant ce séjour à la baie de Nootka, le fils de Kendrick, John, embrassa le catholicisme ; changeant son prénom en celui de Juan, il servit par la suite sur les navires espagnols.
Muni de deux bons navires et ses concurrents aux fers, Kendrick avait une chance de faire fortune tout en enrichissant ses employeurs. La côte nord-ouest était alors un paradis pour le trafiquant de fourrures ; dans un cas, l’expédition avait reçu 200 peaux de loutre marine évaluées à $8 000 pour un pareil nombre de ciseaux de fer valant à peu près $100. En juillet 1789, Kendrick changea de commandement avec Gray, et, pendant que le Columbia Redivina faisait voile vers la Chine, Kendrick trafiqua le long de la côte, sur le Lady Washington, depuis la baie de Nootka jusqu’aux îles de la Reine-Charlotte (Colombie-Britannique). Là il jeta l’ancre au large de ce qui est maintenant connu sous le nom d’île d’Anthony ; au cours de la traite avec les Haïdas, Kendrick soumit leur chef Koyah à une vive humiliation en l’attachant à l’affût d’un canon jusqu’à ce que quelques morceaux de linge à blanchir, qui lui appartenaient et qui avaient été chapardés par les Indiens, lui fussent retournés.
Pendant son voyage vers la Chine, Kendrick visita les îles Sandwich (Hawaii) et fut l’un des premiers à voir la possibilité d’un commerce de perles et de bois de santal avec l’Orient. Il laissa trois hommes chargés de cueillir ces produits, mais pris ainsi de court ils n’avaient guère les moyens de mener leur mission à bien. Quand Vancouver les vit, en mars 1792, ils étaient sans ressources et avaient échoué dans leur tâche. Une fois en Chine, Kendrick passa tranquillement 14 mois à disposer de sa cargaison et à regréer le Lady Washington en brick. En mars 1791, il prit de nouveau la mer, en direction de la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord, visitant le Japon sur sa route.
Le 13 juin 1791, le Lady Washington arriva au chenal de Barrell (chenal de Houston Stewart, Colombie-Britannique). Trois jours plus tard, au large de l’île d’Anthony, les Haïdas, conduits par Koyah, attaquèrent le navire. Kendrick et son équipage repoussèrent les Indiens, en tuant un bon nombre. Comme il n’avait pas obtenu beaucoup de succès dans sa traite aux îles de la Reine-Charlotte, Kendrick mit le cap au sud, le long de la côte, et, le 12 juillet, il entrait dans la baie de Nootka. Non fixé sur les intentions des Espagnols, il s’en alla à son vieil ancrage de l’anse de Mawinna, où il obtint environ 800 peaux de loutre marine. Il réjouit les Indiens en leur payant des prix élevés pour leurs fourrures et en leur fournissant des fusils, contribuant par là aux violences qui allaient marquer par la suite la traite des fourrures. Kendrick acheta aussi de vastes portions de terre, obtenant des actes de cession signés des Nootkas et dûment constatés par des témoins. John Howell, un trafiquant américain, rapporta plus tard que Kendrick « disait un jour au commandant de la baie de Nootka qu’il achetait ses territoires, pendant que les autres nations les volaient, et que s’ils (les Espagnols) étaient impertinents il soulèverait les Indiens et les chasserait de leurs établissements ». Voguant en direction sud jusqu’à la baie de Clayoquot, Kendrick obtint d’autres fourrures, rencontra Gray, prit le temps de réparer ses navires, puis partit pour la Chine le 29 septembre.
Kendrick passa 14 mois à Macao, pendant que Gray s’exaspérait, avant de s’embarquer pour la côte nord-ouest, au printemps de 1793. Il passa l’été à trafiquer le long de la côte, puis hiverna dans les îles Sandwich. À la fin de 1794, après avoir passé l’été à faire la traite, il visita de nouveau les îles Sandwich, où une faction d’indigènes venaient tout juste de sortir victorieux d’une guerre entre les îles. Pendant que Kendrick, à l’ancre dans le port d’Honolulu, regardait les célébrations de la victoire, un compagnon de traite tira une bordée en manière de salut. Malheureusement, un de ses canons n’avait pas été déchargé, et son boulet perça le flanc du Lady Washington, tuant Kendrick et plusieurs membres de son équipage.
Fameux pour son esprit d’entreprise et sa bonne humeur, Kendrick était lent, néanmoins, et souvent il entretenait de véritables chimères. Selon Howell, deux « de ses plans favoris étaient de changer la prédominance des vents d’ouest dans l’océan Atlantique et de détourner le Gulf Stream dans le Pacifique en creusant un canal à travers le Mexique ». Persuadé de la possibilité de coloniser la terre qu’il avait achetée à la baie de Nootka, Kendrick écrivit à Thomas Jefferson, suggérant qu’elle fût colonisée sous la protection du gouvernement américain. En 1795, ses propriétaires firent de l’annonce à Londres en vue d’intéresser des immigrants à la région, mais personne ne se présenta. Les pétitions adressées par la suite au Congrès des États-Unis, au nom de la famille de Kendrick, en vue d’obtenir des titres pour cette terre, échouèrent en 1854, à cause d’un manque de documentation.
Captains Gray and Kendrick ; the Barrel letters, F. W. Howay, édit., Washington Hist. Quarterly (Seattle), XII (1921) : 243–271.— Later affairs of Kendrick ; Barrell letters, N. B. Pipes, édit., Oreg. Hist. Soc., Quarterly (Eugene), XXX (1929) : 95–105.— Letters relating to the second voyage of the « Columbia », F. W. Howay, édit., Oreg. Hist. Soc., Quarterly, XXIV (1923) : 132–152.— Meares, Voyages.— G. Vancouver, Voyage of discovery (J. Vancouver).— Voyages of « Columbia » (Howay).— DAB.— Howay, List of trading vessels in maritime fur trade.— Walbran, B. C. coast names.— Cook, Flood tide of empire.— F. W. Howay, John Kendrick and his sons, Oreg. Hist. Soc., Quarterly, XXIII (1922) : 277–302 ; Voyages of Kendrick and Gray in 1787–90, Oreg. Hist. Soc., Quarterly, XXX (1929) : 89–94.
Richard A. Pierce, « KENDRICK (Kenwick, Kenwrick), JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kendrick_john_4F.html.
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Auteur de l'article: | Richard A. Pierce |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
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